Le pâturage un système alimentaire compétitif soumis aux fluctuations (2e partie)

Gérer la sortie des animaux et piloter le pâturage : la sortie des animaux au printemps doit se faire avant que l’herbe n’atteigne 20 cm (correspondant au stade montaison) en raison de la vitesse de croissance rapide des plantes. À ce stade, un pâturage composé d’une dominante de graminées contient environ 20 % de protéines et 1 UFL/kg de MS, ce qui est presque équivalent à l’énergie de l’ensilage de maïs. L’herbe représente donc un aliment d’une qualité exceptionnelle pour la production laitière.

 

Le printemps et l’automne sont des périodes à risques nutritionnels élevés pour les vaches laitières qui pâturent. Les maladies nutritionnelles de type acidose (rapport concentrés/matière sèche ingérée [MSI] totale) et cétose peuvent être d’autant plus importante pendant cette période, en raison d’un manque de MSI ou d’une sous estimation de la disponibilité réelle du stock de fourrage sur pied face à des besoins physiologiques élevés lorsque la vache est forte productrice ou en début de lactation. La mise à l’herbe est une période à risque de tétanies d’herbage. Ces tétanies sont provoquées par une diminution de la teneur sanguine en magnésium (Mg). Cette dernière est engendrée par une diminution de l’ingestion, car l’herbe est déficitaire en comparaison à la ration hivernale, et notamment par une diminution de l’absorption du Mg. La flore de la prairie est aussi déterminante, les légumineuses contenant plus de Mg que les graminées.

 

1. Changement de ration : une période à risques

La transition alimentaire se fait généralement sur une période de 3 (minimum) à 5 semaines. Plus la mise à l’herbe est précoce, plus la transition alimentaire peut être longue et progressive (la mise à disposition d’herbe n’est qu’un complément de la ration de base apportée à l’auge). La transition entre la ration hivernale et la ration estivale permet à la flore du rumen de s’adapter au nouveau régime alimentaire. En ration hivernale à dominante d’ensilage de maïs, les micro-organismes présents dans le rumen sont à dominante amylolytique (ration hivernale à base d’amidon). Inversement, avec les rations estivales, les ruminants ont besoin de microorganismes à dominante cellulolytique. Même en régime foin-regain ou ensilage d’herbe, la flore digestive mérite une période d’adaptation : l’herbe jeune est riche en eau, en sucres fermentescibles et en azote digestible. Ces caractéristiques favorisent le transit rapide ou les diarrhées. Une bouse brillante, sans éléments non digérés, d’une hauteur de 2-3 cm (tout en gardant sa forme), dans laquelle l’empreinte de la semelle ne reste pas lors du retrait de la botte (sans bruit de succion), est considérée “normale”. La bouse de pâturage est plus liquide, tout en ressemblant à la bouse dite “normale”. Pour résumer, les bouses au pâturage sont plus liquides, sans contenir toutefois des éléments non digérés.

À cette transition entre la ration hivernale et la sortie au pâturage, peuvent se rajouter :

  • un stress rencontré lors de mauvaises conditions climatiques (froid, vent, absence d’abri) ;
  •  un excès d’azote non protéique dans l’herbe notamment lors de conditions climatiques défavorables (froid) ou d’excès de fumure azotée ;
  • un excès de potassium dans l’herbe par son effet laxatif dû à un excès de fumure potassique.

 

 

 

2. Piloter le troupeau au tank

Une surveillance attentive de l’évolution de l’état corporel des vaches, de leur productivité ainsi que des taux butyreux et protéique est essentiel (photo 2). Les changements des pratiques de conduite lors de la mise à l’herbe entraînent des variations sensibles de la production et de la composition du lait (teneurs en protéines, en urée, en matières grasses et composition de ces matières grasses). Lorsque la baisse de lait s’amorce (10 à 15 % de variations), il est temps de changer de parcelle ou de complémenter si la surface de pâture est restreinte, donc que l´offre d´herbe est limitante pour la saison. La complémentation en énergie se justifie aussi si l’éleveur souhaite maximiser la production et se rassurer. Le TP reste un indicateur de nutrition énergétique. Il a donc tendance à augmenter en début de saison de pâture (herbe plus riche) ou lors d’apports de fourrages riches en énergie (ensilage de maïs plante entière par exemple), tout en réagissant plus fortement à la hausse lorsque le stade de lactation est avancé (besoins physiologiques moindres). Les taux diminuent en moyenne de 6 à 8 % pendant la saison estivale sous l’influence des jours plus longs. La zone de confort en urée est comprise entre 200 et 300 mg/l, et cela quel que soit le système alimentaire. Au-delà de 330 mg/l, le risque d’intoxication ammoniacale augmente. À l’inverse, un niveau d’urée troupeau inférieur à 180 mg/l réduit fortement l’activité de la microflore. Globalement, les teneurs en urée sont plus élevées pendant la période estivale par rapport à la période hivernale. En hiver, les vaches laitières reçoivent une ration normalement plus équilibrée avec des niveaux de MSI réelle supérieurs. En été, la ration constituée en majeure partie d’herbe présente souvent un excès de protéines par rapport à l’énergie, additionnée à une quantité de MSI totale inférieure aux besoins physiologiques. Elle est alors à l’origine de l’augmentation de la teneur en urée dans le lait (+ 20 mg/l en moyenne).

 

Conclusion

Le pâturage permet d’atteindre de bons niveaux de production (économique mais également qualitatif), sans toutefois favoriser l’expression du potentiel laitier. L’apport de concentrés reste le complément le plus facile à mettre en oeuvre, permettant d’accroitre les performances individuelles et de maintenir une pression de pâturage suffisamment importante pour conserver une qualité de l’herbe optimum. L’apport de fourrage complémentaire au pâturage doit être réservé aux situations à risques (production d’herbe insuffisante). La gestion du pâturage est l’élément majeur dans la conduite de l’alimentation estivale. Elle doit être évaluée selon les stocks d’herbe disponibles et des besoins du troupeau pour répondre aux objectifs de l’éleveur.

 

Eric BERTRAND - FIDOCL Conseil Elevage

 

Pour aller plus loin, consultez la 1ere partie de cet article

 

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