Coût de production, du diagnostic au plan d’actions

Depuis 4 années plusieurs élevages du Trièves et Matheysinne se retrouvent pour calculer, comparer et échanger sur leurs coûts de production de l’atelier laitier. Entre 8 et 10 éleveurs y participent. Ce n’est pas toujours évident de passer du constat à l’action concrète. Plus que les apports techniques, le témoignage de chaque agriculteur, les échanges d’expériences permettent d’envisager des leviers d’actions. Thomas CARTON, associé du Gaec le Chatel, témoigne sur les actions mise en place sur l’exploitation.

 

 

« Témoignage du GAEC Le Chatel

« Ne pas baisser les bras »

GAEC de trois associés en production laitière sur la commune de Prébois dans le Trièves. L’exploitation compte 80 vaches laitières pour une surface de 200 ha dont une très grande partie en herbe (60% de la SAU), 22 Ha de maïs ensilage et 60 Ha de céréales.

 

Transformer l’essai

« On savait que l’alimentation nous coûtait chère. La formation et la comparaison des chiffres avec d’autres élevages du secteur l’ont bien confirmé. En rediscutant au sein du GAEC avec mon frère et mon père et aussi sous l’impulsion de Paul-Alexandre DUPUIS, notre conseiller d’élevage, on a essayé de mettre en pratique notamment sur la conduite du troupeau. Ce n’est pas évident, il faut de la volonté, du soutien et du conseil. Quand le résultat est au bout, cela donne confiance ».

 

Retour en matières premières

« Sur l’exploitation on a toujours produit des céréales (blé, orge et triticale). Depuis plusieurs années on achetait de l’aliment du commerce et de la VL et revendait nos céréales, un peu par facilité. Finalement on est revenu aux basiques : stockage d’orge et triticale et achat de matières premières. La ration de base est équilibrée avec du tourteau (soja ou colza selon les cours) et de la céréale. Les meilleures vaches ont une VL fermière (70/30). Pour le moment on n’a pas tellement réduit les quantités distribuées mais plutôt le prix. On a essayé, la production par vache et les taux n’ont pas changé donc on a continué ! »

 

Essayer toujours

« Pendant un hiver dernier, on avait l’impression que le lait plafonnait. Les vendeurs d’aliments nous mettaient la pression, nos collègues éleveurs aussi un peu : avec de l’aliment plus complexe, « plus riche » ça marche mieux, etc.. Et bien on a essayé : pendant quelques semaines on a retravaillé avec de l’aliment du commerce pour le même résultat. Conclusion on est revenu avec nos matières premières. Même performance technique, plus d’économie ».

 

S’organiser collectivement

« Aujourd’hui on travaille avec notre coopérative. A quatre exploitations on commande tous les 2-3 mois environ 30 tonnes de tourteau. Je fais le point régulièrement avec mes collègues sur leur besoin et j’organise la livraison. La coopérative nous offre de la souplesse (un point de livraison commun – chaque exploitation recharge dans la semaine le tonnage nécessaire). C’est important, il ne faut pas que le gain économique entraîne trop de contraintes supplémentaires. »

 

Simplifier les rations et valoriser les productions de la ferme

« Auparavant on faisait une ration mélangée pour les génisses (fourrages+concentrés) en espérant gagner du temps. On bouffait plutôt du gas-oil ! Pour mélanger correctement foin et enrubannage, la mélangeuse tournait au minimum 1/2 heure par jour. On a arrêté. Le foin et l’enrubannage sont écartés le matin devant les crèches et repoussés le soir avec le même résultat.  Pour les veaux on a aussi arrêté le mash et les aliments tout prêts. Retour à la VL fermière en utilisant nos propres céréales aplaties et les tourteaux achetés. On donne du bon foin de prés et du foin de luzerne. Tout se passe bien »

 

Des économies aussi sur les frais d’élevage

« Depuis 2-3 ans on cherche à se former pour le soin des vaches et du troupeau. En 2-3 demi-journées on a beaucoup progressé. Maintenant je n’hésite plus à faire une perfusion à une vache malade. Avant j’attendais, j’hésitais à appeler le vétérinaire. Du coup j’ai gagné en réactivité et en efficacité. Je travaille toujours avec mon vétérinaire mais davantage dans le conseil et l’échange. En cas de coup dur, il intervient aussi. Je fais plus de prévention. Des petits trucs qui ne coûtent pas chers, qui marchent chez moi et qui améliorent la santé globale du troupeau. Par exemple je donne souvent de l’argile aux veaux dans le lait. Sur une centaine de vêlage, je n’ai réduit les diarrhées et quasiment plus de mortalité. J’utilise aussi parfois les huiles essentielles quand ça commence à tousser. Cet hiver je vais aussi revoir la mise à la reproduction : meilleur tri des vaches à garder et élever, davantage d’IA en charolais pour limiter les frais et surtout mieux valoriser mes veaux en croisés »

 

2015, les marges sont trop dures à atteindre

« En deux années c’est sûr on a beaucoup progressé sur les charges. Mais maintenant le produit n’y est plus que ce soit le prix du lait et même la viande de réforme. On fait beaucoup de concession pour arriver à tourner et passer le cap en 2015. Réduire les charges c’est nécessaire et il faut continuer à avancer et chercher des solutions. Il en reste. Mais perdre d’un coup, en 6 mois 30 à 50 euros de marge ce n’est pas possible. Du coup les gros investissements sont reportés. La trésorerie est très tendue.

 

2016, on ne va pas se précipiter

On a un projet de construction d’un nouveau bâtiment pour les laitières plus fonctionnel et en dehors du village. Pour le moment on a deux scénarios : 120 vaches et 2 robots à 3 UTH ou 60 vaches, 1 robot et 2 UTH mon frère et moi après le départ en retraite de notre père. Le projet à 120 vaches fait peur au vu de la conjoncture. On attend le chiffrage économique. C’est sûr on ne va pas se presser, prendre le temps de réfléchir et peser le pour et le contre avant de prendre notre décision. »

 

 

 

Propos recueillis par Jean-Philippe GORON - Chambre Agriculture - Isère Conseil Elevage

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