Pour faire face à la flambée des prix des matières premières, les éleveurs caprins doivent maîtriser au mieux leurs charges alimentaires. Cela passe par des mesures de gestion du troupeau, de la production laitière et des modifications des pratiques alimentaires. A plus long terme, les éleveurs mettent en œuvre des réflexions pour améliorer leur autonomie alimentaire et maitriser leur coût alimentaire.
Gérer son troupeau
Réformer :
Les chèvres présentent sur l’exploitation doivent payer leur ration par leur production laitière. Les animaux improductifs coûtent chers, en particulier les animaux ayant un faible niveau de production et ceux qui ne mettront pas bas. Pour identifier ces derniers, il est donc pertinent de réaliser un diagnostic de gestation. De même, il est nécessaire de réformer les animaux qui n’ont pas d’avenir dans le troupeau : état sanitaire de la mamelle, problèmes locomoteurs, … Il faut donc prévoir dès à présent le renouvellement nécessaire pour faire face à sa stratégie de réforme.
Alloter :
Afin de diminuer le temps de travail, de plus en plus d’éleveurs conduisent leur troupeau en lot unique. Cependant, il est souhaitable d’alloter son troupeau afin de mieux ajuster les apports alimentaires aux besoins des animaux (stade physiologique, niveau de production, …). La constitution de 2 lots par niveau de production permet de réduire l’hétérogénéité de 25% et d’économiser de 10 à 15% de concentrés. Les plus faibles laitières seront moins grasses et produiront autant de lait.
Elever :
Les chevrettes sont l’avenir du troupeau. Elles doivent faire l’objet de soins et d’attention de la part de l’éleveur afin de limiter le coût d’élevage. Une bonne croissance est primordiale pour assurer la future carrière laitière de la chèvre. Tout retard de croissance a une incidence sur la future production laitière de la chèvre. Un manque de poids à la reproduction de 3 kg induit en moyenne une perte de 40 à 60 litres par lactation durant toute la carrière de l’animal (source : Référentiel technique caprins Centre-Ouest). Il est donc indispensable d’atteindre les poids objectifs.
Limiter les concentrés
Peser :
Les quantités distribuées doivent être pesées et ajustées lors de la modification de la taille du lot et après chaque livraison. Le tarage du matériel de distribution doit être vérifié régulièrement (minimum 1 fois/mois) et après chaque livraison.
Ajuster :
La complémentation doit être ajustée en fonction du stade physiologique des animaux, de la production laitière réelle et de l’état corporel des animaux.
A nourrir les animaux avec le même niveau de contrés qu’au démarrage, on arrive en fin de lactation à couvrir 200% des besoins, ce qui est non seulement un gaspillage inutile mais constitue également un risque sanitaire important.
L’alimentation des chèvres n’étant pas individuelle, il est impératif de déterminer un animal cible, c'est-à-dire de définir la part d’effectif du troupeau dont les besoins vont être couverts (ou non) par la ration. A titre d’exemple, en diminuant la production cible de 0,5 kg de lait/jour (4 kg au lieu de 4,5 kg), on ne couvre les besoins que de 75% des chèvres contre 90% auparavant. Cela se traduit par une économie de 200g de concentré par jour, une consommation supplémentaire de 100g par jour de MS de fourrage en plus. Dans ces conditions, les productions laitières peuvent baisser de 0,17 kg de lait ou alors on peut observer un peu moins de reprise d’état en fin de lactation.
Favoriser les fourrages :
La distribution de fourrage de bonne qualité limite la complémentation en concentrés. En effet, leur valeur alimentaire est plus élevée, les animaux en consomment une plus grande quantité et les refus sont limités. Le seuil minimum de 5-10% de refus consommables permet de s‘assurer que les animaux aient pu saturer leur capacité d’ingestion.
Lorsque le stock de fourrages est suffisant, l’apport de concentrés peut être diminué en augmentant la quantité de fourrages distribuée. Cela permet d’améliorer la quantité et la valeur du fourrage ingéré en favorisant le trie des chèvres. Le passage d’un refus limité à 5% à un refus plus important (15-20%) permet d’améliorer la valeur nutritive de la ration ingérée et d’augmenter la quantité de fourrage ingérée d’environ 0,2 kg de matière sèche par jour et par chèvre. L’augmentation du nombre de distribution, la repousse du fourrage et l’offre de plusieurs fourrages favorisent également la quantité de fourrage ingérée.
Choisir des aliments simples
Peser :
Pour faire face à la flambée des prix, il est préconisé d’utiliser un concentré énergétique et un concentré protéique afin d’ajuster la complémentation aux plus près des besoins des animaux.
Parmi les concentrés énergétiques, les céréales (ou protéagineux) et les aliments « simples » sont à privilégier aux aliments composés plus sécurisés mais plus chers.
Pour les concentrés protéiques, l’intérêt du tourteau de colza par rapport au tourteau de soja diminue avec l’utilisation de céréales autoconsommées. La règle de substitution protéique se fait sur la base de 1 kg de tourteau de soja pour 1,5 kg de tourteau de colza.
Face à la hausse des cours, les fournisseurs d’aliments proposent des formulations plus « simples », moins chères. L’éleveur devra cependant exiger une qualité nutritionnelle et sanitaire minimale : appétence, valeurs nutritives, formulation complète, granulométrie constante,… Ces aliments, moins chers, sont à utiliser de préférence avec des fourrages de bonne qualité.
Il faut surveiller les cours des coproduits tels que les pulpes déshydratées, les drèches de blé ou de brasserie,… dont l’intérêt économique et zootechnique est à étudier au cas par cas.
Autres leviers
Le pâturage
Le pâturage permet de réduire de façon significative la distribution de concentré. Il est conseillé de mettre à l’herbe les chèvres au printemps dès que l’herbe atteint 6 cm. L’herbe de printemps a une valeur alimentaire élevée, supérieure à de la luzerne déshydratée et équivalente à un concentré équilibré.
Si les conditions climatiques sont favorables, les repousses d’automne peuvent être importantes et de bonne valeur nutritive. Mais, pour en profiter, il faut maximiser le temps de présence des animaux sur la parcelle et limiter la distribution de fourrages et de concentrés. Au-delà de 0,8 kg de concentrés par jour et par chèvre, la substitution devient élevée et la réponse laitière devient marginale. Il est donc conseillé de ne pas dépasser cette quantité au pâturage.
Baisse de la production
Pour les troupeaux ayant besoin de limiter leur production, il peut être envisagé de tarir plus tôt leurs chèvres. Durant ce mois supplémentaire de tarissement, la complémentation peut être réduite suivant l’état corporel des animaux, la qualité et la quantité des fourrages distribués.
Les éleveurs peuvent également diminuer leur production en passant en monotraite, en gardant des lactations longues, en distribuant du lait aux chevreaux,…
Les analyses de fourrage, le suivi de l’état corporel et les analyses urée sont des outils qui permettent de piloter de façon plus précise l’alimentation du troupeau et donc de réduire les charges alimentaires.
Benoit DESANLIS, Isère Conseil Elevage, d’après Nicole Bossis, Yves Lefrileux et Jean Legarto (Institut de l’élevage)
Pour en savoir plus voir les conseils pâturage des chèvres