Gestion de l’exploitation : les repères économiques pour piloter son élevage

Produit, EBE et annuités, sont les trois critères indispensables pour donner le cap à votre exploitation. L’analyse des charges et de produits de l’atelier lait par la méthode du coût de production permettra de préciser votre plan d’action.

 

 

Il est indispensable de mesurer le produit, l’EBE et les annuités de l’exploitation. Ces trois points  résument le fonctionnement global de votre exploitation, qu’elle soit spécialisée ou avec plusieurs ateliers.

  • Premièrement, le potentiel économique/UMO
(= chiffre d’affaires + aides)/UMO exploitant et salarié,  il mesure en quelque sorte la productivité de la main d’œuvre ramenée en euros. Une faible productivité nécessitera une plus forte efficacité pour un même objectif de revenu.
  • Deuxièmement, l’efficacité économique de l’exploitation (= EBE / Produit brut). L’excédent brut d’exploitation s’entend MSA payée et avant rémunération des associés et des salariés éventuels.
  • Troisièmement, le niveau d’investissement (=annuités / produit brut ou annuités / EBE) traduit vos remboursements en cours liés à vos investissements antérieurs. Pour une analyse plus prospective le tableau d’annuités est un outil de gestion indispensable.

Il est important de situer vos priorités : main d’œuvre, productivité, efficacité ou stratégie d’investissement. Le calcul du  coût de production  vous permet ensuite de préciser l’efficacité de l’atelier lait. Une forte valorisation du lait peut s’accompagner d’un coût de production élevé tout en dégageant du revenu, c’est la voie du produit. On peut produire plus de 300.000 litres/UMO avec des frais d’alimentation et mécanisation élevés mais rester très cohérent, c’est la voie productivité du travail. Une autre stratégie peut être de limiter ses charges pour produire le volume adapté à la structure de l’exploitation, c’est la voie autonomie.

 

Priorité à la qualité du lait 
et au coproduit viande

Le produit issu de l’atelier lait repose sur le prix du lait payé, le coproduit viande et les aides (surfaces destinées au troupeau + aides couplées animales). Face aux fortes variations du prix du lait, aux politiques propres à chaque entreprise laitière (lait A, B, saisonnalité) et aux différentes filières, il est nécessaire de calculer l’écart entre le prix de base et le prix payé de manière à mesurer l’incidence de vos pratiques. Un objectif de 20 à 30 euros/1000 litres au-delà du prix de base est réaliste.

Le niveau d’aide est très lié à l’historique, à la zone (ICHN ou pas) et à l’intensification de votre atelier qui a tendance à diluer le niveau d’aides aux 1000 litres. Le coproduit viande peut être sensiblement augmenté en réduisant la mortalité des veaux et des vaches et en réalisant du croisement industriel. Le mode de commercialisation, la période vente et la finition des animaux peuvent aussi être des leviers d’actions.

 

Les trois grands blocs travail, alimentation et mécanisation représentent 65 % des coûts de production de l’atelier laitier.

L’objectif est de se rapprocher des 100 euros/1000 litres pour chacun de ces trois postes et viser 300 euros en cumulé. Plusieurs stratégies peuvent permettre d’atteindre cet objectif. Le choix d’une forte productivité du travail avec un volume de lait important par travailleur (> 300 000 litres/UMO lait)  peut se traduire par une spécialisation forte, la délégation des travaux des cultures, des bâtiments très fonctionnels. Attention au risque de surinvestissement et de charge de travail trop importante .On peut viser la réduction des charges alimentaires (80 à 90 euros/1000 litres) en jouant sur l’efficacité de la ration, le pâturage, la réduction du nombre de génisses, le prix des concentrés et CMV (matière première et quantité).Sans oublier de valoriser les effluents organiques et de maximiser le rendement des surfaces fourragères. Le maintien des charges de mécanisation en dessous des 100 euros/1000 litres passe par  le travail en CUMA, le matériel en copropriété et/ou le vieillissement du matériel.

Jean-Philippe Goron, Isère Conseil Elevage

 

Nicols JOANNON, Saint Martin en Haut (69)

Une exploitation des Monts du Lyonnais intensive et rentable

 

Nicolas Joannon gère 35 Montbéliardes à 9000 kg de moyenne. Son objectif est d’allier performance et rentabilité. Deux chiffres témoignent de ce défi, 300.000 litres livrés et un prix d’équilibre inférieur à 300 €/1000 l.

Un système fourrager équilibré

La structure de l’exploitation se compose de 42,5 ha dont 16 ha labourables. Le maïs occupe 50% de cette surface, 320 tonnes brutes d’ensilage sont récoltées sur 8 ha. Le ratio tonnes brutes de maïs (320) divisé par la livraison annuelle en tonnes (300 t de lait) se situe autour de 1, synonyme d’une intensification raisonnée. Vêlage précoce et productivité par vache permettent de maintenir un chargement inférieur à 1.4 par ha de SFP.

Des rations laitières et économiques

Le pivot de la ration reste l’ensilage de maïs, 25 kg sont distribués toute l’année. Un pâturage de qualité complète la période printemps et été suivant la pousse de l’herbe. Un top ensilage d’herbe (30-35 % MS, 0.85 à 0.9 UFL) est recherché pour la  ration hivernale. 2 kg de céréales à paille sont distribués quotidiennement pour la couverture en énergie. Une stratégie d’achat de matières premières est mise en place pour optimiser les coûts, avec tourteau de soja ou colza et maïs grain en commande groupée. Un tourteau protégé accompagne les débuts de lactation. Ce choix porte ces fruits avec un coût d’aliments achetés de 70€/1000 l.

Une qualité du lait excellente

La rentabilité du travail est très bonne avec 153.000 € de produits. Les résultats en qualité du lait sont excellents : TB=43.1, TP= 34.6, Leuco =117, Germes =9 soit une plus-value de 33 €/100 l. Le challenge d’exigence économique s’étend à l’ensemble des postes. La mécanisation n’échappe pas à la règle avec un niveau stabilisé à 100 €/1000 l. Les investissements récents (bâtiment génisses et stockage) et la reprise portent les annuités à 86 €/1000 l. La marge d’orientation excellente en 2014,  98 € /1000 l, est grignotée en 2015 par la baisse du prix du litre de lait et les aléas d’élevages et climatiques.

Néanmoins la robustesse de l’exploitation permet de se projeter dans l’avenir.

 

Propos recueillis par Hervé Despinasse,
 Rhône Conseil Elevage

 

GAEC du Saint Marcellin, Monistrol sur Loire (43)

« On est passé de 300 000 à 790 000  litres de lait produit en 5 ans. »

 

La famille Guillaumond recherche la performance, sur les vaches bien sur avec un troupeau de 80 Holstein à 9600 kg de lait, mais également dans la gestion de l’exploitation. Le calcul du coût de production en 2014 a montré un résultat conforme au système de référence. Le poste qui dérivait le plus était le coût alimentaire supérieur de 21 € par rapport à la norme, essentiellement dû à la consommation de concentrés, les éleveurs ont décidé de réagir.

 

Réduire l’impact du poste
concentrés

Nous utilisions uniquement des aliments du commerce, VL et complémentaire azoté, désormais nous ne travaillons qu’avec des matières premières  achetées  en grosse quantité. La pulpe de betterave et le maïs grain sont achetés en commun avec d’autres exploitations. Pour le tourteau de soja nous le rentrons en semis de 25 tonnes directement sur l’exploitation. Nous fabriquons nous-mêmes notre VL avec un broyeur mélangeur en CUMA. Cela permet d’économiser 50 € par tonne de VL produite mais il faut tout de même prendre en compte le temps nécessaire à la confection. L’utilisation d’un DAC  permet d’ajuster au mieux la quantité de concentré au niveau de production des animaux.

Des animaux productifs

Nous avons fait le choix d’avoir des vaches fortes productrices mais nous souhaitons avant tout qu’elles soient en bonne santé. Le bâtiment a été aménagé mais aujourd’hui on est en limite par rapport au confort recherché. Le confort des vaches est une priorité si on veut produire du lait de manière économique, il faut de bons résultats en reproduction et limiter les frais vétérinaires. On a choisi d’installer des matelas dans les logettes pour améliorer les conditions de logement des vaches mais aussi pour économiser de la paille.

 

Un retour partiel
 au pâturage des VL

Pour réduire notre coût alimentaire  nous avons partagé le troupeau en deux lots. Au printemps les 36 plus fortes laitières, avec une production moyenne de 39 kg, restent à l’intérieur alors que les 40 autres vont au pâturage la journée.  C’est un peu plus contraignant en terme de travail mais vu le prix du lait actuel il faut économiser sur tous les tableaux.  On distribue 1,2 tonne brute de fourrage en moins par jour et on réduit également le concentré.

 

Propos recueillis par Loïc Ramel,
 Haute-Loire Conseil Élevage

 

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