L’analyse de l’urée du lait permet de mesurer l’équilibre global ainsi que l’efficacité de la ration. Le laboratoire fournit en routine cet indicateur : sachez l’utiliser.
Un bon traceur de l’équilibre alimentaire
Mettre en évidence des dysfonctionnements métaboliques
L’utilisation efficace de la protéine alimentaire est l’un des plus grands défis de l’alimentation de la vache laitière. En plus de contribuer à l’amélioration générale de l’efficacité métabolique de l’animal, ce dosage peut aider à réduire les coûts de concentrés engendrés par une suralimentation, tout en évitant un gaspillage à la fois de protéines et d’énergie ingérée.
Cet indicateur, croisé avec des observations simples (note d’état corporel), remplissage du rumen, consistance et fibrosité des bouses, TB et TP) permet de mettre en évidence des dysfonctionnements métaboliques tels que la subacidose et la subcétose, mais pourrait également permettre de déterminer « un score de confort » chez la vache laitière.
Besoin de nouvelles références pour nos systèmes et vaches d’aujourd’hui
Les dernières études (d’une quinzaine d’année) sur les valeurs urée du lait et leur interprétation ont été conduites par l’INRA sur les régimes alimentaires traditionnels. Les valeurs observées aujourd’hui sur la région Rhône-Alpes ne sont pas dans les seuils repères issus de ces travaux (diversité des systèmes alimentaire et races). Les méthodes d’analyses IR utilisées par les laboratoires de la région permettent une facilité de prélèvement, de conditionnement, de transport et de conservation (échantillons de lait avec conservateur).
La FIDOCL et le PEP Bovin lait se mobilisent
En 2009, le PEP a validé le projet d’expérimentation urée proposé par la FIDOCL. Le but du projet était de fournir des références adaptées aux élevages de Rhône Alpes, d’aider au conseil et au pilotage du troupeau. Ainsi une soixantaine d’élevages furent enquêtés sur l’ensemble du territoire rhône-alpin de la FIDOCL, pour croiser analyses d’urée, systèmes alimentaires et observations animales.
IR : Infra-Rouge
PEP : Pôle d’Expérimentation et de Progrès
C2 : acide acétique
AGNE : acide gras non estherifié
AGV : acide gras volatil
C18/C10 : acide stéarique sur acide caprique
Des traceurs nutritionnels et de distribution de la ration
Le TP est le traceur énergétique complété par le TB qui devient le traceur sanitaire de la ration
Les TB et TP nous révèlent des informations sur la qualité et l’utilisation de la ration.
Il est beaucoup plus efficace techniquement et économiquement de prévenir que de guérir. Pour cela, il est utile de mettre à profit la biochimie du lait (la Méthode Infrarouge est un moyen peu onéreux) afin de parfaire l’efficacité de conduite du troupeau, de chercher à interpréter l’état nutritionnel, ainsi que de détecter très précocement toute erreur pour la corriger avant de graves conséquences.
Le TP est un traceur de l’énergie apportée
Le taux protéique est un véritable traceur de la couverture des besoins énergétiques de la vache. Une couverture énergétique à base de concentrés amylacés tend à rehausser le TP (vers sa limite génétique) soit par l’apport d’énergie immédiatement utilisable par les cellules mammaires, soit en provoquant une augmentation de l’insulinémie, soit comme précurseur d’acides aminés lactogènes. Les correcteurs azotés sous forme de mélanges de soja/colza permettent de parfaire l’équilibre en acides aminés protégés (lysine et méthionine) tout en apportant suffisamment d’azote dégradable (sans excès puisque celui-ci ne peut qu’accroître la teneur du lait en azote non protéique, évaluée par le taux d’urée), et d’azote lentement dégradable (dans le rumen) mais bien digestible (dans l’intestin grêle) pour satisfaire le besoin de PDIA.
Le TP permet de vérifier la forte interdépendance des métabolismes énergétique et azoté, aussi bien dans le rumen que dans l’organisme.
Le TB est un traceur sanitaire de la ration
Les variations les plus fortes (en terme de composition du lait) portent sur le taux butyreux et sur les teneurs en vitamines liposolubles. Le TB est surtout tributaire d’un bon approvisionnement en C2, résultant d’un apport par la ration de fibres efficaces (physique et chimique).
La chute du TB est généralement le premier signal d’alarme de l’acidose chronique (sauf avec des rations riches en sucres dont la fermentation en acide butyrique masque le défaut de C2). Cependant lors de bilan énergétique négatif, la mobilisation des réserves corporelles (libérant des AGNE) est capable de compenser le défaut d’approvisionnement en AGV, maintenant par la même occasion le TB. Cette configuration entraine une augmentation du rapport C18/C10, critère intéressant comme marqueur du déficit énergétique.
Lien entre l’urée et les taux
Les résultats d’urée peuvent être croisés avec des critères comme le TP qui dépend, de façon partielle et restreinte, des apports protéiques. Ils peuvent également être croisés avec le TB qui a tendance à réagir l’inverse, c’est à dire si l’urée varie à la hausse de 70 mg/L alors le TB amorce une chute.
Eric Bertrand, FIDOCL Conseil Elevage