Quel avenir pour la génétique laitière française ?

Un train important de réformes plus libérales va bouleverser d’ici 3 ans la construction et la diffusion de la génétique en élevage et notre dispositif génétique français

 

Le dispositif génétique français actuel de l’élevage a des objectifs précis :

  • Conserver collectivement la maîtrise de la génétique par les éleveurs.
  • Permettre l’accès au progrès génétique à tous : espèces, races et territoires.
  • Conforter la génétique Française dans le peloton de tête des grands pays d’élevage.
  • Favoriser la restructuration des organismes contribuant à la génétique

 

les acteurs ont contribué à ces objectifs

Le dispositif actuel a su fédérer divers partenaires par la mise en œuvre de la certification des parentés bovines, le contrôle des performances, l’insémination, les programmes de sélection, la recherche avec l’Institut de l’Elevage et l’INRA dans le cadre d’une interprofession. Un système de management de la qualité garantit aujourd’hui le niveau de qualité exigé. Les ECEL ont été très investis dans ce dispositif.

 

Ce dispositif est remis en cause dès 2015

L’appel d’offre public du contrôle de performance est désormais ouvert à la concurrence avec un maximum de cinq opérateurs par filière et par département. De plus un nouveau règlement zootechnique européen doit s’imposer dans tous les Etats en 2017-18. De philosophie libérale, il organisera la génétique autour d’OES (Organismes-Entreprises de Sélection) qui auront l’entière responsabilité du schéma de sélection depuis le contrôle de performance jusqu’à la diffusion du matériel génétique.

 

Les conséquences pour nos métiers seront fortes

Verra-t-on une marchandisation, une internationalisation de la génétique ? Les éleveurs auront-ils encore une place dans ce nouveau contexte ? La privatisation des bases de données se profile de plus en plus clairement.

Les technologies modernes et futures comme les robots ouvrent des horizons nouveaux. Les données circulent de plus en plus facilement et en même temps chacun veut de plus en plus sécuriser son stockage même si le Cloud est à la mode. Les OES risquent  d’être de très grandes entreprises assez éloignées de l’éleveur. Nos savoirs faire en place et de proximité peuvent intéresser ces nouveaux acteurs. Il s’agit de réinventer de nouveaux systèmes, de nouvelles relations. A nous d’être proactifs pour anticiper, attentifs pour nous adapter et dynamiques pour satisfaire.

 

« Michel PIVARD, Président d'Ain Conseil Elevage

Est-ce que le futur dispositif pourra satisfaire aux objectifs du DGF actuel comme la couverture du territoire et des races, la place de l’éleveur… ? Nous avons demandé à Michel Pivard de nous répondre.

Quels sont les risques du RZEU (règlement européen) pour les ECEL?

Dans le cadre du futur règlement européen, les entreprises de sélection devront organiser la collecte des phénotypes. Il est facile d’imaginer qu’elles chercheront des partenaires pour assurer ces métiers de terrain. Nous pouvons faire valoir nos savoirs faire historiques. Pour être force de dialogue et de partenariat avec des OES de taille importante, les ECEL ont intérêt à se restructurer au moins autour de leurs outils de gestion de données et à s’organiser sur des tailles équivalentes à leurs interlocuteurs.

Quelle place auront les ECEL en élevage ?

Aujourd’hui le conseil est très connecté au contrôle de performance. L’acquisition de données est couteuse en termes de ressources humaines à mobiliser. Nous avons déjà mis en place des moyens comme Ori-automate pour faciliter le transfert de données depuis des logiciels d’élevage. C’est une voie à poursuivre et à amplifier demain car les capteurs seront toujours plus présents en élevage. Le conseil s’est très fortement développé depuis plus de 20 ans pour valoriser les données et intéresser beaucoup d’éleveurs au contrôle de performance. Les ECEL doivent conserver cette synergie entre conseil et acquisition de données.

Quels risques pour les éleveurs ?

Le risque est important de voir les entreprises de sélection réduire leur zone de collecte de données à des élevages motivés et concentrés sur des régions faciles d’accès. Mais le risque est aussi important d’ignorer la diversité génétique de la population animale. Nous sommes dans une région particulièrement riche par sa diversité géographique et ses systèmes de production. Nous pouvons faire valoir cette richesse pour être associés à des programmes génétiques diversifiés. Aujourd’hui les moyens électroniques doivent nous permettre d’être associés largement sans coût supplémentaire. Notre savoir-faire en logiciel et système d’information nous place comme un interlocuteur intéressant. Il suffit de voir le succès de Sielweb pour démontrer la motivation de nos éleveurs.

 

Article et interview réalisés par Jean-Marie Nicolas, Directeur d’Ain Conseil Elevage

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