Savoir valoriser l'herbe du pâturage des chèvres

Dans les différentes études économiques, et notamment celles réalisées récemment sur les coûts de production, l’alimentation ressort comme étant le poste de charges le plus important. Il est indispensable de bien le maîtriser si l’on veut maintenir ou améliorer la performance économique de l’atelier.

 

 

 

Se poser les bonnes questions

La prise de décision de pratiquer la pâture, ou le fait d’améliorer la conduite de celle-ci, doivent être réfléchies de manière globale par rapport aux dispositions de l’exploitation.

Quelles sont les surfaces assez proches pour être pâturées ? Quelle est l’autonomie fourragère de l’exploitation ? Certaines parcelles peuvent-elles être installées en prairies temporaires ? Les surfaces non-mécanisables sont-elles importantes et sont-elles accessibles aux animaux ?

Toutes ces questions doivent être étudiées avant d’orienter le troupeau vers une conduite au pâturage, et celle-ci peut influencer également certains aspects de la conduite technique du troupeau. Par exemple le choix de mise-bas saisonnées pour profiter de la pâture à la période où les chèvres produisent le plus de lait.

 

Eduquer les chevrettes

Afin d’obtenir la meilleure efficacité possible de la conduite au pâturage, il est important de concevoir l’expérience des animaux. Il est donc indispensable de faire pratiquer la pâture au lot de chevrettes, si possible à partir de l’âge de 5 mois. Il faudra alors réserver une surface de 1 Ha pour 50 à 70 chevrettes, fractionnée en 4 ou 5 parcelles, et renouvelée au bout de deux semaines. Dans un premier temps l’alimentation en chèvrerie ne sera pas modifiée, la complémentation en concentré pouvant être ramenée à 300-400 g, une fois constatée la bonne pratique des chevrettes à la pâture.

Une expérience de 4 à 6 semaines est tout à fait bénéfique pour garantir un bon comportement des animaux à la mise à l’herbe dès leur première lactation. Si les conditions sont trop sèches pour faire pâturer en début d’été, il est possible d’utiliser les repousses d’automne.

Il est important de réserver des parcelles « propres » d’un point de vue parasitaire, c’est-à-dire utiliser des repousses après fauche pour limiter au maximum l’infestation précoce des chevrettes.

 

Sortir tôt

Un point également important est la bonne gestion de la mise à l’herbe. Même si l’éleveur doit parfois arrêter la pâture ou modifier sa complémentation si les conditions météo se dégradent, il est conseillé de commencer tôt en saison les premières sorties à la pâture des animaux.

Dans les zones de plaine, le démarrage végétatif des prairies intervient vers la mi-mars et il est intéressant de faire la mise à l’herbe à ce moment-là. L’herbe est alors peu poussée et la transition alimentaire est moins risquée. La valeur alimentaire de l’herbe est très élevée et les économies sur la complémentation alimentaire sont importantes même avec un temps de pâture limité (3-4 heures par jour).

Egalement, le passage précoce sur des parcelles qui seront fauchées par la suite va permettre de décaler les stades végétatifs et obtenir des fourrages stockés de meilleure qualité (ray-grass récoltés en foin par exemple).

 

Adapter les rations

Quand les conditions météos permettent une pousse suffisante et donc une pâture efficace (à partir du 10-15 Avril en moyenne), l’herbe étant de haute qualité, il faut réussir la conduite des 2 ou 3 premières semaines de pâturage en maintenant la fibrosité de la ration et en limitant l’apport des aliments protéiques pour diminuer les risques. Les apports de luzerne déshydratée seront rapidement supprimés et les concentrés diminués progressivement par rapport à l’importance de la pâture.

Une fois la phase de transition terminée, il faut alors profiter pleinement de la valeur de l’herbe et diminuer les apports en chèvrerie plus coûteux. Sur le plan des fourrages, un apport de 0.3 à 0.5 kg de foin de qualité moyenne (assez appétant) est suffisant pour assurer une source de fibrosité avec de l’herbe jeune. Il est recommandé de nettoyer les auges et distribuer du fourrage neuf tous les jours pour inciter à son ingestion.

Concernant les concentrés, leur quantité sera ramenée à un minimum de 800 g par jour en au moins deux repas, pour des chèvres en début ou en pleine lactation. Il est dangereux de baisser plus bas cette quantité pour des productions moyennes supérieures à 3.5 litres par chèvre et par jour. En plein printemps, un concentré à 16% de protéines brutes est suffisant, et il faut assurer un taux moyen de la ration à 3,5% de matières grasses.

 

Gérer la pleine pâture

Pour une utilisation maximale de l’herbe, les chèvres ont besoin de temps. Il est acquis que des chèvres expérimentées qui pâturent dans de bonnes conditions (herbe suffisante à 8 cm minimum, surface mise à disposition 4 Ha minimum pour 100 chèvres, beau temps) ingèrent environ 0.3 kilo de matière sèche par heure de pâture. Les « pauses » représentent 1 heure sur 3, il faut alors 10 à 12 heures de présence à la pâture pour une chèvre qui va prélever environ 2 kilos de MS par jour à la pâture. En sachant que les repas les plus importants sont tôt et tard en journée, il peut être judicieux d’avancer les horaires des traites pour réaliser une mise à l’herbe précoce le matin, et pouvoir ressortir les chèvres après la traite du soir.

Il est important d’adapter la surface pâturée au fur et à mesure pour maintenir l’herbe à un stade optimal. Avec l’accélération de la pousse en avril, il faut réduire la surface pâturée et les parcelles écartées pourront être fauchées 5-6 semaines plus tard. Il est important de maintenir la hauteur de l’herbe entre 8 cm (coup de pied) et 12 cm (cheville). Sur certaines exploitations où les surfaces non récoltables sont importantes, il ne faut pas hésiter à « gaspiller » de l’herbe à un moment où il y en a trop (fin avril- début mai à basse et moyenne altitude) en broyant certaines zones par exemple, pour disposer de repousses de qualité de 3 à 5 semaines plus tard.

 

Maîtriser le parasitisme

On ne peut pas envisager d’obtenir de bons résultats en pâture sur le long terme sans maîtriser le parasitisme. Après avoir pâturé 6 à 8 semaines, la maîtrise de la charge parasitaire devient prioritaire à l’utilisation de l’herbe.

Il faut alors régulièrement pratiquer des prélèvements de crottes pour estimer les risques, et gérer des « blocs » de parcelles, c’est-à-dire des nouvelles parcelles qui seront utilisées en supprimant le passage sur les parcelles pâturées précédemment. Si la charge est supérieure à un certain niveau, un traitement pourra être envisagé pour réduire l’apport de larves sur les nouvelles parcelles.

Avec l’interdiction de l’utilisation de certains produits pendant la lactation, et avec la présence de résistance des parasites aux anthelminthiques, il est indispensable d’appliquer ces recommandations pour éviter de graves incidents à terme.

 

Des résultats économiques concluants

Sur la période de pâture favorable de printemps, et si les paramètres techniques sont bien maîtrisés, les résultats de marge alimentaire obtenus sont inégalés avec d’autres systèmes alimentaires.

Avec peu de fourrages distribués « par sécurité » en chèvrerie, et avec des quantités de concentrés limitées également, les productions laitières obtenues sont importantes et efficaces économiquement. Les cas sont nombreux de production à 4 litres de lait voir plus par jour avec 900 g de concentré. Cette efficacité permet alors de produire avec 220 à 230 g de concentré par litre de lait sur la période et la marge alimentaire atteint 85 voire 87 % du produit lait.

 

Vincent Desbos, ADICE Conseil Elevage

 

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