Ateliers Eleveurs Adice Gaec Grand Rozière

Jeudi 31 mars, Adice organisait son 2° Atelier Eleveurs sur la hausse des inrtants, dans le Nord Isère. Pâturage, méteil, réduction du maïs, conduite du troupeau… Focus sur les pistes de Patrice et Thibault, éleveurs bovin lait à Ruy-Montceau.

Echanger collectivement sur les solutions possibles

Patrice Andrieux est éleveur bovin lait associé avec sa femme au sein du Gaec de Grand Rozière en zone de coteaux proche de Bourgoin Jallieu. Leur fils Thibault est salarié à mi-temps sur la ferme. L’exploitation est de taille modeste pour 2.5 UMO avec une 50° de laitières et 80ha de SAU. Ils livrent à la laiterie Danone 450 000 litres. Le bâtiment et les surfaces ne permettent pas de développer les volumes. Un petit atelier vente directe (lait et œufs) complète l’activité.

Jeudi 31 mars, Patrice, Géraldine et Thibault ont ouvert les portes de leur exploitation lors d’un atelier organisé par Adice afin de partager leur expérience et en débattre avec d’autres éleveurs. Pendant deux heures, il a été question d’autonomie protéique, de conduite de troupeau et d’agronomie. Objectif : moins dépendre des intrants, dont les prix devraient se maintenir à un niveau élevé. Une quinzaine d’éleveurs ont participé.

Face à la flambée du prix des matières premières agricoles, les éleveurs gardent le moral. « Il y a 2-3 années, avec l’arrivée de Thibault, on a engagé un virage sur l’exploitation. Avec plus de luzerne, méteil et du pâturage, cela nous rend moins dépendant des engrais et achats d’aliments. »

« Il n’y a pas de solutions miracles. Mais ces journées permettent d’échanger sur des bonnes pratiques et d’envisager des modifications de système. Quelques que soient les évènements conjoncturels, il faut se préparer à faire avec moins d’engrais, carburant et correcteur azoté », souligne Michael Bonnault, administrateur ADICE et éleveur à Blandin.

« L’impact financier sera réel d’ici quelques mois. La hausse des prix lait-viande ne compensera pas les surcoûts. Le Gaec de Grand Rozière nous propose deux axes de leur stratégie : renforcer l’efficacité alimentaire par le quotidien pilotage du troupeau et la pâture, réduire les intrants en modifiant le système fourrager », ajoute Jean-Philippe Goron, responsable technique à Adice.

 

Pâturer davantage en maintenant une forte productivité animale

Au vu des contraintes bâtiment-surface, les éleveurs visent une précocité de vêlage des génisses (26 mois). C’est autant de génisses en moins à nourrir ou pailler. Idem pour les laitières, objectif : plus de 9000 litres produits et livrés par vache avec une bonne qualité du lait.

Si Patrice a toujours fait pâturer ses vaches, aujourd’hui c’est un vrai plaisir et réellement efficace. Sans augmenter la surface, les éleveurs ont fait le pari (gagnant) d’améliorer le rendement et la qualité de l’herbe pâturée. En 2020 ils créent 27 parcs d’environ 3500 à 4500 m2. De bons chemins d’accès sont aménagés. Un abreuvoir accessible par parc. Des arbres ont été plantés pour faire de l’ombre l’été. Objectif : des passages rapides, 1 parc = 1 jour. Les vaches reviennent tous les mois sur les paddocks : « Les vaches ont de l’herbe nouvelle tous les jours. Pas de baisse en lait, au contraire, aujourd’hui elles sont à plus de 31 litres ! Les chemins nous permettent de ramener rapidement les vaches à la traite. Cette année elles sont sorties début février. Elles finissent le 2° tour de pâture. Dés le coup de froid passé elles vont pâturer nuit et jour. On complémente à l’auge (base maïs ensilage ou épis) et les meilleures vaches ont une VL. On réduit les quantités de paille et fumier, fourrages récoltés et aliments distribués. Difficile de chiffrer les économies mais elles sont certaines ». Thibault a été le grand artisan du changement. Les aides financières mobilisées (intercommunalité CAPI et Danone « les 2 pieds sur terre ») ont permis de faire de vrais aménagements. « On a passé du temps à terrasser les chemins, planter les piquets et les arbres, clôturer. Seul cela aurait été impossible ».

 

Augmenter la part de légumineuses dans la ration avec du méteil et luzerne

Lors de l’atelier, Patrice et Thibault ont expliqué le changement progressif opéré sur les surfaces : réduction du maïs ensilage (ou épis) à une 10° d’hectares au profit des luzernes, remplacement des céréales à paille par des méteils grain (40% pois/vesce et 60% céréales (triticale, avoine et blé) Les meilleures terres sont réservées à une rotation maïs/méteil grain. Les dérobés RGI avant maïs ont été aussi remplacé par des méteils précoces ensilés. « Les RGI en dérobé étaient difficiles à labourer au printemps et sont gourmands en azote. On a arrêté. On réduit les engrais et les consommations de carburant avec au final des fourrages plus riches en MAT. Seul bémol, les semences de méteil coûtent cher. A terme il faudrait pouvoir produire sa propre semence ou l’échanger avec d’autres agriculteurs ». La luzerne est enrubannée. Avec les méteils ensilés précocement, elle vient compléter la ration d’hiver et réduire les achats de correcteur azoté. A volume de lait équivalent, le troupeau consommait 50t de correcteur azoté en 2019 contre 35t en 2021, soit moins de 40 g de MAT par litre.

 

Achat d’engrais minéral, uniquement pour le maïs

« Sur les prairies et luzerne on apporte un fumier composté. Ca suffit. Sur le méteil, aucun traitement phytosanitaire, ni engrais minéral. Les apports en fumier dans la rotation sont suffisants. Cette année on a seulement acheté 4 t d’engrais (27% azote) pour les maïs. Les parcelles craignent le sec. Comme on est toujours un peu court en fourrage, on préfère assurer avec 100 unités d’azote minéral sur les maïs. »

 

Une cohérence globale et un engagement

La démarche entreprise est audacieuse mais réfléchie. Outre son impact positif sur la réduction des charges, elle permet de maintenir une forte productivité sans accroitre la charge de travail au quotidien. Elle démontre aussi que l’on peut associer environnement et économie. Située à proximité d’une grande ville, d’un étang fréquenté par les promeneurs et d’une zone de captage d’eau, le Gaec de grand Rozière a su trouver sa cohérence. Le panneau affiché à l’entrée de la laiterie « ferme laitière bas carbone » en est l’illustration.

 

Jean-Philippe Goron, ADICE

 

 

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