Privilégier les fourrages, et notamment le pâturage des vaches - Myriam et Daniel BOITEUX, éleveurs à Veyrins-Thuellin (38)
Exploitation avec 500 000 litres de lait produits, 125 hectares sur 2 sites principaux. 30ha de maïs dont la moitié est ensilée, 15 ha de céréales à paille, 10 ha de luzerne, 10 ha de pâturage des vaches laitieres, 60 ha de prairies naturelles ou temporaires.
Quels sont les leviers que vous avez actionnés pour limiter l'impact de cette hausse des aliments ?
Déjà je travaille en matières premières depuis plusieurs années et l’épisode la vache folle. J’achète en contrat de 20-25 tonnes le tourteau de colza et soja. Pour cette année, je suis quasiment couvert jusqu’à la fin de l’année à 350 euros pour le soja et 207 pour le colza. Dés ce printemps j’ai aussi décidé d’enrubanner ma luzerne plutôt que la récolter habituellement en foin. J’espère limiter au maximum la perte de feuilles et ainsi améliorer la valeur alimentaire. Je fauche toutes les 5-6 semaines soit 5 coupes par an pour un rendement hectare proche des 14 t MS. Seule une coupe est fanée en été. Pour préfaner et limiter les pertes je me contente de regrouper les andains. Cet hiver pour la ration des laitières, je mélange dans le bol dessileur : 34kg brut de maïs, 11kg d’enrubannage de luzerne et 4 kg ensilage de RGI. En limitant la part du maïs je limite les besoins en correcteurs azotés à 3kg (colza+soja) pour 26 litres de lait/vache en moyenne.
Malgré un potentiel important en culture, vous avez choisi de garder la pâture des vaches ?
Même si le troupeau a toujours pâturé, il y 5-6 ans on a décidé de se remettre sérieusement à l’herbe. Pour cela on a investi et aménagé notre parcellaire : points d’eau, chemins d’accès, paddock d’un hectare avec clôture fixe. C’est un gain quotidien de temps et cela permet de mieux faire pâturer les vaches. Les terrains sont profonds et frais avec du potentiel (16 à 18 t MS maïs ensilage) voire irrigables. Le pâturage c’est un vrai choix pour moi. Déjà pendant 5 mois les vaches couchent dehors. Cela signifie moins d’achat de paille (besoin 8 à 900 balles rondes/an !) et moins de travail (paillage, fumier..). Moins de maïs et correcteur azoté à distribuer donc des économies. Et enfin sortir ses vaches, les voir têtes baissées dans les prairies et manger c’est du plaisir !
Comment conduisez-vous vos prairies ?
Chiffres clés de l'exploitation
|
Un bon équipement des parcelles est vraiment important. Ensuite je cherche à exprimer davantage le potentiel des prairies que celui des vaches. Les prairies sont renouvelées environ tous les 5 ans pour toujours disposer d’herbe de qualité et abondante. Après avoir essayé des mélanges à base Lofa-dactyle-trèfle, je sème maintenant un mélange plus complexe, plus appétent et riche en légumineuses. Toutes les parcelles reçoivent en début d’hiver du fumier bien décomposé (15-20 t/ha). 30 à 40 unités d’azote au printemps permettent de stimuler la croissance. Je sors les vaches très tôt (mi-mars) pour anticiper la pousse. Trop tard c’est cuit et on est dépassé par l’herbe. Tous les 2 jours les vaches ont un nouveau paddock. Si je vois que la pousse de l’herbe est trop importante, je retire quelques parcelles pour les faucher. Ces deux dernières années cela a très bien marché. Même en 2011, malgré le sec de printemps, les vaches avaient toujours une herbe de qualité. L’automne j’évite de pâturer trop tard, certaines parcelles craignent l’eau. J’y fais juste passer les génisses pour nettoyer les parcelles.
Et vos vaches à la pâture ?
Je n’ai pas d’objectifs de lait par vache. Certaines sont un peu crues mais les résultats de reproduction sont corrects (1.7 IA/vaches). Je gère les rations au quotidien. C’est le maïs qui complète l’herbe pâturée et pas l’inverse. En règle générale je limite le maïs ensilage à 20-25 kg brut mélangé avec 1.5 kg de foin de luzerne et 1.5 à 2 kg de tourteau colza-soja. Ensuite j’observe. Selon les refus au parc j’augmente ou réduis la part du maïs. Selon l’état des bouses je joue avec la quantité de correcteur azoté. Enfin je garde un œil sur le niveau du tank mais sans en faire une fixation. L’observation du troupeau, des parcelles et des données techniques Infolabo me permettent de piloter au mieux ces périodes de pâturage.
Comment envisagez-vous de réduire encore l'achat de correcteur azoté ?
Cet été, en réaction à la flambée des cours, j’ai semé 6ha de trèfle pur en dérobé derrière le triticale fin juillet. Avant de semer j’aurais dû faire un coup de round-dup. Pressé par la météo, je n’ai pas pu faire un faux-semis. Conclusion : une très bonne levée mais envahie de mauvaises herbes. Récolté mi-octobre en enrubannage, le rendement est correct (1.5 à 2 t MS/ha) mais il sera distribué aux génisses. Les frais d’implantation sont assez importants (semences, gas-oil, ..), le résultat pas toujours au RDV. Je ne pense pas que l’on y gagne énormément. L’an prochain je ne sais pas si je recommencerai.
En revanche j’ai prévu de semer 5ha de pois. D’une part pour rallonger ma rotation classique blé/orge/triticale et mais aussi pour limiter mes achats en correcteur azoté. En visant 40 quintaux /ha, je pense remplir ma cellule de 20 tonnes et réduire de 8-10 tonnes ma consommation de soja.
Enfin pour cet hiver je réfléchis à rentrer du corn gluten. A 100 ou 110 euros la tonne ça pourrait être un produit attractif. C’est bien l’année pour essayer !
Le regard de Michaël BONNAULT, conseiller d’élevage du secteur
"Même si la pâture ne représente que 15 à 20 ares par vache, l’herbe ingérée permet de limiter la correction azotée sur 6 à 7 mois dans l’année. Pour cela, les nouvelles prairies ressemées doivent être suffisamment appétentes, résistantes au piétinement et régulières en production. Nous avons opté pour un mélange multi-espèces composé de ray grass anglais demi tardif à raison de 8 kg/ha, de fétuque élevée à feuille souple à 12 kg/ha, de dactyle tardif à 4 kg/ha et d’un mélange de trèfle blanc (nain et intermédiaire). La fétuque élevée a un double intérêt dans le mélange : elle s’associe facilement avec le RGA et évite tout risque de concurrence entre les espèces contrairement au dactyle. La fétuque est robuste et permet d’exploiter le sol en profondeur grâce à son système racinaire très développé. Pour la variété, l’éleveur a choisi Dulcia de RAGT, l’une des variétés les plus souples du marché. La flexibilité de feuillage augmente la valeur alimentaire par une meilleure ingestion et assimilation du fourrage (diminution du taux de lignine). La fétuque élevée a aussi l’avantage de démarrer tôt en saison et d’assurer des bonnes repousses en fin d’automne ce qui augmente la période de pâturage des vaches laitières. Le caractère non remontant de cette plante permet des repousses riches en feuilles. Pour la première année, le résultat est satisfaisant, le couvert est homogène, riche en trèfles, relativement dense et les refus sont rares."
Jean-Philippe GORON - Isère Conseil Elevage