S'adapter à la hausse des cours des correcteurs azotés

Synthèse de notre enquête sur les protéines

Plus de 100 éleveurs ont répondu à notre enquête, permettant de faire un état des lieux des pratiques, et dégager des pistes d'amélioration. Un grand merci à ceux qui ont répondu.

Typologie des éleveurs ayant participé

91% des réponses proviennent d'éleveurs bovins lait et 4% de caprins. L'origine des réponses est majoritairement issus de Rhône Alpes (93%), et notamment de la Loire (40%), du Rhône (28%) et de l'Isère (20%). 52% des élevages ont des rations semi-complètes, 34% des complètes, et 18% des individuelles. Au niveau des fourrages, nous recensons une majorité de rations à base de maïs ensilé : 71% des ensilages herbe et maïs, 12% herbe seule, 8% maïs seul, et 9% foin. Lire la suite...

Analyse des pratiques d'achat de correcteur

S’équiper pour stocker lorsque l’on peut

48% des correcteurs azotés achetés sont des matières premières, contre 52% de correcteurs élaborés. Le prix moyen des premiers est de 288€ avec 38% de MAT en moyenne pour des volumes achetés de 16 tonnes, contre 408€ de moyenne et 41% de MAT et 5 tonnes pour les concentrés du commerce. Les productions laitières de ces 2 groupes sont identiques. Il est donc facile de constater que, même s'il y a un peu plus de MAT et parfois de formule minérale associée aux correcteurs du commerce, le fait de cumuler achat de matière première avec quantité plus importante permet de d'économiser plus de 120€ par tonne, soit pour un troupeau moyen de 50 vaches plus de 5000€ par an. Dans ce cas, l'investissement en silo ou cellules de stockage est vite rentabilisé. Si on ne regarde que la quantité achetée, au niveau des extrêmes, les éleveurs qui achètent par 25 tonnes et plus, payent leurs correcteurs en moyenne 238€ la tonne contre 403€ pour ceux qui achètent par 5 tonnes et moins.

A noter cependant que les éleveurs achetant des volumes plus importants n’étaient pas encore tous impactés par la hausse des cours au moment de l’enquête car utilisaient les stocks constitués. Les écarts de prix suivant le type de concentrés ou les volumes commandés seraient moins importants aujourd’hui. Mais cela révèle aussi tout ce qu'il y a à gagner à commander des volumes plus conséquents lorsque les cours sont bas.

Se regrouper pour économiser

44% des éleveurs non équipés se disent prêt à acheter leurs correcteurs en + grande quantité. Pour les petits troupeaux ce n'est pas facile de stocker de gros volumes (trésorerie, stockage, conservation), mais il leur est possible de se regrouper avec des voisins. Ainsi, notre enquête nous apprend que vous êtes 60% à souhaiter se regrouper avec d'autres agriculteurs afin de pouvoir acheter en + grandes quantités. Actuellement 13% des éleveurs le font déjà, certainement une piste à développer pour les autres...

Suivre les cours pour anticiper

45% des éleveurs achètent lorsque les stocks sont épuisés, quel que soient les cours. Ces éleveurs paient en moyenne leurs correcteurs 397€ la tonne, soit  62€ de plus que les autres éleveurs. Ceci est à rapprocher des 62% d'éleveurs qui disent suivre les cours seulement de temps en temps, et aux 15% avouant ne jamais suivre les cours des correcteurs. Ces 2 catégories paient leurs correcteur 387€ la tonne, contre 293€ en moyenne pour ceux qui regardent au moins 1 fois par semaine. Ceux qui suivent les cours se renseignent en premier lieu auprès de leur fabricant d'aliment (62%), suivi des journaux et des cours sur internet (40% chacun). 22% achètent le correcteur azoté sur le marché à terme. 13% de ceux qui ne le font pas se disent prêt à le faire à l'avenir. Suivre les cotations Soja - Colza sur notre site, cliquez sur le bouton ci-contre.

Pratiques de rationnement

Pas de correcteur pour les génisses vêlant à 3 ans et plus

29% des éleveurs envisagent de diminuer la quantité de correcteur azoté aux vaches, alors que seulement 14% envisagent une telle diminution pour les génisses. Pour ces derniers, le renforcement du pâturage, un calcul au plus juste des besoins des génisses dans les rations, et les croissances compensatrices doivent permettre de réaliser cette baisse sans pénaliser la croissance des génisses. De plus, nous observons dans les élevages de la région beaucoup de vêlages à 3 ans ou plus. Or pour toutes les génisses vêlant après cette date, le fourrage seul suffit après 6 mois pour assurer les croissances nécessaires.

Des baisses possibles sur les vaches sans conséquences sur le lait

Pour les éleveurs qui envisagent de baisser les correcteurs pour les vaches, la moitié l’ont fait en augmentant la part d’herbe dans la ration, et l’autre moitié ont diminué sans compensation, en déconcentrant quelque peu la ration en protéine qui parfois était trop concentrée avec du gaspillage…. D’ailleurs, la moitié des éleveurs ayant baissé leur complémentation azotée estiment ne pas avoir eu de répercussion sur la production laitière.

Utiliser les indicateurs pour piloter la complémentation azotée

Le pilotage de l'azote de la ration est suivi principalement par le suivi du taux d'urée du lait (87% des éleveurs) et par l'aspect des bouses (84%). Viennent ensuite le suivi des quantités de lait du tank (45%), le TP (38%) et l'état d'engraissement des vaches (35%).

Si on regarde le taux d’urée, 25% des éleveurs ont encore des taux supérieurs aux repères classiques, et pas toujours pour des productions laitières élevées. Des économies sont possibles pour tous ces éleveurs dont le résultat urée est supérieur à 0,32.

Voir la calculette urée pour vous situer.

En fonction des cours, la substitution du correcteur par d’autres aliments est possible

Pour diminuer les achats de correcteurs azotés, et ainsi limiter la hausse des charges, 63% des éleveurs envisagent d'acheter d'autres aliments, et notamment le corn gluten (27%), les drèches (21%) et la luzerne déshydratée (20%), suivi du tourteau de colza avec seulement 15% (mais qui est déjà utilisé par un quart des éleveurs)

Renforcer l'autonomie protéique

Pour renforcer l'autonomie protéique des exploitations, 40% des éleveurs ayant répondu pensent d'abord à l'implantation de luzerne. Pour les autres, le développement du pâturage (30%) et l'implantation d'autres légumineuses (21%) est privilégié.

Au niveau de la précocité d'exploitation de l'herbe, 28% des éleveurs envisagent de faucher leurs prairies plus tôt, et 16% de les faire pâturer plus tôt. 2 pistes faciles à mettre en œuvre, sans investissement, et qui peuvent permettent de diminuer les quantités distribuées de correcteur tout en maintenant un niveau identique de lait permis par la ration.

26% des éleveurs qui souhaitent développer le pâturage, l’envisagent par l’amélioration de la qualité des prairies, en y associant des légumineuses, notamment en sursemis.

Autres idées

Les autres idées mentionnées dans les réponses et ayant retenu notre attention sont :

  • L’utilisation de colza fourrager,
  • Donner des graines de soja entières.
  • Renforcer son autonomie, quitte à baisser le niveau production des vaches et ne pas faire le quota
  • L’amélioration de l'efficacité énergétique de la ration pour mieux valoriser la protéine grâce à un fonctionnement optimum du rumen, en travaillant sur l’efficacité alimentaire globale de la ration. En effet, une vache en déficit énergétique, en acidose ou autre problème métabolique, n’aura pas un rumen fonctionnant idéalement, et ne valorisera de ce fait que partiellement la ration (concentrés et fourrages), causant du gaspillage. Voir notre dossier rumen.

 

Extrait des commentaires laissés par les éleveurs

Un certain nombre de commentaires laissés par les éleveurs ont retenu notre attention :

D'autres pratiques d'achat de correcteur ...

"Nous essayons de travailler avec des matières premières, en suivant les cours du marché nous nous orientons vers des tourteaux de soja, colza, et de la drèche. Nous n'achetons pas de concentré de production (VL), car estimons son achat trop onéreux. Nous cultivons 10ha de luzerne pour faire de la fibre efficace et azotée. Dans les nouvelles prairies, nous mettons de plus en plus de trèfles pour avoir un fourrage équilibré. Depuis bien longtemps nous avons conscience que les achats de matières azotées sont de plus en plus élevés. C’est pour cela que nous aurions aimé nous grouper avec d'autres éleveurs pour acheter en grande quantité quand les cours sont bas, ou un camion à plusieurs quand les cours sont haut de manière à ne pas prendre de risque. Malheureusement, peu d'éleveurs de notre entourage travaillent avec des matières premières comme nous. Si les cours continuent à grimper certains changeront peut être leur façon de travailler." Eleveur de la Loire 
 
"Les priorités doivent être axées sur la capacité des éleveurs à "encaisser" ces cours très fluctuant, notamment par le fort développement des capacités de stockage. D’ailleurs je pense qu’il ne faut pas hésiter à faire un prêt court terme pour se couvrir en tourteaux pour 6 mois pour profiter des cours les plus bas. Pour l’aspect technique il faut continuer à développer des groupes d'échanges sur différentes méthodes culturales (mélanges prairiales par exemple)" éleveur du Rhône 
 
"Pour ma part seul l'achat collectif peut apporter une solution pour limiter la hausse des cours" éleveur de la Loire 
 
"Il y a moins de fluctuation avec les aliments du commerce" éleveur de la Loire 
 

Des pratiques de rationnement ...

"Avec 120 kilos de tourteaux par vache et par an, si le prix varie de 300 euros par tonne ça ne fait que 10 centimes par vache et par jour de plus. Dans mon système  "primitif" le tourteau n'est apporté que pour aider les bactéries à dégrader la cellulose" éleveur du Rhône 

 
"Pas de tourteaux aux génisses car je fais du vêlage 3 ans, donc seulement besoin de foin", éleveur du Rhône 
 
"Améliorer l'efficacité énergétique de la ration pour valoriser pleinement la protéine" éleveur de l'Isère 
 
"Il faut optimiser à fond la pâture au printemps et en automne, car en été, il n'y a rien à pâturer..." éleveur de l'Ain 
 

Plus d'autonomie protéique ...

"Depuis 10 ans nous n'achetons plus d'aliment azoté, nous avons implanté uniquement des prairies multi-espèces pour le pâturage et la fauche. La complémentation se fait avec du meteil (association céréales/protéagineux) ramassé en grain (20 à 22 % protéines) et du soja que nous produisons" éleveur de l'Isère 
 
"Je m'interroge sur la culture du soja car un voisin semble donner directement de la graine de soja à ses vaches à hauteur de 3 ou 4 kg et semble ne pas avoir de problèmes" éleveur de l'Isère 
 
"Pour ceux qui le peuvent, sans que cela pénalise la production des VL, il me semble important d'améliorer la qualité de l'herbe de l'exploitation (pâturage, sursemis, implantation légumineuses)" éleveur du Puy de Dôme 

"Continuer à améliorer la qualité des prairies et des fourrage récoltés" éleveur de la Loire 
 
"Implanter des mélanges suisses riches en légumineuses à la place de mélanges de graminées voir de prairies naturelles" éleveur du Rhône 
 
"Plus de luzerne dans l'ensilage d'herbe, mélange de trèfle incarnat avec les RGI qui étaient cultivés en pure auparavant" éleveur de l'Isère 
 
"Mise à l'herbe plus précoce et pâturage tournant, récolter une bonne partie du stock en enrubannage en réajustant la fertilisation pour essayer d'obtenir un fourrage à environ 12% MAT"  éleveur du Puy de Dôme 
 
"La mise en place de l'affouragement en vert de luzerne cet été m'a permis de supprimer le correcteur azoté" éleveur de la Loire 
 
"Utilisation du colza fourrager en complément du maïs ensilage à l'arrière-saison" éleveur de la Loire 
 

Définir des objectifs de production ... 

"Je pense que, du fait des augmentations de quota, le lait produit en plus sur nos exploitations intensives diminue notre autonomie. Je me pose la question de la marge produite par ce lait supplémentaire (qui n'a pas apporté d'aides en plus) surtout quand les charges s'envolent (engrais, protéines, gasoil, paille, main d'œuvre)…" éleveur du Rhône 
 
"Si on ne trouve pas d'alternative pour diminuer le correcteur azoté, il faudra calculer si on ne sera pas gagnant à baisser tout simplement notre niveau de production" éleveur du Rhône 
 
 "Faut-il produire son quota ou produire moins avec une autonomie supérieure donc une meilleure marge? " éleveur du Rhône 
 

S'adapter au changement, tout simplement ...

"On est tributaire des cours des sècheresses, de la demande mondiale, on subit et il faut s'adapter en permanence" éleveur de la Loire 
 
"Notre métier change et la volatilité des cours fait partie de ces changements" éleveur de l'Isère 
 
"Attention aux économies immédiates qui peuvent avoir de lourdes conséquences sur les systèmes à moyen terme" éleveur de l'Isère 
 
"Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement "- Pierre DAC
 

Lire notre dossier complet: Objectif Protéines.

maitrise des taux (TB et TP) 

Hugues VILLETTE, Isère Conseil Elevage.

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