Autonomie en protéines : Cap ou pas cap ?

D’après les données d’Inosys-Réseaux d’élevage, l’autonomie alimentaire moyenne des élevages français est de 83%. Mais si on se concentre sur les protéines, l’autonomie n’est que de 70%. Si l’objectif n’est pas forcément d’atteindre 100% d’autonomie protéique, les préoccupations économiques, éthiques ou zootechniques poussent de plus en plus d’éleveurs à étudier cette voie.

 

 

Les enjeux de l’autonomie protéique

Le soja est la principale source de matière azotée importée en France et représente chaque année 3,5 millions de tonnes de tourteaux. 44 % de ces quantités sont destinés à l’alimentation des ruminants et essentiellement des vaches laitières. Ainsi l’élevage français est dépendant de ressources étrangères et soumises aux fluctuations économiques des marchés mondiaux. De plus, ces produits sont de moins en moins acceptés par les consommateurs. En effet, les pratiques culturales, les impacts environnementaux et le bilan carbone peu satisfaisant ne correspondent plus aux attentes de la société actuelle.

Avec cependant quelques limites

L’autonomisation des systèmes d’élevage provoque souvent chez les éleveurs un sentiment de satisfaction en raison de la maîtrise et de l’optimisation de leur système de production. Cependant pour de nombreux agriculteurs, engager son système dans cette voie peut apparaître comme une sortie de leur zone de confort, une prise de risques et une complexification de leur travail quotidien. En outre, il est parfois associé à une baisse de productivité sans toujours atteindre une meilleure efficacité économique.

Des leviers à la portée de chacun

Produire soi-même l’alimentation de son troupeau revient souvent moins cher que d’acheter des aliments. Chaque élevage peut réduire sa dépendance protéique en produisant des fourrages riches en protéines et adaptés à sa propre stratégie. L’herbe constitue le premier levier d’amélioration de l’autonomie protéique d’un élevage. Un travail sur la qualité des fourrages récoltés, une bonne gestion du pâturage et l’introduction de légumineuses peuvent aider à réduire les achats de concentrés azotés. Quel que soit le mode d’utilisation, l’herbe valorisée au bon stade demeure un fourrage de grande qualité. Dans une recherche d’optimisation il est souvent plus judicieux de multiplier les coupes de qualité que de chercher absolument un rendement fourrager maximum à chaque coupe. L’introduction de protéagineux dans les rotations apportera également des bienfaits agronomiques notables tout en sécurisant la dépendance à la protéine achetée. Ces leviers sont à replacer dans le contexte de chaque exploitation puisqu’intégrer plus d’autonomie protéique ne doit pas dégrader la sécurité du système fourrager, l’équilibre zootechnique des rations et la résilience technico-économique des exploitations.

Sécurité et cohérence du système

La maitrise des coûts de production, dont dépend très souvent la durabilité économique des exploitations passe par le renforcement de l’autonomie alimentaire. Mais selon les situations et les objectifs de chacun, le niveau d’autonomie protéique optimum recherché est variable et en lien avec le contexte agronomique, pédoclimatique, et les choix techniques opérés par l’éleveur.  Bien que vertueuse, l’autonomie protéique va souvent de pair avec de meilleures performances environnementales en déployant davantage de synergies entre les cultures et l’élevage. Toutefois l’efficacité économique doit s’inscrire dans une stratégie globale de gestion d’entreprise et n’est donc pas toujours systématique.

 

Lucien MOUNIER - Montfaucon en Velay (43)

« Je recherche un système le plus économe possible en valorisant les ressources produites sur mon exploitation »

Lucien conduit un troupeau de35 montbéliardes à 5500l/VL sur 45Ha en Agriculture Biologique. Depuis son installation, l’autonomie sous toutes ses formes est son cheval de bataille. Pour ce faire, il valorise le pâturage dès que possible et accorde une importance à offrir à ses animaux une herbe jeune et riche. Mise à l’herbe précoce, déprimage, ajustement des surfaces aux conditions de croissance, rigueur et réactivité sont ses priorités pour tenir l’objectif. A l’échelle de la dernière campagne, ce sont 2.5Tde MS/VL de prairie multi-espèces qui ont été valorisées par ses laitières.

Pour gagner en autonomie, des dérobées estivales sur base de colza sont implantées dès juin afin d’assurer le plein pâturage en période de faibles croissances mais aussi pour apporter une source de MAT bon marché non négligeable. La correction de la ration durant la période de pâturage est donc rendue inutile.

Situé à 900m d’altitude, Lucien travail également son agronomie et la diversité de son assolement. Afin de sécuriser le bilan fourrager et dans l’idée d’aller chercher toujours un peu plus de MAT, il récolte des méteils en fourrage mais aussi en grains. Il le reconnait : « A cette altitude et suivant la rigueur de l’hiver, il n’est pas toujours aisé d’avoir systématiquement de bonnes valeurs azotés. La conduite est parfois délicate pour la récolte en grain, il ne faut pas être trop joueur dans la proportion de pois notamment au risque de laisser la récolte au sol ».

C’est pourquoi depuis deux ans il cultive également des protéagineux en pure afin de compléter sa ration et limiter les achats de correcteurs.  « Je consacre 1.4Ha de mon assolement au Lupin. Avec 3T récoltés cette année, ce sont plus de 2T de tourteau qui n’ont pas été acheté, soit prêt de 2000€ d’économie ! » Ramenant ainsi son coût de dépendance MAT annuel à environ 1500€.

Toutefois il est important de rappeler que même si la culture du lupin peut paraitre alléchante grâce à ses valeurs protéiques, ses vertus agronomiques et ses faibles besoins, il reste un protéagineux assez irrégulier en termes de rendement.

Lucien a ainsi trouvé un fonctionnement efficace et efficient en bâtissant un système en harmonie avec les caractéristiques de son exploitation et ses propres objectifs. Il est toutefois juste de rappeler que chacun doit bâtir une stratégie propre, adaptée et cohérente vis-à-vis de sa structure et de son niveau d’intensification.

 

Jérôme GACHET, Haute-Loire Conseil Elevage

Tags: