Chevrettes : Alimentation à volonté ou rationnée, quels effets?

Une expérimentation en élevage sur la conduite alimentaire des chevrettes.

L’alimentation à volonté des chevrettes est une pratique qui suscite beaucoup de questions dans les élevages. Permet-elle une meilleure croissance des chevrettes ? Comment évolue la production laitière par la suite ? En bref, quels coûts ont été engendrés et pour quels résultats ? L’alimentation à volonté, eux l’ont testé !

 

 

Caractéristiques des élevages

Deux élevages laitiers dessaisonnés se sont essayés à l’alimentation à volonté. Le premier, (élevage A) est un élevage de 380 chèvres Saanen. Les chevrettes sont élevées dans un appentis, collé au bâtiment des chèvres, 68 chevrettes ont participé à l’essai. Le second (élevage B), est un élevage de 130 chèvres  Saanen, l’essai a été réalisé sur 29 chevrettes, élevées dans un tunnel. Dans chacun de ces élevages, un lot de chevrettes a été nourri avec des concentrés à volonté, et un lot « témoin » avec une alimentation rationnée. Les lots étaient homogènes au départ.

Alors, ça donne quoi ?

Les données alimentaires ont été recueillies et des pesées de chevrettes ont été réalisées tout au long de leur croissance. Des notes d’état corporel ont été effectué avant et après mise-bas, et la production laitière de ces chèvres à 100 jours a été analysé.

Elevage A

Pour l’élevage A, il n’y a pas de différence pour tous ces paramètres. A 6,5 mois, on observe seulement 1kg de poids vif de différence entre les chevrettes à volonté (poids le plus élevé) et rationnées.

Le lot à volonté a reçu 700g de concentré à 4 mois, puis 1kg, avec de la paille et du foin de prairie multi-espèces. L’éleveur n’a pas souhaité aller au-delà de 1kg de concentré : elles n’ont donc jamais réellement été « à volonté ». Nous pouvons supposer que l’aspect « volonté » n’a pas été assez poussé pour obtenir des résultats différents entre les deux lots. De plus, les deux lots avaient la même quantité de concentré et le même foin de prairie durant les premiers mois de croissance.

Pour l’élevage A sur la période post-sevrage de 3 à 6 mois, le coût total de ration est de 42€ par chevrette (dont 28€ de concentré pour le lot à volonté). Pour le lot rationné, ce coût est estimé à 37€/période (dont 23€ de concentrés). La ration du lot rationné permet donc d’obtenir les mêmes résultats que pour le lot volonté, tout en étant moins coûteuse. 

Elevage B

Pour l’élevage B, les résultats obtenus ne suivent pas la même tendance. La croissance des chevrettes est différente dès le 3ème mois. Le poids est plus élevé pour le lot à volonté que le lot rationné.  A 6 mois, les chevrettes du lot à volonté pèsent en moyenne 40,3 kg et celles du lot rationné 37,3kg. Le graphique ci-dessous présente les évolutions du poids de ces chevrettes, pour chaque conduite.

A partir de 3 mois, le poids plus élevé des chevrettes à volonté peut laisser penser que le sevrage se passe « mieux » avec une alimentation à volonté : on observe une meilleure croissance (cf graphique « Elevage B : évolution du poids des deux lots »). Cependant, au niveau de la production laitière à 100 jours, et des notes d’état, on ne retrouve aucune différence entre les deux lots.

 

 

 

 

 

Dans le lot volonté, il a été distribué jusqu’à 1200g de concentré, alors que pour le lot rationné, la quantité distribuée n’a pas exédé 500g. La ration détaillée est la suivante :

Dans cet élevage, le type de fourrage est différent pour chacun des deux lots : le lot « à volonté » a  reçu de la paille d’orge estimée à 52€/T, tandis que le lot « rationné » a reçu du foin de luzerne (14% de MAT) estimé à 110€/T. Le concentré distribué est également différent, seule la part de protéines varie entre ces deux aliments : 16% de MAT pour le concentré A (à 310€/T) et 18,2% MB pour le B (à 328€/T). Les deux aliments sont au même niveau énergétique (0.9 UFL/kg).

Dans le cas d’une alimentation à volonté, le concentré distribué était à 16% de MAT, par crainte que la ration ne soit trop azotée avec un aliment plus haut en protéines.  Ainsi, la MAT totale apportée par la ration à volonté à 6 mois est de 13,3%  de MAT pour le lot « à volonté » et 15,7% pour le lot « rationné ».

Pour quel coût ?

 

L’alimentation à volonté est dans cet élevage aussi plus coûteuse que pour le lot rationné. Dans le cas d’une alimentation rationnée le coût du fourrage et des concentrés est plus équilibré : en effet, à volonté la quasi-totalité du coût est due au concentré.

Ce que l’on peut conseiller :

l’alimentation à volonté serait une bonne solution pour les élevages n’ayant pas d’ambiance optimale pour l’élevage des chevrettes. Ce type de conduite permettrait de pallier des conditions d’élevage désavantageuses, et ainsi permettre une bonne croissance des chevrettes. Cependant, le mode d’alimentation « à volonté » engendre une dépendance aux prix des concentrés plus importante qu’en alimentation rationnée. Lorsque le bâtiment est optimal pour l’élevage des jeunes, l’alimentation rationnée serait suffisante pour permettre une bonne croissance des chevrettes.

 

Laura CRISPEL, Adice

 

« Patrick RIBES, 150 chèvres, livreur en AOP Picodon (07)

Aliment d'allaitement pour chevrettes : avec ou sans PLE ?

La nature des aliments d’allaitement pour chevrettes varie d’un élevage à l’autre, selon la stratégie de distribution et l’impact économique. Mais que choisir ?

Patrick utilise depuis plusieurs années un aliment d’allaitement sans poudre de lait écrémée (PLE), distribué à la louve. Avec des résultats satisfaisants (poids moyen au sevrage de 18kg, à 54 jours). Seul problème : quelques mortalités suite à des gonflements en phase lactée.

Cette année, il a eu l’opportunité d’avoir un aliment avec 50% de PLE, à coût équivalent.  Equipé de deux louves, il a voulu tenter une expérience : comparer les résultats de croissance entre les deux aliments.

 

Conditions de l’expérimentation

Le premier jour, les chevrettes sont laissées sous la mère (lait colostral), puis passées au multi-biberon (lait post-colostral) et enfin à la louve. La concentration en matières grasses des deux aliments reconstitués a été maintenu constante (35g/L).

 

Résultats

Les pesées n’ayant pas été réalisées au même stade, les résultats sont difficilement comparables entre les deux lots. Cependant, on remarque qu’il n’y a pas de différence significative de croissance entre les deux lots. Le GMQ (gain moyen quotidien, en grammes/jour) est légèrement supérieur pour le lot avec 0%, mais celui-ci est resté plus longtemps au multi-biberon et le sevrage a été un peu plus tardif. « Je n’ai pas vu de différence sur les problèmes de gonflements, remarque Patrick, ni sur la consommation de granulés. »

 

Que retenir ?

La croissance des chevrettes est aussi liée à d’autres paramètres : en plus des conditions de logement et d’ambiance, il faut être vigilant sur la concentration en MG du lait reconstitué (3.5%), la température de distribution (préparation à 50°C pour une distribution à 38-40°C), stabilité de la concentration.

 « Les chevrettes du lot avec PLE semblent moins grasses. A voir si cela a un effet sur la reproduction et la production laitière l’année prochaine » conclut Patrick.

 

Alessio Moro, Adice

 

 

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