Caprin - Cap'Protéines : luzerne, le pari réussi

Le projet national piloté par Terres Inovia et Institut Elevage vise 2 objectifs : Accroître la production de protéines via les fourrages et valoriser en élevage les tourteaux et graines d’oléo protéagineux d’origine France.

 

 

 

Un programme ambitieux de recherche et développement

Dans un contexte de changement climatique et d’enjeux sociétaux forts (concurrence feed/food), l’autonomie protéique vise à réduire notre dépendance aux importations de protéines végétales. Substituer le soja importé par d’autres tourteaux produits en France et en Europe est un 1° enjeu. La marge de manœuvre la plus importante pour les ruminants se situe dans l’augmentation des protéines fourragères et de la part d’herbe. Ainsi Cap’Protéines se décline en quatre actions majeures.

1.                  Innover dans la diversification des productions fourragères riches en protéines et Investir dans la recherche de nouveaux modes de production animale à travers des plateformes d’essais et une série d’essais zootechniques

2.                  Faire connaître des systèmes fourragers et animaux plus autonomes et résilients ; avec 330 fermes pilotes bovins, caprin et ovins

3.                  Développer des références et des outils : logiciels, plateformes numériques, applications éleveurs et conseillers

4.                  Créer une dynamique collective pour adopter de nouvelles pratiques

 

Des essais et des suivis en Région Auvergne-Rhône Alpes

Les éleveurs et acteurs de la recherche appliquée et du conseil sont impliqués. Le centre Elevage de Poisy, Arvalis à Pusignan (expérimentation irrigation Luzerne) ou la ferme expérimentale caprine du Pradel conduisent des essais zootechniques ou agronomiques. Les lycées agricoles du Valentin (26) ou du Pradel (07) mettent en place des plateformes de démonstration et des collections fourragères pour former les futurs éleveurs.

Les Conseil Elevage et Chambre d’Agriculture sont mobilisés pour suivre des élevages innovants en recherche d’autonomie protéiques. 4 élevages bovins lait sont ainsi suivis par Loire Conseil Elevage et Rhône Conseil Elevage.

Cinq élevages caprins sont accompagnés par ADICE. Parmi les leviers mis en place, on retrouve : Pâturage tournant, prairies multi-espèces, foin luzerne séchée au sol, séchage en grange, méteil grain, culture de soja et protéagineux graine.

 

 

Le déploiement d’une communication cohérente et forte

Pour les fermes suivies, il s’agit d’une part de mesurer l’autonomie protéique, décrire les leviers mis en place et s’assurer de leur pertinence économique et environnemental. Pour chaque élevage, le coût de production et le bilan carbone sont calculé a (méthode Cap2ER). Des fiches techniques, des vidéos et des témoignages décriront ces nouveaux leviers.

 

 

EARL LES PAMPILLES (Alixan, Drôme)*

*ferme engagée dans le Réseau Cap’Protéines

 

 

Objectif 100 % autonomie fourragère et protéique

Foin de luzerne, céréales autoconsommées, pâturage tournant, tout est mis en place pour assurer un lait et des fromages « 100% made in Alixan ».

Lionel Mossière et sa femme Florence ont repris une ferme dans la Drôme proche de Romans/Isère avec le projet de pérenniser un atelier caprin avec transformation fromagère à dimension humaine et le plus autonome possible. Quinze ans après leur installation, le pari est en passe d’être réussi.

 

Miser avant tout sur la luzerne

Certes l’exploitation dispose de sérieux atouts : un parcellaire plutôt groupé, 90% labourable, une surface potentiellement irrigable de 36 ha. Mais encore faut-il savoir se donner les moyens d’exprimer ce potentiel. L’assolement est composé d’une 12° ha de luzerne, 3 à 4ha de PME proche du bâtiment, une 20° d’hectares de céréales (orge, blé et maïs grain). La 1° stratégie mise en place a été de développer les luzernes et surtout de miser sur la qualité. Fauche très précoce (stade bourgeonnement) en bénéficiant du vent du nord et du sud qui permet de sécher rapidement le foin au sol. Sans matériel très sophistiqué (faucheuse à disques avec conditionneur à rouleaux, andaineur double rotors), sans fanage le travail se fait avec beaucoup de douceur et une surveillance accrue. Lionel arrive à récolter des luzernes feuillues à plus de 18 à 20% de MAT. C’est l’aliment de base des chèvres en lactation, des taries et des chevrettes !

 

Céréales de la ferme pour une production de près de 900 litres par chèvres

Avec des rendements corrects (60q Orge en sec, 110q maïs irrigué), Lionel complémente ses chèvres avec les céréales produites. 35t sont ainsi valorisées par le troupeau (125 chèvres et la suite). Le lait est au RDV avec 850 à 950 litres en moyenne par chèvre. Les taux sont historiquement bas mais le rendement fromager reste bon (60% des volumes produits sont transformés, 40% vendus en laiterie). Un aliment riche en matière grasse et à 26% de MAT a été acheté en 2020. L’impact attendu sur les taux est resté modeste. L’achat a été supprimé en 2021. Au final la consommation de concentré est de moins de 400g/l lait. L’efficacité est bonne et c’est un concentré à 95% issu de l’exploitation. Enfin les éleveurs ont investi récemment dans un robot d’alimentation (20 keuros HT) qui passe 8 fois par jour en alternance soit, 4 fois par repousser les fourrages et 4 fois pour distribuer les concentrés. Le gain sur la productivité des chèvres a été modeste mais c’est surtout un confort de travail très apprécié.

 

96% d’autonomie en protéine en 2020

 

Les chiffres parlent d’eux même : autonome en fourrage, vente du foin le moins adapté aux caprins, vente de céréales et achat de concentré réduit au minimum ; voir nul comme en 2021. Chapeau ! Les éleveurs ont trouvé leur équilibre technique et économique.

 

 

Aller au bout de la logique avec le pâturage

En 2021 les éleveurs franchissent encore un pas : passage en bio et mise en place du pâturage. Pour Lionel et Florence, c’est la continuité de leur projet. La conduite du troupeau était proche du bio et avec très peu d’achats. Les rotations à base de luzerne et les fumiers permettent d’être quasiment autonome en engrais. Le pari le plus ambitieux est de faire pâturer les chèvres. Et là encore, les éleveurs ne font pas les choses à moitié : implantation de prairies multi-espèces sur le conseil de notre conseiller fourrage d’ADICE Patrick PELLEGRIN, création de chemins d’accès, découpage du parcellaire pour faire des parcs de 2-3 jours, accessibles à l’irrigation et à la faucheuse. Ainsi 3-4 ha ont été réaménagés. Les 1° sorties en 2021 ont été sportives mais concluantes ! Maintien du lait et le plaisir de voir les chèvres pâturer au pied de la maison. Les clients sont ravis !

L’autonomie mais pas à quel prix ?

Les éleveurs participent activement au groupe « cout production ». Après quelques années plus difficiles, les résultats sont maintenant très satisfaisants. Tant en termes d’efficacité économique (44% EBE/produit hors main d’œuvre), revenu, capacité à continuer à investir et temps de travail (embauche d’un salarié à temps partiel). Les charges courantes sont très basses (<800 euros/1000l) et inférieures de 300 euros à la référence. Seule la hausse du carburant aura un impact significatif sur les charges. Le passage en bio ne s’est pas accompagné à ce jour d’une hausse du prix des fromages mais c’est un sérieux atout commercial tout comme le 100 % autonome ! Enfin la mesure de leur impact carbone 2020 est bonne en associant productivité animale, longévité du troupeau, faible consommation d’intrants. La mise en place du pâturage et les rotations plus longues devraient encore améliorer le bilan et notamment le stockage du carbone.

 

Propos recueillis par Jean-Philippe GORON, Adice

 

 

Tags: