Définir une stratégie et assurer un suivi pour un tarissement réussi

Traiter sélectivement, c'est baisser d'environ 50% l'usage d'antibiotique au tarissement. Les traitements au tarissement ou lors des mammites en lactation représentent 70% des antibiotiques utilisés en élevage laitier. Encore appliqué par une majorité d’éleveurs, le traitement systématique au tarissement est de plus en plus controversé. Il est remplacé par du traitement sélectif pour de multiples raisons : passage en agriculture biologique, attente sociétale, … mais aussi à cause de l’inquiétude face à l’antibiorésistance. Elle s’est traduite depuis 2012 par le plan écoantibio (2012-2017) et depuis peu par le plan écoantibio2 (2017-2021). Le traitement sélectif au tarissement apparait comme une piste crédible de réduction des antibiotiques.

                             

 

Traiter sélectivement, c’est s’adapter à la vache

Le traitement systématique a été longtemps considéré comme la seule solution efficace, car il permet de guérir environ ¾ des infections et réduit de moitié les nouvelles apparitions. Mais on administre aussi des antibiotiques dans de nombreuses mamelles saines qui n’en mériteraient pas, en favorisant donc l’antibiorésistance. Le traitement sélectif permet de ne traiter que les vaches infectées avec un antibiotique en prenant en compte les risques présents sur l’exploitation. Les autres solutions peuvent être l’absence de tout traitement lorsque le risque est très limité, ou l’utilisation d’obturateur interne lorsque le risque existe. En bref, traiter sélectivement c’est baisser d’environ 50% l’usage d’antibiotique au tarissement.

 

 

Pas de sélectif sans protocole de soins

Pour commencer, quatre stratégies sont possibles : utiliser un antibiotique, utiliser un obturateur interne, utiliser les deux ou ne rien faire. Pour savoir quelle stratégie choisir il faut définir le seuil de sélection des vaches. Deux seuils existent : 100.000 ou 150.000 cellules. Le choix dépend du degré de sécurité choisi par l’éleveur et de la filière de commercialisation : on prendra plus de précautions en filière lait cru. Ensuite, il faut apprécier la situation de son élevage en réalisant un bilan avec l’aide de son vétérinaire et son conseiller d’élevage. Il s'agit du protocole de soins annuel défini selon les infections prédominantes de l'élevage. Celui-ci peut se baser sur une enquête épidémiologique, le bilan cellulaire du troupeau...

 

 

 

Avant tout, définir les facteurs de risque

Le traitement sélectif ne rime pas avec plus d’infections ! Mais pour garantir l’efficacité du protocole, il faut apprécier les facteurs de risques liés au troupeau et ceux inhérents à la vache. Les facteurs troupeau correspondent à des risques liés à la conduite ou au logement des animaux tels que la qualité du logement des taries ou la réintégration dans le troupeau avant vêlage. Il est nécessaire d’actualiser les données au cours de l’année. Les pratiques peuvent par exemple être différentes entre l’été et l’hiver.

Les critères liés à la vache sont, eux, des caractères physiques : plancher de la mamelle par rapport au niveau du jarret, qualité des trayons (lésions, gerçures…), présence de mammites sur le dernier trimestre...Chaque critère donne plus ou moins de points. Il suffit de croiser les données pour obtenir une notation correspondant à l’évaluation du risque : faible, moyen ou élevé. Selon les résultats, on adapte le protocole de soins. Ainsi, plus le risque sera élevé, plus l’animal nécessitera un tarissement draconien.

 

 

 

 

 

Pour aller plus loin…

Vos entreprises de Conseil Elevage sont là, aux côtés de vos vétérinaires, pour vous aider à mettre en place votre stratégie : mise en marche, suivi et évaluation du processus par le biais de formations collectives ou en visite de suivi individuel. Un outil d’aide à la décision est à votre disposition sur le site de l’Institut de l’élevage : http://idele.fr/services/outils/traitement-selectif-au-tarissement.html. Il sera aussi bientôt disponible sur votre logiciel de gestion de troupeau Mil’klic.

 

 

Katleen PETIT, Ardèche Conseil Elevage, Déborah CADOT, ACSEL Conseil Elevage.

 

 

 

« Avis d'expert !

Alexandre DIMBERTON, secrétaire du GTV Bourgogne Franche Comté

Quels sont les intérêts du tarissement sélectif ?

Tout d’abord, en cas de vêlage prématuré, le lait d’une vache tarie sans antibiotique peut être commercialisé tout de suite après la période colostrale. Alors que le délai d’attente en lait pour certains antibiotiques utilisés au tarissement peut atteindre 53 jours après l’application du tube intra-mammaire. De plus, l’emploi d’un obturateur permet de diminuer le nombre de nouvelles infections mammaires pendant le tarissement.

Comment bien définir le protocole de soins ?

Il faut définir le seuil de taux cellulaire au-dessous duquel les vaches ne recevront pas d’antibiotique. L’emploi ou non de l’obturateur dépend quant à lui des conditions de logement des vaches taries. Enfin le choix de l’antibiotique à utiliser si nécessaire doit être pris en connaissance des germes présents sur l’exploitation et du taux de guérison des infections mammaires après tarissement.

Après quelques années de mise en place, quel bilan dressez-vous ?

Voici déjà quelques années que nous conseillons cette technique. Les éleveurs sont dans l’ensemble difficiles à convaincre. Pourtant, ceux qui ont décidé de changer leurs habitudes de tarissement sont satisfaits. Dire qu’il n’y a aucune nouvelle infection serait vous mentir, mais le choix de cette nouvelle technique permet d’améliorer la santé mammaire des vaches, tout en réduisant la consommation d’antibiotiques. 

 

Propos recueilli par Déborah CADOT, ACSEL Conseil Elevage

 

 

 

« EARL de la Montbéliarde, Huilly sur Seille (71)

140 vaches Montbéliardes à 8000 kg de lait/vache - Entre juin 2016 et mai 2017 :

- 156.000 leucocytes, 4% >= 800.000, 89% <= 300.000

- 32 mammites, 87,5% de guérisons, 3% de nouvelles infections

 

« Nous raisonnons nos traitements au tarissement depuis 2014. »

Pourquoi avoir sauté le pas, quels étaient vos objectifs ?

Nous souhaitions réduire notre usage d’antibiotiques tout en conservant des résultats cellules corrects. Sur la campagne 2013-2014 notre moyenne était de 150.000 cellules. Laurent Courtot, qui coordonne l’expérimentation en cours sur le département de la Saône-et-Loire, nous a proposé de participer à une réunion d’information et nous sommes partis pour tester cette pratique.

Comment faites-vous, quel protocole utilisez-vous ?

Parmi les critères proposés, nous nous en sommes fixés trois  principaux. Nous choisissons des vaches saines, à moins de 100.000 cellules au dernier contrôle avant tarissement et n’ayant eu aucune mammite sur la lactation. Nous regardons ensuite que le plancher de la mamelle soit au-dessus du jarret et qu’il n’y ait pas de plaie ni de gerçure sur la mamelle. Nous essayons d’éliminer les vaches qui perdent leur lait au tarissement. En période estivale, ces vaches ne reçoivent pas d’antibiotique et nous utilisons seulement un obturateur de trayon. L’hiver, nous n’avons pas osé sauter le pas car les conditions de logement en aire paillée nous semblent plus à risque. Nous utilisons donc un  antibiotique systématiquement.

Quels résultats obtenez-vous après quatre ans d’essai ?

Le niveau cellulaire moyen n’a pas bougé, nous sommes toujours autour des 150.000 cellules. L’indice de guérison est resté bon : 87,5 %. Nous avons diminué de 60 % notre taux de nouvelles infections : nous sommes passés de 8% à 3 %. Nous sommes finalement étonnés de constater qu’il y a plus de vaches correspondant aux critères que ce que nous pensions, malgré le fait que les critères que nous avons choisis sont parmi les plus stricts. Ces résultats sont encourageants, nous sommes confiants.

 

Propos recueillis par Déborah CADOT, ACSEL Conseil Elevage

 

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