A chacun sa stratégie dans le contexte de l'après-quota

L'assemblée générale de Loire Conseil Elevage fut l'occasion de faire témoigner 4 éleveurs du département de la Loire sur leurs choix stratégiques. Quatre vision différentes qui montrent qu'il n'y a pas de voie unique pour tous. Pour chacun, bien vivre de son métier reste le principal objectif, en gardant pour ligne de mire,  la nécessité de préserver la cohérence de son système (travail, investissements, surfaces, revenu...).

Jacques Chazal (à gauche sur la photo, Gaec des gaulois à Marcilly le Châtel, Loire) explique que son exploitation était jusqu’ici située au centre du village avec peu de possibilités d’extension. La volonté de ses 2 fils de s’installer l’a décidé à acquérir une parcelle à l’extérieur du bourg en 2010 et à envisager la construction d’une nouvelle stabulation. Le quota  de 300 000 litres au départ atteindra  600 000 litres  sur cette campagne. Jacques Chazal est affirmatif, « C’est le coût de production qui nous a permis de déterminer le coût maximal du bâtiment qu’on pouvait se permettre de construire compte tenu de nos autres charges et des produits dégagés par un volume supplémentaire. On a d’abord posé le budget avant de décider du type de bâtiment. La connaissance de nos coûts de production nous a permis de décider avec sérénité.  »
Sur sa participation aux formations proposées par Loire Conseil Elevage, il témoigne : « On calcule nos coûts de production avec notre conseiller d’élevage depuis 3 ans et au-delà des chiffres, les échanges que nous avons eus entre éleveurs ont été très intéressants.  Il faut toujours avoir le soucis de se garder une marge de sécurité dans la gestion de son exploitation car chaque année comporte ses aléas ».
Les Chazal ont la volonté de garder une structure de taille raisonnable et familiale, pour autant, ils ne refusent pas les investissements qui améliorent le confort de travail. « On a fait le choix d’acheter un robot de traite. Pour mes fils, c’est motivant de travailler avec de nouvelles technologies et ça permettra de libérer du temps. J’ai toujours eu le soucis de l’organisation du travail pour garder du temps pour ma famille et mes loisirs. Le fait que mes fils aient eu envie de s’installer est peut-être aussi lié à cela, savoir qu’on peut bien vivre de son métier d’éleveur.  Et comme la stalle du robot est prévue pour 70 vaches maximum, ça nous obligera à rester cohérent en terme de volume à produire ! »

 

Carl Cheminal (Gaec la route du basalte à Bussy Albieux, Loire) a repris l’exploitation de son père et produit aujourd’hui 900 000 litres en Gaec avec son épouse et un salarié. « Mon père a toujours travaillé avec 1 ou 2 salariés. Dès lors qu’on embauche, il faut faire en sorte que cela soit rentable et ça l’est, ça nous permet de faire mieux et de faire plus. » Interrogé sur les exigences que demande la présence d’un salarié sur la ferme, il poursuit « On se fait un programme à la semaine. On a mis en place des protocoles de travail, les consignes sont écrites aussi bien pour les associés que les salariés afin de pouvoir se remplacer facilement. J’attends d’un salarié qu’il soit autonome et rigoureux, quand je suis absent, je sais qu’il fera le travail comme moi-même je l’aurais fait. La difficulté pour nous aujourd’hui est davantage liée au recrutement d’un nouveau salarié, on a plus de mal à trouver des candidats que par le passé, j’ai l’impression que ce métier attire moins. » 
Pour Carl Cheminal, la réussite technique passe par une rigueur de tous les instants. « Avant de reprendre du volume, le troupeau était à 100 000 cellules. En augmentant l’effectif, on est monté à 300 000 et c’était presque inévitable compte tenu des changements dans le troupeau. On a sollicité un diagnostic de traite avec les LactoCorder et ce jour-là, comme on est 3 trayeurs, on a trait 20 minutes chacun pour voir comment nos pratiques de traite influaient sur les courbes d’éjection du lait. On a vu qu’il fallait procéder différemment pour la préparation de la mamelle. Aujourd’hui, on est redescendu à 150 000 cellules et je n’hésiterai pas à solliciter un nouveau diagnostic . »
Sur les coûts de production, il apporte la précision suivante : « Ce n’est pas parce qu’on produit 900 000 litres de lait qu’il faut tout s’autoriser en matière d’investissements. On garde une bonne maîtrise de nos charges de mécanisation, on préfère faire durer les tracteurs plutôt que d’en acheter des neufs, ils ont beaucoup d’heures mais grâce à un entretien rigoureux, ils donnent toute satisfaction. »
Carl Cheminal estime que la productivité par UMO est incontournable à l’avenir, pour autant, son objectif est bien le revenu tiré de l’exploitation. « La démarche coût de production propose une rémunération forfaitaire sur la base de 1,5 SMIC, c’est peu quand on sait qu’on travaille de l’ordre de 50 semaines par an et pas à 35h par semaine.  Pour les plus jeunes, on a aussi une reprise d’exploitation à financer. »

 

Hervé Lornage (Gaec de montceau à St Symphorien de Lay, Loire) a repris l’exploitation actuelle en 2010 en Gaec avec son épouse. Il était auparavant installé sur une autre structure dans le Rhône. Cette reprise  s’est aussi accompagnée de l’achat de la  maison d’habitation. Il explique que « le calcul des coûts de production a permis de remettre à plat les chiffres comptables, de se poser et de prendre du recul. On n’est pas encore tout à fait sorti de la phase de reprise de l’exploitation, on n’a donc pas encore atteint notre objectif de revenu. »
L’exploitation livre 280 000 litres en laiterie et dispose d’un quota vente directe de 20 000 litres, Hervé Lornage et son épouse ont fait le choix de maintenir cette diversification. «L’exploitation qu’on a repris avait une fromagerie en bon état, ça nous intéressait de poursuivre l’activité vente directe. Aujourd’hui, on apprécie le contact avec les clients et on ne souhaiterait pas développer le volume livré en laiterie au détriment de la transformation. »
Quand on lui pose la question de l’avenir de l’exploitation dans 5 ans, il répond qu’il est encore indécis. « Si on veut se développer davantage, il faudra traire plus et on n’a pas encore pris de décision sur la façon dont il faudrait alors s’organiser pour le faire. » Participer à des groupes d’échanges entre éleveurs et se poser des questions sur la stratégie à mettre en place est déjà une première étape pour construire son projet.

 

Nicolas Maloyer (Gaec des massères à St Laurent sous rochefort, Loire) a d’abord été inséminateur avant de s’installer, hors cadre familial, au sein d’un Gaec. Il a pris la place du père de son associé qui partait en retraite, puis l’épouse de son associé s’est elle-même installée suite au départ d’un oncle. Concernant les coûts de production, il témoigne : « On recherche la maîtrise des coûts plus que la réalisation d’un volume supplémentaire, on a un quota de 500 000 litres de lait aujourd’hui avec 2,5 UMO et on ne souhaite pas aller au-delà pour l’instant. » 
Il explique que l’exploitation, avec ses 80 vaches dans les années 80,  avait une dimension importante pour l’époque. « On a certainement moins évolué en volume que nos voisins car on partait avec un quota supérieur. On a aussi fait le choix de se spécialiser en lait en arrêtant la production de pommes de terre. Finalement, on a maintenu l’efficacité économique car on fait moins de choses mais on les fait bien. »  
Nicolas Maloyer indique que l’objectif pour le Gaec est d’être le plus autonome possible en fourrage
« On a acquis une auto-chargeuse pour 25 000 €, c’est un certain investissement mais ça nous amène de la souplesse dans le travail et on gagne en qualité  au niveau des fourrages. La connaissance du coût de production fait que quand on envisage d’investir dans un matériel, on ramène la charge aux 1000 litres et on sait tout de suite si on peut se le permettre ou non. » Il explique que gérer une exploitation, c’est aussi savoir anticiper. « On est vigilant pour avoir toujours suffisamment de trésorerie. Ce printemps, ça nous permet de nous couvrir en paille et en corn-gluten à des tarifs intéressants."

Rédaction : Loire Conseil Elevage

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