Gaz à effet de serre : Un lien fort entre performances environnementales, techniques et économiques

Un épisode caniculaire en 2018, deux en 2019 : il va falloir faire avec...

Dans un contexte de changement climatique mondial, la problématique environnementale prend une place conséquente au sein des filières d’élevage. Quels impacts ont les exploitations sur leur environnement ?  Quelles pratiques les influencent le plus ? Comment y remédier ou au contraire les favoriser ? La démarche Cap’2ER apporte des éléments de réponse.

 

 

Cap’2ER mesure l’empreinte environnementale

Développé par l’Institut de l’Elevage, ce diagnostic d’exploitation permet d’évaluer l’empreinte environnementale en élevage de ruminant. Il renseigne sur les pratiques à l’origine des émissions de gaz à effet de serre (GES). Grâce à des comparaisons à des référentiels cet outil permet de déterminer les leviers d’action menant à un gain carbone. Il met aussi en avant l’ensemble des contributions positives de l’exploitation, à savoir le stockage carbone, son potentiel nourricier ou encore la surface de biodiversité qu’elle entretient.

 

Notre Région pionnière dans la démarche Ferme laitière bas carbone

Le développement de cet outil de diagnostic a été permis par la démarche Ferme laitière bas carbone. Cette dernière est financée par le CRIEL et la région Auvergne-Rhône-Alpes qui montrent ainsi leur soutien aux éleveurs. Un partenariat a été établi avec l’Institut de l’élevage ainsi que les différentes structures réalisant les diagnostiques tel que les chambres d’agriculture et conseils élevages de la région. Les diagnostics se sont déroulés entre 2015 et 2018 sur 370 élevages d’AuRA. Les Conseils Elevages de la FIDOCL continuent d’accompagner les élevages dans la démarche de réduction des GES à travers le programme régional de filière et sous l’impulsion de plusieurs laiteries.

 

Des contributions positives à communiquer

A l’échelle de la filière, elle a permis de communiquer au grand public sur une image positive des élevages via, notamment, la mise en avant de leur importance dans le maintien de la biodiversité et leur place majeure dans le système alimentaire français. Elle a aussi permis une communication sur l’impact positif que peuvent avoir les élevages sur le réchauffement climatique notamment à travers le stockage du carbone. Au niveau individuel, c’est une sensibilisation des éleveurs sur les enjeux autour des GES et la mise en avant de leurs bonnes pratiques. C’est en quelque sorte une réassurance et des éléments de communication très importants pour les éleveurs engagés.

 

 

Emissions brutes de GES – Stockage de Carbone = Empreinte Carbone nette

Chaque système a des contraintes et atouts qui lui sont spécifiques. Ils influent sur la quantité de GES émis par chaque poste (fermentation entérique, gestion des effluents, fertilisation azotée, aliments achetés, carburant et électricité) ainsi que la quantité de carbone stockée (prairies temporaires et permanentes, cultures autoconsommées et linéaires de haies).

Ramené au litre de lait, les émissions brutes calculées sont équivalentes pour chacun des systèmes. Ce qui va faire la différence dans l’empreinte carbone finale, c’est la quantité de carbone stockée. En variant de 0.07 à 0.53 Kg eq. CO2/L de lait, elle permet de gagner jusqu’à 0.41 Kg eq. CO2/L de lait sur l’empreinte carbone nette. Les systèmes les plus herbagers ont de ce fait une empreinte nette inférieure.

 

La maîtrise technique des éleveurs fait la différence sur les émissions brutes.

La productivité par vache par an. La production de méthane des vaches n’est pas proportionnelle à la production laitière. En clair, ramené au litre de lait les émissions de GES d’un troupeau à 8 000 l sont inférieures à celles d’un troupeau de 6 500 l. 

Moins d’animaux non productifs. Ils ne produisent pas de lait mais dégagent du méthane lié à la rumination et la fermentation entérique. Moins de génisses élevées, c’est moins de GES à l’échelle du troupeau.

Le taux de renouvellement. Un troupeau avec un rang moyen de lactation bas (<2.4) c’est une faible proportion d’animaux adultes. Cela pénalise la productivité des animaux et nécessite plus de génisses de renouvellement.

La santé du troupeau : des vaches en pleine santé c’est un troupeau qui valorise bien la ration et peu de lait jeté ou non produit.

Efficacité des intrants : Des engrais organiques bien valorisés c’est moins d’engrais minéral. Moins de 250g de concentré/litre de lait c’est moins d’intrant donc moins de GES.

Les prairies. Elles ont la plus grande capacité de stockage : 570 Kg C/ha/an.

Les rotations impliquant des prairies de longue durée. Elles permettent d’augmenter le stockage de carbone tout en assurant une bonne autonomie alimentaire.

Les haies qui permettent un stockage de 125 Kg C/mètre linéaire/an.

 

Des gains potentiels et accessibles de 15%

Ils sont propres à chaque exploitation et sont à définir en lien avec la stratégie et les objectifs de l’éleveur. C’est en faisant évoluer les pratiques (fertilisation, alimentation, santé troupeau) liées aux facteurs d’émission ou de stockage qu’un gain carbone va être possible pour l’élevage. Grâce à des simulations, on constate des gains carbone d’en moyenne 9.18 eq. CO2/L sur les émissions brutes de GES et de 9.28 eq. CO2/L sur l’empreinte carbone nette soit plus de 10 à 15%.

 

Un lien étroit avec les performances économiques

Entre les quintiles inférieur et supérieur, il y a un écart de 104€ de coût de production par 1000L. Il y a donc 16 % de dépenses en moins pour les élevages ayant les émissions de GES les plus faibles. Cette baisse de coût de production s’explique par une baisse marquée des charges courantes (aliments, engrais, fuel..). A prix du lait égal par ailleurs, plus les émissions de gaz à effet de serre sont maîtrisées, meilleures sont les performances économiques de l’élevage.

Autant de bonnes raisons de s’engager dans la démarche.

 

Lucie PIMOR, ACSEL Conseil Elevage

 

 

 

« Yannick COURTINE éleveur à PESLIERES (63)

Un bon outil pour se situer et communiquer

 

Pourquoi avez-vous réalisé un bilan Cap2er ?

Comme souvent les agriculteurs, on est accusés de pollueurs. J’ai donc accepté tout de suite quand mon conseiller me l’a proposé car il me semblait intéressant de me situer. J’avoue avoir eu quelques appréhensions quant aux résultats de mon élevage. J’ai été rassuré.

Comment s’est passée la prise de données ?

Ça a été assez facile car mon conseiller dispose de beaucoup de données qu’il avait déjà renseignées au bureau, notamment les rations distribuées, le cheptel, les performances techniques. On a complété par mes enregistrements de la fertilisation. Le reste a été retrouvé facilement dans ma comptabilité.

Pensez-vous que cette analyse est utile ?

Oui, c ‘est une très bonne approche du problème environnemental. De plus, la présentation du bilan est très bien faite et permet  de se situer et de bien voir ses atouts et ses marges de progrès. Je ne voyais pas tous les impacts que peuvent avoir telles ou telles pratiques. J’ai notamment mieux pris conscience du pouvoir de stockage du carbone des prairies et de l’intérêt des rotations longues. Finalement, je compense 60% de mes émissions de gaz à effet de serre par du stockage de carbone dans les prairies permanentes et les haies, je ne pensais pas que cela représentait autant!

Comment allez-vous utiliser les résultats ?

Je connais les points techniques à travailler : âge au vêlage des génisses, productivité des vaches. Je pense  que ces aspects auront également  un impact positif sur le plan économique. La diminution de 6 mois de l’âge au vêlage des génisses permettrait  par exemple de réduire de  18% mes émissions.

Il y a également des aspects intéressants et valorisants pour l’exploitant : on peut savoir combien de personnes on nourrit, combien de carbone on stocke. Ce sont des éléments de discussion très utiles pour échanger avec  le grand public.

 

Josiane CHAUSSAROUX et Daniel MONTAGNON, Puy-de-Dôme EDE Conseil Elevage

 

L’avis du conseiller

J’avais au départ quelques réticences sur l’outil. Il est très complet et pourrait être une usine à gaz ! Mais au bout d’une dizaine de bilans mes doutes ont été levés. Il présente un réel intérêt

L’outil permet de faire prendre conscience des différentes origines des gaz à effet de serre sur une ferme. S’il y a des incohérences dans le système d’exploitation, celles-ci sont rapidement mises en évidence. Les préconisations que l’on peut apporter vont aussi dans le bon sens au niveau économique.

Que le système soit intensif ou extensif  sur l’animal, on peut avoir des bons résultats si les équilibres de système sont maitrisés.

La présentation des résultats est bien appréciée par les éleveurs et le panneau de ferme constitue un très bon support de communication vis-à-vis de l’extérieur.

Un petit regret : l’impact du bâtiment et de l’équipement matériel ne sont pas (encore) pris en compte.

 

Daniel MONTAGNON, Puy-de-Dôme EDE Conseil Elevage

 

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