Autonomie fourragère : Vache + Sol + Climat : l’équation à trois inconnues

Face au réchauffement climatique qui diminue la production des fourrages, l’agilité doit être le maître mot pour viser l’autonomie. Toutes les cultures envisageables doivent être explorées, l’émergence des fourragères tropicales comme le sorgho ou le moha n’est pas la seule voie envisageable, loin de là. Méteils, légumineuses, colza, betteraves… il faut redécouvrir des fourrages parfois délaissés et bâtir un système qui optimise le lien entre le sol et la vache.

 

 

Ne pas céder à la phobie du maïs

La remise en cause la culture du maïs est sociétale d’abord, pour sa dépendance à l’eau, mais elle est devenue également technique par la chute des rendements dans les zones non irriguées. La dépendance à l’azote renforce également ce sentiment de risque. Pour autant c’est le rumen qui est le juge de paix et l’énergie est le moteur de la vache laitière. L’ensilage de maïs reste pour de nombreuses exploitations le pivot de la ration, correctement assolé avec des rotations incluant des prairies il est totalement compatible avec l’agronomie et l’écologie.

Les Ray Grass d’Italie souffrent aussi de cette image d’intensification du système fourrager, en dérobé d’hiver entre une céréale et un maïs ils laissent un sol desséché et sans structure, entrainant à terme une dégradation agronomique. En revanche un Ray Grass hybride - trèfle violet implanté pour 18 mois ou deux ans est un compromis acceptable entre production de matière sèche, d’azote et préservation du sol. Les Ray Grass récoltés précocement permettent

 une intensité optimale des fermentations ruminales.

 

Méteils, sorgho, avoine, colza, teef grass… les tester avant de les intégrer.

Ces fourrages sont souvent qualifiés de nouveaux, même s’ils sont connus depuis longtemps. Leurs points forts sont l’agronomie (restructuration du sol pour le méteil ou le colza) ou la résistance à la sécheresse (sorgho, moha, teef grass). Mais peu sont vraiment compatibles avec un fonctionnement optimisé du rumen car leurs valeurs alimentaires sont souvent limitées. Au niveau de l’implantation, la réactivité semble être la meilleure option, s’il ne pleut pas après la moisson aucun intérêt d’implanter une dérobée, on attendra fin août.

Que ce soit une prairie multi espèce, un Ray Grass ou une dérobée, cette herbe stockée devra combiner rendement, qualité et flaveur pour permettre une bonne consommation par les vaches et une utilisation pour les bactéries cellulolytiques du rumen. Ce sont ces bactéries qui donnent le tempo de la bonne 

utilisation énergétique des fourrages et en conséquence la production et les taux réalisés. L’herbe stockée c’est le baromètre de la ration !

 

 

 

 

Economique, technique, efficace : remettre la pâture dans jeu.

Même si la pousse de printemps aléatoire et la sécheresse d’été ne lui sont pas favorables, la pâture reprend de l’intérêt. Pâturer différemment est un joli challenge, le défi du changement et de l’adaptation est d’autant plus motivant. Un des objectifs serait une consommation annuelle en herbe pâturée supérieure à 1000 kg de MS. Cela correspond à 10 kg MS pâture par jour pendant 100 jours. Le bloc pâture accessible doit être à minima de 25 ares par vache traite.

Construire un assolement cohérent et durable

Viser d’abord l’autonomie en MS fourrage, pour dormir tranquille, ensuite penser à l’énergie et enfin à la protéine. Pour une exploitation avec de l’herbe du maïs et des céréales il faudra mettre sur le papier au moins deux rotations, une avec des prairies courte durée et l’autre avec des longues durées. La réussite sera dans la capacité à bien analyser la bonne complémentarité fourrages/sol et ensuite fourrages/rumen. Le bon sens paysan devra être de rigueur pour que le bilan fourrager soit équilibré tout en respectant les contraintes de l’exploitation (pâtures VL proches du bâtiment, maïs sur les meilleures terres, prairies longues durées sur les terres caillouteuses…).

Pour concilier sol, fourrages et rumen, il faut trouver un équilibre entre pâture, herbe stockée et ensilage de maïs. Avec 7 kg de MS/ jour d’ensilage de maïs, le flux énergétique est suffisant pour le rumen et la dépendance à l’azote est réduite à moins de 100 grammes de tourteau par kg de lait produit. La consommation annuelle pour une vache à la traite sera de 2,5 TMS / VL / an, soit 0.2 à 0.25 ares par vache de surface maïs emblavée. Complément idéal, la part d’herbe stockée sous forme d’ensilage, enrubannage ou foin sera de 5.5 kg de MS/jour par vache traite, 2 TMS / VL / an. La surface à offrir sera de 0.3 à 0.4 ares par vache traite.

Pour nourrir une vache sur un an et alimenter correctement le rumen, il faut un hectare par vache à la traite. Dans un système avec maïs possible on peut composer cet hectare de 25 ares / VL de pâture, 25 ares de maïs, 35 ares d’herbe stockée et 15 ares de céréales, en prenant en compte des rendements adaptés au futur contexte climatique.

 

Patrice DUBOIS, Rhône Conseil Elevage

Patrice MOUNIER, Haute-Loire Conseil Elevage

 

Témoignage :

Gaec des Boudoux, Chomelix (43) : « Retour au pâturage »

La famille Carle conduit un troupeau de 110 montbéliardes à 10.173 kg de lait / V.L, 39,3 g/kg de TB et 33,2 g/kg de TP. Si la performance laitière est un objectif pour ces jeunes éleveurs, ces passionnés de montbéliardes attachent aussi beaucoup d’importance à la santé et à la qualité morphologique de leur troupeau. L’ensilage maïs est distribué toute l’année à raison de 7Kg MS / vache traite, il garantit la couverture énergétique de la ration.

L’ensilage d’herbe est le vrai baromètre de la production

Sur les 206 Ha de l’exploitation, 170 ha sont consacrés à l’alimentation du troupeau laitier et 36 ha sont orientés vers la vente de céréales et de lentilles. Sur les 90 ha de PN et 35 ha de PT, 41 ha sont ensilés en première coupe et constituent le stock d’herbe pour les VL en ration hivernale. La priorité est la qualité, la récolte se fait le plus tôt possible dès que la météo permet de dépasser les 25 % de MS. Avec 25 ha de maïs et 16 ha de céréales consommés par les VL, l’autonomie du troupeau en volume et en énergie est assurée.  Avec une moyenne de 260 g de concentré/ litre de lait l’efficacité alimentaire est excellente, la marge sur coût alimentaire est de 230 €/1000 litres en ration hivernale.

Retour gagnant du pâturage

Comme beaucoup de gros troupeaux le Gaec des Boudoux  était passé au zéro pâturage mais depuis quelques années les vaches retournent dehors et les éleveurs sont très satisfaits de ce choix. De 18 ares/VL au printemps à 37 ares à l’automne, l’herbe pâturée apporte 6 kg MS par vache et remplace l’ensilage d’herbe durant près de 6 mois. Le niveau de production se maintient au dessus des 30 kg de lait, la marge augmente de 30€/1000 litres par rapport à la ration d’hiver.

Vincent GASTEL, Haute-Loire Conseil Elevage

 

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