Dans les élevages robotisés, une bonne gestion de l'alimentation est un des points clefs à maitriser. A la fois au niveau technique, car en dehors des début de lactation qui viennent se faire traire pour se soulager, c'est la distribution de concentrés qui attire les vaches au robot. Et ensuite au niveau économique, la difficulté à gérer est le compromis qu'il faut trouver entre mettre du concentrés pour attirer les vaches, et ne pas trop en mettre pour les vaches en fin de lactation qui produisent moins de lait... Tout est question de compromis entre concentrés à l'auge et concentrés au robot.
Ingestion et rumination équilibrés, les piliers de la santé
Ainsi un éleveur nous faisait récemment remarquer : « L’alimentation est le moteur quasi unique de la fréquentation du robot ». Fort de cette affirmation, il est important de resituer, dans un premier temps en élevage traditionnel, les phases d’ingestion dans l’emploi du temps chargé d’une vache.
Il faut à notre vache moderne 5 heures en moyenne pour manger ses 55 kilos bruts en ration complète ensilage maïs et herbe et boire ses 100 litres d’eau. Un gros repas s’effectue lors de la distribution. Des petits repas s’ensuivent. Un deuxième repas assez important se réalise 10 heures après la distribution. Puis les petits repas reprennent. Ce film alimentaire continu permet de limiter l’ampleur des 2 principaux repas et de nourrir régulièrement le rumen. Mettre les animaux dans ce cycle dans le temps est capital.
Créer des films alimentaires discontinus est préjudiciable car les animaux sont capables d’ingérer beaucoup rapidement. En moins d’une heure, une vache peut ainsi manger jusqu’à 25 kilos bruts. La vache s’adapte à un accès limité aux aliments de qualité et ingère de grosses quantités en peu de temps. La conséquence est une mauvaise digestion de l’ingéré qui se traduit aussi par une baisse importante du pH. Cela s’appelle l’acidose postprandiale.
Suite à ces repas, la vache doit se coucher et se reposer dans de bonnes conditions. Une phase de repos dure environ une heure et permet aux animaux de ruminer, favorisant la bonne digestion de l’ingéré. Aprés ce temps de repos, la vache reprend son activité, à savoir boire et manger. Cette alternance peut comporter jusqu’à 15 périodes. Le temps de repos total va alors dépasser les 12 heures et la rumination approcher les 10 heures. Les conditions d’élevage et de bâtiment doivent mettre la vache dans cette ambiance. Tout stress peut engendrer des comportements anormaux chez les animaux. Les plus courants sont des logettes mal réglées ou avec un sol traumatisant, des accès à l’auge difficile, un sol glissant, un nombre de cornadis limité, des points d’eau insuffisants, ...
En système Robot, créer ce bien être indispensable au bon fonctionnement
Nous devons retrouver cette fluidité dans les élevages équipés de robot de traite. Ainsi les animaux doivent aller naturellement vers le robot, en sortir pour aller boire et manger, et se diriger vers les premiers lieux de couchage. Ensuite, il s’ensuivra régulièrement des phases de repos et d’ingestion. Les vaches s’éloignent progressivement du robot pour trouver de la tranquillité. Repos, rumination et ingestion feront bon ménage. Elles reviendront vers le robot environ 6 heures après la traite précédente.
Les points suivants sont les clefs pour obtenir ce bien être :
- Un robot facilement accessible
- Des concentrés appétants au robot
- Une circulation aisée avec des couloirs larges, un sol stable et des portes « non bloquantes » (pas de labyrinthe)
- Une bonne ambiance (gestion du stress thermique, ventilation, lumière)
- Des cornadis en nombres suffisants
- Une auge propre et des fourrages de qualité
- Des logettes confortables, aux bonnes dimensions et bien entretenues
La ration semi complète s’impose et impose des fourrages de qualité
Le niveau d’équilibre, c’est-à-dire le lait permis par la ration, doit se situer de 3 à 7 kg en dessous de la moyenne du contrôle. Les quantités distribuées au robot sont au minimum de 1,5 kg pour attirer les vaches en fin de lactation et au maximum de 8 kg pour couvrir les besoins des plus fortes productrices.
La ration à l’auge doit stimuler l’ingestion. Ce sont la qualité des fourrages qui en sont le facteur car les concentrés sont limités dans le mélange. L’ensilage de maïs va être le pivot de la ration dans la plupart des cas. Un ensilage récolté au stade optimum entre 32 et 35% de matière sèche, avec une bonne dégradabilité garantie par une teneur en grains suffisante (30%) et des tiges-feuilles digestibles est fondamental.
Caractéristiques nutritionelles
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Les ensilages d’herbe doivent aussi répondre à cette exigence, avec un pré fanage adéquat, et une valeur alimentaire élevée (supérieure à 0,85 UFL/ kg MS).
Ces deux ensilages doivent permettre de fortes ingestions (au moins 45 kg brut). Pour cela, conservation des ensilages, entretien des silos, propreté des auges doivent être au rendez-vous pour assurer une ration hygiénique.
Ensuite, un affinage des critères nutritionnels favorables (qui géreront fibrosité, cellulose brute, amidon et matière azoté) doit se faire par l’apport de foin, de concentrés énergétiques et correcteurs azotés.
Par exemple, une ration avec 30 kg brut d’ensilage de maïs et 15 kg d’ensilage d’herbe, ajusté avec 2 kg de foin de luzerne de 2e coupe, 1 kg d’orge, 1,5 kg de tourteau de colza et 1 kg de tourteau de soja sera une base solide pour un objectif de production par vache et par jour d’au moins 30 kg. Du minéral et du sel en mélange compléteront cet équilibre alimentaire.
Vous trouverez ci-contre les caractéristiques nutritionnelles de cette ration équilibrée à 25 kg (soit 5 kg en dessous du niveau objectif) !
Un critère de suivi sera le niveau d’ingestion. Pour une stalle de robot et 55 vaches en production, il faudra distribuer le nombre de vaches plus 4 rations (à moduler en fonction du niveau de production) soit 2980 kg de ration totale. Le matin, 100 kg de ration consommable seront observés pour garantir une ingestion maximum.
Le robot, un DAC qui doit devenir rationnel
La traite robotisée favorise l’expression du potentiel laitier des animaux par le nombre augmenté de traites en début de lactation (3 ou 4 traites) et la complémentation en concentrés au robot (jusqu’ 8 kg dans certains cas).
Les deux maladies nutritionnelles les plus rencontrées (acidose et acétonémie) peuvent se déclencher assez facilement dans leurs formes subcliniques.
En favorisant l’expression du potentiel, la perte d’état en début de lactation est soutenue. Si elle est trop importante, l’acétonémie survient. La distribution trop importante de concentrés pendant les traites du robot va amplifier le phénomène. Trop de concentrés en peu de temps et de faibles ingestions à l’auge se traduiront par des instabilités du rumen, synonyme d’acidose.
Des vaches taries préparées spécifiquement (voir notre article spécifique sur les taries), une ration hygiénique et une complémentation progressive au robot garantiront la capacité des animaux à augmenter leurs appétits en proportion de leurs productions. Ce parallèle permettra de diminuer acidose et acétonémie et orientera vers de la santé animale, condition à la maîtrise d’autres maladies comme les mammites et les boiteries.
2 descentes de concentrés, avec un concentré énergétique et un concentré azoté
L’appétence des concentrés est prioritaire pour attirer les vaches en fin de lactation avec une production faible. L’expérience de terrain montre que tous les choix sont possibles, de la céréale broyée aux tourteaux de colza en passant par des aliments du commerce.
Par contre un équipement adéquat est conseillé pour l’utilisation de matières premières. L’exigence du niveau de production des animaux pourra demander l’utilisation de plusieurs sources d’énergie et d’azote, qui devront alors être séparées pour affiner la distribution aux besoins des animaux en fonction de leurs stades de lactation.
Un mariage entre maïs grain, corn gluten feed et pulpe de betterave est complémentaire dans les synergies de dégradation et dans leurs utilisations par différentes flores.
Une complémentarité tourteau de soja et tourteau de lin accompagnera les animaux dans le premier mois de lactation pour fondre correctement leurs graisses.
Une simplification des concentrés est possible. Ce sont les animaux qui en seront le juge.
Les concentrés du robot peuvent être distribués aux autres animaux, génisses ou taries pour les familiariser avant vêlage.
Une table d’alimentation progressive et cohérente
Exemple de table d'alimentation au robot de traite
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La table d’alimentation doit gérer les animaux dans le premier mois de lactation, ensuite s’étalonner sur le niveau de production des animaux, et enfin permettre aux animaux en fin de lactation de venir au robot. Une attention particulière peut être donnée aux primipares.
Un minimum de 1 kg est nécessaire par traite pour attirer les animaux et un maximum de 2,5 kg par traite est conseillé pour donner le temps au robot de distribuer l’aliment et à la vache de le consommer.
Pour notre exemple de ration, la table d’alimentation proposée (cf tableau ci-contre) répond à ces 3 exigences.
Elle privilégie de faibles quantités pour pousser à la consommation de la ration appétante à l’auge. Surtout elle comporte un concentré azoté en début de lactation pour utiliser l’énergie des réserves corporelles.
Après 30 jours, c’est le niveau de production qui étalonne la complémentation. Le concentré énergétique plafonné au début reprend de l’importance dans la maîtrise du déficit énergétique pour la reproduction.
Il est conservé 2 kg pour les fins de lactations pour permettre un rythme de 2 traites quotidienne.
L’ analyse par stade sur le valorisé, une indication de la nutrition
Objectifs par stade
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Le tableau fixe des objectifs pour juger du comportement des animaux dans un élevage robotisé à travers une alimentation judicieuse.
8 kg de concentrés seront nécessaire dans notre exemple, soit 240 g/ kg de lait.
L’objectif est de traire 55 vaches en approchant les 150 traites pour une stalle et une production totale de 1815 kg soit 1650 à 1700 livrables par jour.
Voici des valeurs qui pourraient être vos objectifs. A vous de les analyser dans votre système d’exploitation, et éventuellement de faire encore mieux.
Patrice DUBOIS - Rhône Conseil Elevage
Pour aller plus loin sur ce sujet, consultez notre article sur les points clefs pour réussir l'installation et le bon fonctionnement d'un robot de traite