Zoom sur le fonctionnement de la ferme du Lycée Agricole de Pixerecourt

Les entreprises de Conseil Elevage des départements de l'Ardèche, Drôme et Isère (le 10 février), mais aussi du Rhône (14 février) et de la Loire (15 février) ont organisé des conférences au cours desquelles Bertrand CAILLY, directeur de la ferme du lycée agricole de Pixerecourt est intervenu pour présenter les différentes pratiques ayant permis depuis dix ans de diminuer la charge de travail et  développer le revenu de l’exploitation. Tous les choix mis en place l’ont été en gardant à l’esprit un principe simple : « mettre du bon sens dans un contexte donné ».

La ferme de Pixerecourt  se situe à Malzéville (54) en zone de polyculture élevage avec une forte concurrence entre activité laitière et grandes cultures. « Le lait permet d’avoir un revenu à l’hectare supérieur, mais il ne faut pas regarder à l’heure travaillée ».

Aujourd’hui la ferme est constituée de 280 ha de SAU : 140 ha en Zone Natura 2000 à faible productivité (1 à 2 T de MS/ha/an) et 140 ha de sablo-limoneux et argilo-calcaire superficiels avec un potentiel limité sur lesquels 50ha sont destinés à la culture de vente et 26ha sont en agroforesterie. L’atelier lait est assuré grâce à 75 vaches de races diverses (croisement 5 voies) avec un quota de 440 000 Litres : 10 000L en vente directe et le reste est livré chez Sodiaal. Au niveau équipement la ferme possède un DAC, un DAL  et une 2*12 simple équipement. Un point de vente direct à la ferme est présent grâce à l’association de neuf producteurs. L’atelier ovin est lui composé de 200 brebis-Est à laine mérinos et de 50 béliers pour le centre d’élevage.  L’ensemble du système repose sur  zéro maïs et  six mois de pâturage intégral.

Cette ferme est un support pédagogique et d’expérimentation, c’est pour cela que chaque année elle obtient 13000 € de subventions. Elle est dirigée par un chef d’exploitation : Mr Cailly qui est payé par l’Etat. Elle emploie 2 salariés à temps plein et un à mi-temps qui sont rémunérés par les productions. L’intégralité des investissements sont financés par l’activité.

 

 

 

 

Une volonté d’adapter son système à son contexte

En 2005 dès son arrivée Mr Cailly s’est demandé « quel modèle souhait-on pour nos jeunes ? » et la réponse a vite été trouvée « un système qui offre davantage d’emplois sur une surface donnée. » Pour ce faire trois leviers ont été identifiés :

  • l’augmentation du volume : « c’est la voie la plus simple mais elle s’accompagne généralement d’une augmentation des charges de structure et opérationnelles. Il faut donc porter attention à la place du curseur »
  • le prix : « c’était s’orienter vers la vente directe ou la transformation et à l’époque en 2005 nous n’avions pas les compétences pour »
  • les charges : « on a la main sur l’intégralité des charges et on peut donc travailler dessus »

 

 

La réflexion autour de questions clés : « Pourquoi suis-je éleveur, quels sont mes objectifs personnels, économiques, de temps libre … ? » et la définition d’objectif clairs ont permis de créer un système cohérent entre  l’homme – le sol – les plantes – l’animal.  « L’homme a tendance à subir le système » or là « on a façonné le système  avec une véritable autonomie décisionnelle » Toutefois pour que le système soit rentable il faut « aller jusqu’au bout de la logique et ne pas rester coincé entre deux eaux ».

Le potentiel des sols de l’exploitation est limité. Les rendements moyens sont pour le maïs 8-11T de MS, pour les céréales 60qx/ha et pour le colza 27qx/ha et avec comme constat « les intrants ont peu d’influence sur le rendement final, c’est le potentiel pédoclimatique qui est prépondérant » Fort de ces constats, Mr Cailly décide de « mieux valoriser l’existant  en développant le pâturage  et l’autonomie alimentaire. »

 

 

 

 

 

La mise en place d’une gestion rigoureuse du pâturage

Les vaches laitières sortent dès que les conditions le permettent. Elles pâturent les prairies les plus proches : « Au plus, elles se déplacent de 1.6 Km ». Le parcellaire de 36 ha (jusqu’à 50ha de disponible si besoin) est organisé en 26 paddocks. Ceux-ci sont encore sous divisés selon les besoins « grâce à la mise en place de piquets fibres et de bobines légères il faut compter 40 min pour  redécouper en 6 ».

Les prairies temporaires composées d’un mélange complexe de graminées légumineuse sont ressemées tous  les 5 à 7 ans  et leur rotation est cassée avec des céréales à paille.

 

Un réseau de chemin en calcaire a été auto-construit et des points d’eau sont présents partout : « les VL ont moins de 200 m à faire pour boire ». Le but de ce pâturage cellulaire est de mettre à disposition des animaux « 1 surface différente chaque jour » afin de limiter « les refus et les fluctuations en lait ».

 

 

 

 

L’herbomètre est utilisé pour définir les stocks disponibles en se servant des critères suivant : « hauteur  de sortie de la parcelle 5 cm et densité 200kg/MS/ha par cm de pousse». « Cela permet d’attendre le repos suffisant pour que la praire est le temps de repousser et de faire son cycle complet. » « L’erreur classique lorsque la pousse de l’herbe ralentit, est d’accélérer le rythme de passage des animaux, on bousille alors tout».

 

 

 

Lorsque la ferme dispose de « 11 jours d’avance sur pied » le silo d’herbe est fermé pour une durée de six mois pendant lesquels les vaches ne reçoivent aucune complémentation.  Durant le creux sec de l’été des bottes d’enrubannage sont  distribuées. La recherche de fourrage avec de fortes valeurs alimentaires a incité à pâturer systématiquement les parcelles avant de les faucher et à utiliser des conservateurs à bactéries homofermentaires et hétérofermentaires. Tous les deux ans, toutes les parcelles reçoivent du fumier et non pas du compost pour garder l’effet azote.

 

 

 

Autres spécificités de ce système atypique

  • La stratégie autour du matériel est simple : réduire le plus possible les coûts. Pour ce faire le matériel de fenaison est  en propriété mais le reste est en CUMA ou copropriété.  « Ici on a la culture de l’achet à plusieurs »
  • Pour la distribution de la ration hivernale un système de libre-service amélioré a été choisi. Il repose sur la disposition de cube d’ensilage au milieu du couloir et de cornadis mobiles de part et d’autre. Ce dispositif compte 1 place au cornadis pour 2.5VL.  Il a nécessité un investissement pour 34 cornadis (85VL) et le coupe-cube de 30 000€ en 2008 et un entretient de 3 000€ tous les 8 ans. L’ensemble de la complémentation est assurée au DAC.
  • Dès 2009 le croisement  des vaches est mis en place. En effet à la base, B Cailly estilme que « seulement 20% du troupeau est adapté au système choisi ».  « Toutes les races ont leurs avantages et leurs inconvénients. Nous on aime bien toutes les races et on n’est pas fan d’une en particulier » Le croisement permet d’aller plus vite et  l’effet « hétérosis » est maintenu plus longtemps grâce aux 5 voies. « On a gardé quelques pures pour la pédagogie et car elles sont adaptées à ce qu’on veut faire »  « Avec le croisement on a noté une amélioration de la reproduction avec 60% réussite en 1er IA chez les VL contre 40% avant »
  • La mise en place de l’Agroforesterie  qui consiste à replanter des arbres pour produire une lisière. Cela a pour but de créer de l’ombre pour les animaux et de maximiser la photosynthèse captée sur une même unité de surface. « N’oublions pas que pour le moment, dans nos système le blé capte seulement 20% de la photosynthèse et la praire 50% »
  • Pas de passage en agriculture biologique car sur le territoire il y a déjà des fermes pédagogiques en bio. De plus la volonté était de prouver la réussite du système en livrant son lait en conventionnel.

 

 

 

En guise de conclusion, Mr Cailly présente les résultats économiques de l’atelier lait pour 2016 qui restent très bons malgré le contexte difficile au vue de ceux du groupe de comparaison (26 éleveurs de la même zone livrant à sodiaal). Il rappelle que le changement ne s’est pas fait sans difficultés «  en 2008/2010 ça été une véritable traversée du désert, heureusement que les résultats technico-économiques et le ressenti des salariés conduisent à aller plus loin » et qu’il est nécessaire d’avancer pas à pas en se fixant des objectifs précis. « On peut ne pas partager le système et les choix mis en place mais il est rentable économiquement, dans son contexte pédoclimatique ».

 

Adeline PORRET - Isère Conseil Elevage

 

 

 

 

 

 

 

Pour rappel, colloque organisée grâce à l'aide financière de la Région Auvergne Rhône Alpes et du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes

 

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