Top Alim FIDOCL 2015 : EARL de TORRAZ (Martine et Eric BOUCHEX), meilleurs éleveurs Abondance

Cette année pour la race Abondance Martine et Eric BOUCHEX sont les gagnants du concours. Ils sont installés depuis 25 ans à Flumet, commune du Val d’Arly, en Savoie. Le siège d’exploitation est à 1000 m d’altitude, exposé plein Nord ; l’été, les animaux montent en alpage dans le massif des Aravis (La Giettaz), à 1500 m d’altitude.

Le  troupeau se compose d’une trentaine de vaches abondances ainsi que de génisses de renouvellement, sur 50 ha dont une quarantaine en alpage. L’exploitation achète la totalité de son foin et regain à un marchand dans la zone AOP.

La production laitière du troupeau est transformée à plus de 95 % en direct sur l’exploitation (reblochons fermiers, raclettes, tommes) ; les éleveurs ont gardé un droit à produire à la Coopérative du Val d’Arly. Le maximum des produits est commercialisé en circuits courts (magasins de producteurs, à la ferme, petits commerçants).  

Du 01 septembre 2014 au 31 août 2015, avec 7,4 % de vaches en alerte alimentation, l’élevage arrive en tête du concours Top Alim FIDOCL pour la race Abondance.

Quelques détails des alertes de l’exploitation : sur les vaches en début de lactation, il y a 11,6 %  des vaches avec des TP faibles et 14,7 % avec des TB hors normes. Sur l’ensemble du troupeau, 20 %  ont été en alerte acidose et 5 % en mauvaise efficacité du rumen.

Ces 2 associés ont un réel savoir-faire que nous vous proposons de découvrir grâce à l’interview ci-dessous :

 

Quelle est pour vous l'importance d'avoir de bons résultats au niveau de la conduite alimentaire ?

Obtenir de bons résultats au niveau alimentaire est primordial pour nous. Cela nous permet de valoriser notre travail génétique accompli depuis ces 25 dernières années. De plus, la qualité de l’alimentation nous garantit d’avoir des animaux en bonne santé, de limiter nos frais vétérinaires, d’une conduite de la reproduction plus  facile, et conditionne ainsi notre revenu. 

Nous recherchons donc toujours un compromis entre la quantité de lait et l’excellente qualité de celui-ci (TB, TP, cellules), pour avoir le meilleur rendement fromager possible. En transformant soi-même son lait, le moindre dérapage sur la conduite de l’alimentation est immédiatement ressenti et peut très vite avoir d’importantes conséquences.

 

 

Pour atteindre ces résultats, quel est votre système alimentaire ?

Tout d’abord, notre système d’alimentation suit le cahier des charges de l’AOP reblochon, c’est-à-dire aucun aliment fermenté : uniquement foin, regain et pâturage et une quantité de concentrés limitée.

Dès que possible au printemps (autour du 1er Mai), les vaches pâturent, la journée seulement, environ deux semaines en vallée afin d’assurer une bonne transition alimentaire. Puis c’est le départ pour l’alpage, où les vaches pâturent jour et nuit, du 15 Mai au 30 Septembre. Elles reçoivent un complément de foin lorsque l’herbe est jeune, ou lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises. La complémentation en concentrés est ajustée en fonction de la production et du stade de lactation, elle se compose d’un mélange de luzerne-betteraves, d’un mélange de céréales aplaties orge-maïs et de lactosérum.

Pour l’hiver, nous achetons la totalité de notre fourrage dans la zone AOP (foin + regain) dont une partie en luzerne ; nous travaillons tout le temps avec le même marchand qui connait très bien nos exigences de qualité (nutritionnelle et fibrosité). Pour la complémentation en concentrés, c’est la même base qu’en alpage avec un ajout dans le mélange luzerne-betteraves de tourteaux de colza, puis pour les plus hautes productrices, un complément d’un mélange de tourteaux à 43 % de MAT.

Nous apportons une attention particulière à la fibrosité de la ration et à l’observation de tous signes de dysfonctionnement (résultats contrôle laitier, bouses, rumination, comportement). La distribution des aliments est individualisée et manuelle ce qui facilite l’observation de vaches.

Nos discussions régulières avec notre conseiller nous permettent de faire le point et de corriger si nécessaire les apports d’aliments.

 

Comment  fonctionne la gestion de la saison de pâturage ?

La mise à l’herbe des vaches autour du siège de l’exploitation avec un repas par jour, permet d’assurer une bonne transition alimentaire nécessaire à la flore microbienne du rumen.

La montée en alpage est précoce, avec un premier passage rapide sur la totalité des pâturages pour garantir une repousse d’herbe de qualité toute la saison et tirer meilleur parti de ce fourrage. Nous estimons qu’avec une herbe de bonne qualité, l’aliment le plus économique qui soit , nous pouvons maîtriser notre coût alimentaire par un apport moindre de concentrés.

Pour améliorer la qualité de l’herbe, nous fauchons également les refus. La fumure des prairies est raisonnée : à l’automne nous apportons du lisier, avec une rotation des parcelles. Puis, courant juin  après le premier passage, nous fertilisons avec un engrais enrichi en Ca.

En alpage, les vaches ont 2 repas d’herbe par  jour : le matin sur les parcelles les plus éloignées de l’étable (jusqu’à 1 km de marche) et le soir dans les prairies à proximité de l’étable.

Dès que nous en ressentons la nécessité (conditions météorologiques ou herbe tendre) nous apportons un peu de foin aux vaches pour garantir la fibrosité de la ration. Ceci nous permet de maintenir le TB et de garantir une bonne rumination.

 

Comment gérez-vous les débuts de lactation et les primipares ?

Notre objectif, c’est d’avoir des animaux en bonne santé qui ont une bonne persistance de production et qui reprennent de l’état après le vêlage afin d’assurer une bonne réussite à l’IA. Des pics de démarrage de lactation élevés ne sont pas une fin en soi pour nous.

L’ensemble des vaches reçoit des concentrés dans la quinzaine de jours qui précède le vêlage, 1 kg d’un mélange orge-maïs et luzerne-betteraves.

Après le vêlage, les concentrés sont progressivement augmentés  pour atteindre le maximum en 3 semaines, soit 2 kg de luzerne-betteraves +1,8 kg de céréales aplaties orge-maïs + 0,7 kg d’un tourteau à 43 % de MAT pour l’hiver. Et en période estivale, les quantités sont limitées à 1 kg de luzerne-betteraves et 1 kg de céréales aplaties orge-maïs. Le lactosérum est valorisé aussi au niveau de la ration puisque nous en distribuons en moyenne 15 litres/vl/jour.

La complémentation en concentrés des primipares suit le même principe, et nous prenons en compte leur besoin de croissance pour qu’elles finissent leur développement.

L’état corporel des animaux, le rapport des taux TB/TP et le niveau de production nous orientent sur la complémentation en concentrés des vaches. Nous sommes extrêmement vigilants sur l’observation des vaches, par le fait que nous distribuons les aliments individuellement vache/vache ; le moindre signe d’alerte nous fait réagir immédiatement. En effet tout dysfonctionnement au niveau alimentaire a des répercussions sur la qualité du produit final.

 

 

Quelles sont vos pratiques pour la gestion du troupeau ?

Pour nous, le troupeau, c’est le prolongement de la famille. Le métier d’éleveur passe par là.

Notre passion de l’élevage se traduit par un gros travail génétique depuis notre installation, travail qui a été récompensé en 2013 et 2014 avec une 1ère et 2ème place dans le classement en ISU de la race Abondance au niveau national. Cette génétique doit être ensuite valorisée par la conduite du troupeau (alimentation et soins).

Au niveau de la gestion proprement dite du troupeau, nous élevons toutes nos femelles de renouvellement que nous faisons vêler. Une fois qu’elles ont vêlé, nous les trions et vendons tous nos animaux de réforme pour l’élevage. Nous avons un troupeau  assez jeune : rang moyen de lactation = 3,1.

Notre présence proche des vaches favorise l’observation d’un maximum d’indicateurs (poils, yeux, bouses, pieds en liens avec le pédicure…). Nous sommes beaucoup dans la prévention avec l’utilisation, pour les soins, de l’homéopathie et de l’aromathérapie. L’impact de l’alimentation, sur la santé, la production et la qualité fromagère, est fondamental. C’est pour cela que tous les mois nous apportons un attention particulière à l’ensemble des résultats du contrôle de performances (alertes, niveau des taux et leucocytes).

La venue du conseiller est pour nous un moment d’échanges et de discussions sur les ajustements à faire et nous permet d’aller de l’avant.

Propos recueillis par Luc CHEVALLET, conseiller d’élevage à Eleveurs des Savoie.

 

 

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Chiffres clés de l'exploitation

Nombre de vaches :30 VL race Abondance
Niveau étable :6 630 Kg / VL
Taux :

39,4 TB et 33,9 TP soit 430Kg MSU

Taux cellulaires :121 000 cellules
Reproduction :IVV de 399 jrs, 48% réussite IA1, 2.1 IA / IA fécondante
Ration hivernale :10Kg foin (composé à 30% de luzerne), 7Kg regain (30% luzerne), + 2kg mélange (pulpe de netteraves + luzerne deshydratés + tourteau de colza) + 1,8 KG céréales applaties + 0,7 Kg tourteau 43% MAT + 15 kg lactoserum
Coût des concentrés :91 €/tonne de lait
Coût de la ration :Moyenne annuelle de 223€ / KL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le regard de Luc CHEVALLET, Conseiller d'élevage à Eleveurs des Savoie

" Je tiens tout d’abord à féliciter Martine et Eric pour leurs bons résultats au niveau de la conduite de leur troupeau. J’apprécie de travailler sur cet élevage, car il très agréable d’accompagner des éleveurs passionnés et de leur apporter des pistes de réflexions pour évoluer.

Ces bons résultats sont le fruit d’investissements techniques et personnels, ainsi que d’une remise en cause permanente des choix de conduite de l’exploitation. L’élevage a déjà été récompensé en 2009 par les SABOTS D’OR, prix qui valorise le travail technico-économique.

Au niveau du troupeau, les éleveurs cherchent avant tout  à avoir des animaux en bonne santé, produisant du lait de qualité (TB, TP, cellules). Pour cela, ils sont très rigoureux sur la sélection de leur cheptel au niveau génétique, puis  au quotidien dans le suivi de l’alimentation. Le temps consacré aux animaux est primordial et cela se retrouve dans l’ensemble de leurs résultats techniques. "

 

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