Avec la flambée des cours de la protéine et des aliments concentrés en général, la nécessité de renforcer l’autonomie alimentaire de son troupeau est plus que jamais d’actualité. La recherche d’autonomie totale est illusoire dans la majorité des élevages. Mis à part quelques exploitations herbagères peu intensives qui peuvent effectivement envisager une complète autonomie, pour les autres il serait bien souvent anti-économique de diminuer fortement ou de supprimer les achats de correcteur azoté notamment. Cependant de nombreuses pistes de travail existent pour ne pas subir de plein fouet cette hausse historique du marché des aliments concentrés. Petit tour d'horizon :
Veiller à une bonne valorisation de la ration
La conception de la ration, le respect des transitions et la qualité du logement influent de façon importante sur l’efficacité alimentaire. Lors de la réalisation des constats d’alimentation on remarque une variation de 25% d’efficacité entre élevages. Cette variation se traduit par un écart de coût de production de 30 à 35€ / 1000L. L’efficacité alimentaire dépend en grande partie du bon fonctionnement du rumen. Un rumen efficace doit être suffisamment et régulièrement rempli et habité par une population bactérienne la plus stable et la plus nombreuse possible. Pour cela la vache doit disposer en permanence d’une ration appétente et équilibrée, ainsi que d’eau propre approvisionnée par des abreuvoirs dotés de réserves et de débits suffisants. Chaque changement de ration doit être anticipé pour pouvoir réaliser des transitions suffisamment longues permettant ainsi à la population microbienne de s’adapter progressivement et de rester efficace. Tout ceci se passera bien à condition d’avoir une rumination suffisante. Une bonne rumination nécessite une ration suffisamment fibreuse mais aussi un minimum de confort. Une vache stressée et fatiguée avec un couchage inconfortable va ruminer beaucoup moins longtemps et efficacement laissant le champ libre à l’apparition de l’acidose.
Adapter la concentration de la ration à un nouveau contexte
Avec des prix élevés d’aliments concentrés, il est souvent plus rentable de viser des concentrations de ration plus modérées en protéines. En effet des essais à la ferme expérimentale des Trinottières (49) montrent qu’un équilibre optimum entre la production laitière et la composition du lait est atteint avec une ration avec 90g de PDI par kg de MS ingéré (cf tableau). Passer de 100 à 90g de PDI entraine une économie de plus de 550€ par mois de correcteur azoté sur un troupeau de 50 vaches. Si on intègre dans le calcul la moindre production laitière et la variation de taux, au prix du lait actuel, l’économie n’est plus que de 100€ par mois, mais tout de même de 1200€ par an sur la base d’un troupeau de 50VL.
Lait Brut Kg) | Lait à 4% de MG (Kg) | MG (g) | MP (g) | TB (g/Kg) | TP (g/Kg) | Urée (mg/L) | Variation poids (g/jour) | |
80g PDI / Kg MS | 29,7 | 30,5 | 1239 | 897 | 41,7 | 29,8 | 264 | -724 |
90g PDI / Kg MS | 31,3 | 31,6 | 1277 | 950 | 40,8 | 30,3 | 271 | -621 |
100g PDI / Kg MS | 33,3 | 32,9 | 1306 | 992 | 39,2 | 29,8 | 299 | -709 |
Source : Comparaison de 3 lots de vaches, ferme expérimentale des Trinotieres (49)
Valoriser au mieux les surfaces en herbe et les cultures dérobées
Plus la part d’herbe de la ration est importante, et plus la complémentation azotée nécessaire sera réduite. De plus, à quantité égale d’herbe, le lait permis par ce fourrage sera d’autant plus important que sa qualité sera élevée. L’herbe d’automne souvent décriée peut être un allié intéressant pour corriger en partie les rations à base de maïs. En effet cette herbe bénéficie souvent d’une pluviométrie abondante couplée à une minéralisation importante de l’humus dans le sol. On obtient ainsi un fourrage un peu moins riche en sucre qu’au printemps, mais tout aussi digestible et le plus souvent très riche en azote. Ce fourrage peut être utilisé soit en pâture soit sous forme d’ensilage ou d’enrubannage et permet d’économiser facilement 1 à 2 kg de correcteur azoté si la ration est bien équilibrée.
Privilégier le tourteau de Colza eu Soja
Le tourteau de soja et de colza sont les 2 tourteaux les plus adaptés aux rations vaches laitières. Ils possèdent chacun leurs qualités et ont quelques différences à connaître.
| UFL | PDIN | PDIE | P | Ca |
Tx SOJA | 1.06 | 331 | 229 | 6.2 | 3.4 |
Tx COLZA | 0.85 | 219 | 138 | 11.4 | 8.3 |
Principales aractéristiques des tourteaux de soja et colza
Le tourteau de colza a une teneur en matière grasse proche de celle du tourteau de soja auquel on le substitue le plus souvent. Par contre sa teneur en cellulose brute supérieure pénalise de 20% sa valeur énergétique. Enfin, sa teneur en MAT plus faible fait que 1,5 Kg de colza sont nécessaire pour remplacer à l’identique 1 Kg de correcteur classique de type soja.
Ingestion | Lait | TP | TB |
+ 1,1 Kg MS | + 0,6 Kg | 0,3 | -1,2 |
Effets de la substitution d’un correcteur classique par du tourteau de colza (station expérimentale des Trinottières)
Cette quantité de concentré plus importante utilisée avec du colza augmente la quantité de MS ingéré de la ration, et du même coup accroît la production laitière. De plus, la baisse de TB (effet dilution et présence plus marquée d’acide gras insaturés) peut être intéressante vis à vis des quotas laitiers
Au-delà de la technique, c’est le prix qui guide vers l’un ou l’autre. En tenant compte de ses avantages sur la composition du lait, et de la réduction de la complémentation minérale induite (quantité et prix du minéral plus faible avec du colza car ce dernier a des valeurs élevées en P et Ca), il s’avère que l’utilisation du tourteau de colza est économiquement intéressante lorsque son prix est inférieur à 70% de celui du soja, ce qui arrive très fréquemment, comme l’indique les cours des tourteaux. Par exemple au 18 juillet, le prix du colza n'est que de 57% de celui du soja.
Très complémentaire des rations à base d’ensilage de maïs, l’utilisation en correcteur unique du tourteau de colza doit être par contre limitée dans les cas de vaches au pâturage ou à niveau de production élevé, du fait d’une quantité accrue d’azote soluble avec le colza.
Utiliser en complément des produits de substitution des tourteaux encore abordables financierement et disponibles à la vente
Source Institut de l'Elevage Documents à télécharger |
La drêche de brasserie, un produit très intéressant utilisable dans n’importe quel type de ration et capable de corriger rapidement les rations déficitaires en protéines peu fermentescibles. Ce produit a un effet lactogène mais, utilisé en quantité importante, peut entrainer une baisse importante des taux et notamment du taux butyreux. Son utilisation doit donc se limiter à 2 kg de MS/ vache/jour.
Les drêches de blé, coproduit issu des usines d’éthanol et de composition variable en fonction de leur provenance, sont des aliments très appétents et capables de remplacer en grande partie les tourteaux pour équilibrer les rations. Un des points faibles de ces produits est leurs teneurs relativement basses en Lysine et en Méthionine ce qui entrainent une baisse de TP de 1 à 1,5g /L par rapport aux mêmes rations équilibrées avec des tourteaux de soja-colza
L’urée alimentaire, elle permet à un prix imbattable d’apporter de l’azote soluble dans les rations déficitaires (maïs). Son utilisation doit être très rigoureuse, pesée précise des quantités distribuées et mélange très rigoureux à la ration.
Tannins et huiles essentielles, ces produits permettent dans des rations bien pourvues en azote soluble d’améliorer l’efficacité alimentaire. Il faut faire parfois attention à leur coût de revente élevé.
Les aliments du commerce, ils peuvent permettre d’avoir un produit compétitif si la formulation est bien adaptée. Ne pas prendre comme critère de choix uniquement le taux de protéine, en effet l’ajout d’urée par exemple permet très vite de faire grimper ce critère. Demander plutôt au vendeur la composition et s’assurer que le tourteau de tournesol ne rentre pas pour plus de 20% dans la formule et que les tourteaux de soja, colza, lin et autres drêche de blé représente au moins 80% du produit.
Vos conseillers d'élevage restent disponibles pour trouver avec vous les solutions les plus adaptées au contexte de votre exploitation. N'hésitez pas à faire appel à leurs services.
Yves ALLIGIER, Loire Conseil Elevage