Interprétation des comptages leucocytaires

Définitions

Chez la vache laitière, la mammite est le résultat d’une compétition entre un agent infectieux qui a pénétré dans la mamelle et les moyens de défense de cette mamelle que sont le canal du trayon et les cellules.
Les cellules ou leucocytes sont les globules blancs du sang qui affluent massivement vers l’infection pour détruire les germes pathogènes. 

Selon l’agressivité du microbe et sa vitesse de multiplication, la réaction de la vache sera variable et pourra aboutir soit :
  • A la guérison totale si les cellules parviennent à vaincre les microbes.
  • A une mammite clinique lorsque l’agent infectieux est vainqueur.

Les symptômes peuvent être:

  • - apparents au niveau du lait (grumeaux).
  • - locaux (inflammation du quartier, rougeur, gonflement, douleur…).
  • - généraux (perte d’appétit, fièvre…).
  •  
  • A une mammite subclinique lorsque les cellules maîtrisent les microbes mais n’arrivent pas à les détruire totalement. Elle se traduit par un taux cellulaire qui augmente et une modification de la composition chimique du lait (augmentation du pH, du taux d’azote soluble et du taux de NaCl.).
Quelle que soit la gravité de la mammite, elle entraîne toujours une forte augmentation du nombre de cellules dans le lait.
Les comptages cellulaires individuels (CCI) réalisés dans le cadre du contrôle laitier une fois par mois sont donc de précieuses informations pour suivre l’évolution de la santé des mamelles, vérifier la qualité des traitements effectués et éviter des traitements non justifiés. Malgré tout l’interprétation reste délicate.
 
Les CCI, un clignotant indispensable…
 
L’élévation du nombre de cellules dans le lait d’une vache est presque toujours le témoin de l’existence d’une infection de la mamelle.
Par contre, le fait d’avoir à un moment donné un comptage cellulaire individuel très peu élevé ne signifie nullement que la mamelle est saine ou guérie.
Les comptages cellulaires individuels varient beaucoup d’un jour à l’autre, voire d’une traite à l’autre et tout particulièrement pour des vaches infectées.
Témoin, ces comptages réalisés par l’ITEB en 84 sur une génisse dont un quartier a été maintenu constamment infecté par du staphylocoque directement injecté dans le quartier en question :
 
Cet exemple montre très bien que sur un quartier « durablement infecté » par un pathogène majeur durant une 20aine de traites, 5 CCI seulement apparaissent à plus de 800 000 cellules.
En extrapolant au rythme des pesées du contrôle laitier, on peut facilement comprendre qu’une vache dite durablement infectée peut apparaître plusieurs mois de suite avec des CCI inférieurs à 200 000 cellules.
 
D’où les définitions en vigueur depuis 1984 établies par Francis SERIEYS :
  • Une vache est considérée « durablement infectée » par un pathogène majeur si elle présente au moins 2 CCI sur sa lactation supérieurs à 800 000 cellules.
  • Une vache est considérée « saine » si aucun CCI au cours de sa lactation n’est supérieur à 300 000 cellules.
  • Une vache est considérée « douteuse » si elle présente au moins un CCI supérieur à 300 000 cellules.
 
Ce n’est donc qu’au terme d’au moins 6 résultats de contrôle laitier que l’on peut apprécier raisonnablement le statut infectieux des mamelles des vaches du troupeau.
Attention, une vache qui a eu plusieurs contrôles à + de 800 000 cellules et qui termine sa lactation à moins de 300 000 cellules n’est pas guérie.
 
Ces seuils sont toujours pertinents lorsqu’il s’agit d’apprécier le niveau d’infection d’un troupeau et sont largement utilisés dans tous les bilans mammites.
Avec l’arrivée de nouvelles pratiques telles que le tarissement sélectif qui vise à choisir un traitement adapté au statut infectieux de la mamelle voire du quartier, il est nécessaire de repréciser la notion de vache saine.
 
Seuils retenus pour identifier une mamelle saine ou infectée
 
L’expérience acquise depuis 84 a permis de constater que :
  • Les CCI des mamelles saines sont souvent à moins de 50 000 cellules.
  • Les infections à staphylocoques aureus sont souvent associés à des CCI < 300 000
  • Une mamelle avec un quartier infecté et les 3 autres sains peut-être à 150 000 cellules
 
Ces constats conduisent à retenir en diagnostic individuel les seuils suivants :
  • Mamelle non infectée : tous les CCI de la lactation sont inférieurs à 100 000 cellules.
  • Mamelle probablement infectée : CCI supérieurs à 250 000 cellules.
  • Animal douteux* : des CCI compris entre 100 et 250 000 cellules. *Pour ces animaux un test CMT permet de descendre au quartier.

Résultats laiterie et résultats contrôle laitier…

Les écarts entre les taux cellulaires du tank (paiement du lait) et les résultats du contrôle laitier restent une question incontournable posée par les éleveurs.

Il est donc nécessaire de rappeler que les prélèvements laiterie sont faits sur 4 voire 6 traites alors que le contrôle laitier est sur 1 ou 2 traites et que les comptages cellulaires varient beaucoup d’une traite à l’autre. (conf. Tableau p 2)
On peut donc considérer que les prélèvements « laiterie » réalisés 2 à 3 fois par mois (1 par décade) sont beaucoup plus représentatifs de la situation du troupeau. Ce qui explique qu’ils sont souvent pris en compte dans les bilans mammites.
Attention cependant si l’éleveur écarte le lait des animaux infectés, la moyenne pondérée des résultats du contrôle est plus représentative du niveau d’infection du troupeau. Il faut cependant accepter que pour les animaux affichant des CCI très élevés (supérieurs à 2 000 000 cell.), ces résultats sont très, très approximatifs (limites des analyseurs) et cette marge d’erreur peut avoir une influence importante sur la moyenne si ces animaux représentent un pourcentage important sur le troupeau.
 
La typologie des germes en cause

Les mammites sont généralement classées en 2 grands types :
  • Les mammites dont l’origine est un germe de réservoir mammaire.
  • Les mammites dont l’origine est un germe d’environnement.
Cette détermination certes sommaire ne peut s’envisager sans un minimum d’outils dont les plus importants restent :
  • le recapitulatif des CCI sur 18 mois
  • le carnet sanitaire de l’éleveur sous réserve qu’il ait une bonne pratique de détection des premiers symptômes cliniques et un enregistrement exhaustif.
Ces types de mammites se repèrent par leurs spécificités :
- période d’apparition
- fréquence des cas cliniques
- sévérité de l’infection
- durée de l’infection ...
Compte tenu de la fréquence des prélèvements contrôle laitier, cette première typologie s’établit sur la relation : fréquence mammites cliniques / niveau cellulaires.
 
D’une façon schématique :
  • les troupeaux se caractérisant par des niveaux de cellules élevés avec beaucoup de vaches douteuses ou infectées et peu de mammites cliniques sont plutôt sur un profil germes de réservoir mammaire dominants.
  • les troupeaux qui à l’inverse présentent peu de cellules et de nombreuses mammites cliniques sont plutôt sur un profil germes d’environnement dominants.
  • les troupeaux qui présentent à la fois beaucoup de cellules et beaucoup de cliniques sont soit sur un profil mixte (type streptocoque Ubéris), soit sur les 2 profils à la fois. Des diagnostics plus approfondis s’imposent.
 
En aucun cas cette analyse ne peut conduire à proposer des traitements qui restent du domaine de compétence du vétérinaire.
 
 Pierre FATET, Ain Conseil Elevage - octobre 2005 - base documentaire Fidocl
 
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