Gilles PACCARD remporte la première édition en catégorie race Abondance, du concours Top Alim organisé par la FIDOCL. Ce concours vise à récompenser les éleveurs ayant la meilleure maîtrise alimentaire de leur troupeau. En Haute Savoie, sur la commune de Manigod, Gilles et Sandrine PACCARD élèvent leurs 40 vaches abondances sur 84 hectares. Comme beaucoup d’éleveurs des Aravis, en été, le troupeau quitte la ferme du village pour rejoindre leur alpage, pentu, à plus de 1500 mètres d’altitude. Les 6 200kg de lait produits en moyenne par vache sont intégralement transformés à la ferme en Reblochon fermier et commercialisés par la Coopérative de Thônes.
En parallèle des vaches, un troupeau d’une trentaine de chèvres est élevé afin de diversifier la production fromagère, mais surtout pour valoriser les espaces les plus difficiles de l’alpage.
Du 1er septembre 2012 au 31 août 2013, cet élevage a eu en moyenne seulement 7.7% de ses vaches en alerte alimentation, ce qui est trés honorable et témoigne d'une bonne maitrise de l'alimentation et de la conduite du troupeau. Cela leur permet de gagner notre concours TOP Alim FIDOCL pour la race Abondance.
Si nous regardons le détail des alertes de cet élevage, sur les vaches en début de lactation, il n'y a eu que 5% des vaches avec des TP faibles, et 10% des vaches avec des TB hors normes. Sur l'ensemble du troupeau, 18% ont été en alerte acidose (période critique à l'herbe), et seulement 1% en mauvaise efficacité rumen. Pour mieux comprendre comment sont calculés ces chiffres, et comment lire et valoriser ce graphique, retrouver notre notice explicative.
Cet éleveur possède un réel savoir faire, que nous vous proposons de découvrir par le biais de l'interview ci-dessous :
Quel est pour vous l’importance d’avoir de bons résultats sur votre conduite alimentaire ?
Avoir de bons résultats est pour moi très important. Cela traduit de la bonne santé de mon troupeau, ce qui est économiquement intéressant. A l’inverse, avec des résultats plus médiocres, je prends le risque de voir mes charges alimentaires et sanitaires en nette augmentation. Je recherche donc le meilleur compromis entre quantité de lait et excellente qualité.
Transformant l’intégralité de mon lait à la ferme en reblochon, le moindre écart se fait rapidement ressentir et peut avoir de lourdes répercussions.
Une bonne conduite alimentaire du troupeau est primordiale pour avoir de bons taux et un lait le plus fromageable possible. Meilleur est mon rendement fromager, meilleure est ma plus-value.
Quel est votre système alimentaire ?
Cahier des charges de l’AOP oblige, l’alimentation des mes laitières est basée exclusivement sur des aliments non fermentés : du foin et du regain.
Dès que possible (autour du 1er Mai), les vaches pâturent, d’abord en vallée puis le reste de la saison en alpage, le tout sur 84 hectares. Je garde une part de foin dans la ration durant les périodes de transition ou lorsque mon herbe est trop tendre et ne permet pas une bonne rumination (de 0 à 4kg selon les conditions).
L’hiver, j’ai fait le choix de travailler avec trois fourrages. N’étant pas autonome, mon choix s’est porté sur l’achat de foin de luzerne en complément du foin et du regain. C’est un fourrage qui me convient bien car il permet de sécuriser mon système en apportant de la fibre efficace, mais aussi de faire un apport de protéines pour réduire mes charges de correcteur azoté. Je cherche avant tout un bon compromis entre valeurs alimentaires et fibrosité.
Je complémente mes vaches avec un mélange de céréales (maïs grain + orge) et de pulpe de betterave afin de diversifier les apports ainsi qu’avec un mélange de correcteur azoté (soja-colza). Mes plus fortes productrices (à partir de 25kg de lait) reçoivent également de la VL 24.
Les discussions avec mon conseiller me permettent de faire le point et d’ajuster les apports et les compositions par rapport à la qualité de ma ration.
Comment fonctionne la saison de pâturage ?
Mes vaches sont mises à l’herbe un petit mois autour de l’exploitation d’hiver avant de monter à l’alpage, bien moins précoce. La difficulté est de jongler entre les stocks d’herbe et l’avancement de la pousse sur les différents sites. Il ne faut pas que je manque d’herbe d’un côté et que je me fasse dépasser de l’autre.
Le printemps étant la période où ma filière à le moins besoin de lait, j’ai donc peu de vaches en lactation à ce moment là. Les taries valorisent les morceaux les plus éloignés.
L’alpage est difficile, même si les vaches disposent d’une flore très diversifiée, les conditions y sont dures. D’une part, en montagne, le météo n’est pas toujours clémente, mais les vaches doivent d’autre part, s’adapter aux conditions de l’alpage : marches quotidiennes sur des chemins, présence de nombreuses pierres, abreuvements éloignés et peu optimales…
Mon objectif est de valoriser au maximum l’herbe car c’est un aliment très économique qui me permet de baisser considérablement mes apports de concentrés.
Dès que nécessaire, j’apporte du foin pour garder mes vaches en bon état en maintenant la fibrosité de ma ration. J’essaye ainsi de ne pas trop faire chuter le TB en conservant une bonne rumination.
Nous avons essayé d’incorporer du bicarbonate dans la ration mais les résultats n’ont pas été concluant, je préfère donc favoriser l’ingestion de foin suivant les besoins.
Comment gérez vous les débuts de lactation pour obtenir de tels résultats ?
Mon pic de vêlage a lieu de la fin de l’été jusqu’au début de l’hiver. La fin d’été coïncide avec la fin de l’alpage, une herbe de faibles valeurs et de longs déplacements pour mes vaches. Les besoins d’entretien sont plus forts et l’expression du potentiel limité. J’accepte cette situation car je préfère garder mes vaches en état et en bonne santé pour assurer la mise à la reproduction.
Dans la mesure du possible, je prépare mes animaux au vêlage en leur donnant les mêmes fourrages qu’à mes laitières ainsi que les mêmes concentrés (de1 à 1.5kg) . Une fois vêlée, j’augmente les quantités progressivement. Je programme au DAC cette hausse sur trois bonnes semaines pour éviter tous déséquilibres ou signes d’acidose.
Je suis également vigilant à mes rapports de taux, d’une part pour la qualité de mes fromages, mais aussi pour la conduite de mes vaches. Les contrôles des vaches en début de lactation me permettent d’être vigilant. J’aime être réactif lors des premiers signes de cétose par exemple. Il m’arrive d’utiliser du propylène glycol, mais jamais en systématique.
Tous les mois, lors de mon contrôle, avec l’aide de mon conseiller, j’examine les taux individuellement. L’analyse par stade des résultats d’urée me permet de régler au plus juste la conduite alimentaire en fonction des taux et d’éviter les gaspillages. C’est un travail important et intéressant.
Chiffres clés de l'exploitation
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Quels sont vos pratiques pour la gestion du troupeau ?
Avec deux troupeaux, quatre traites et la fabrication de fromages tous les jours, je cherche avant tout à travailler de manière simple et efficace.
Je divise ma ration en deux repas égaux, matin et soir, afin d’avoir une meilleure régularité pour les vaches, mais aussi sur le comportement de mon lait en fabrication. Ceci me demande du temps car je distribue à chaque fois trois fourrages, mais les résultats sont là.
Comme je suis en étable entravée, j’ai pu régler mon DAC de façon à ce que les apports de concentrés soient fractionnés en quatre. J’évite ainsi le pic d’acidose dus à l’ingestion d’une trop grosse quantité de concentrés. Je distribue toujours les aliments du moins acidogène au plus acidogène afin de limiter les risques.
L’impact de l’alimentation sur la fabrication fromagère ne doit pas être négligé. Le passage de mon conseiller est un moment clef pour faire le point et réaliser les ajustements nécessaires, en abordant les perspectives d’évolution.
J’apprécie ce moment car il permet de me situer par rapport aux autres éleveurs , mais surtout d’aller de l’avant grâce notamment aux améliorations des services, tel que les nouveaux valorisés, et l’appui technique nutri urée. Je visualise mieux et d’un coup d’œil mes résultats, mes alertes pour mieux gérer, par exemple, la mise à la reproduction.
Propos recueillis par Jérôme GACHET, ALLIANCE CONSEIL 74
Le regard de Jérôme GACHET, conseiller d’élevage du secteur :
« Un grand bravo à cette famille d’éleveurs passionnés.
Ces bons résultats sont le fruit de beaucoup de travail et récompensent de gros investissements quotidiens avec le suivi et la transformation fromagère de 2 troupeaux.
Grâce à son attention, son ouverture d’esprit et son envie d’aller de l’avant, les résultats de Gilles s’améliorent tous les ans.
L’hiver 2013 a été un très bon exemple d’équilibre. A la fois, avec des fourrages de qualité, apportant de bonnes valeurs, mais aussi de la fibre efficace et une complémentation appropriée. Un très bon compromis qu’il a été plus difficile à instaurer cet hiver. Gilles étant toujours très attentif, il est plus aisé de conseiller et d’apporter des pistes de progrès
Le travail engagé sur les variations des notes d’état corporel a permis d’améliorer les résultats, notamment sur les fraîches vêlées. Le potentiel laitier de ces dernières a été optimisé, tout en conciliant la mise à la reproduction. Depuis ces dernières années, l’efficacité alimentaire a d’ailleurs bien progressé, atteignant en moyenne 1.25 .
Une des pistes de travail pour l’avenir est de mieux valoriser l’herbe, notamment à l’alpage ou la production est plutôt décevante. Les conditions y sont difficiles et l’abreuvement pose problème.
Avec ses bons résultats et ce bilan encourageant, la motivation en sera d’autant plus forte ! »