Optimiser la conduite alimentaire des élevages caprins et ovins laitiers pour une meilleure efficience protéique.
Pourquoi ? L’autonomie protéique des élevages caprins en 2018 était de 47% et celle en ovins lait de 68% alors qu’en bovin lait elle atteignait 70%. Cette autonomie dépend de plusieurs facteurs : la structure des exploitations, la qualité des fourrages et des concentrés, le pilotage du troupeau et le rationnement.
Sur 3800 rations issues de 740 élevages caprins, 57% avaient un taux de couverture des besoins protéiques de l’animal cible supérieure à 120%. Les pratiques de rationnement semblent excédentaires même s’il peut y avoir des marges de sécurité sur la précision des besoins, la qualité des aliments et les quantités ingérées, … La maitrise du rationnement semble insuffisante avec une surutilisation des aliments concentrés notamment protéiques et une sous valorisation des fourrages. Il y a donc des marges de manœuvres, d’où la création du programme OCALIPRO.
Ce projet comporte 3 axes :
- Vulgariser, diffuser, communiquer, former : organiser des journées techniques, créer un kit de formation, mettre à jour le guide de l’alimentation pratique des chèvres laitières, afin de diffuser au mieux les nouvelles connaissances à tous les acteurs de la filière, tant auprès des conseillers, des éleveurs que des élèves.
- Déployer les outils et partager les expériences : constituer un réseau de fermes pilotes, préciser les clés d’interprétation des indicateurs, mettre en place et valoriser les pratiques dans un réseau de fermes témoins, accompagner les éleveurs.
- Co-conception et mise en œuvre de démarche de progrès adaptée à chaque situation d’élevage par les conseillers, les éleveurs : créer des focus groupes d’éleveurs et de techniciens, affiner la démarche de progrès, créer un outil d’aide à la décision.
Au niveau national, 5 fermes ambassadrices de l’INRAE et exploitations d’EPLEFPA participent à ce projet ainsi que 20 fermes caprines témoins et 80 fermes caprines en démarche de progrès afin de couvrir la diversité des systèmes alimentaires français.
Les fermes témoins sont des élevages sélectionnés pour leur bonne efficience dans l’utilisation des ressources protéiques (taux de couverture des besoins PDI plutôt bas compte tenu du système alimentaire et de la production laitière). Elles vont être suivies pendant 1 lactation afin de bien identifier leurs pratiques (enregistrement du contexte, quantités et valeurs des fourrages et des concentrés, pesée des refus). Les témoignages de ces éleveurs vont servir de tremplin pour motiver ceux ayant des pratiques perfectibles.
Les fermes en démarches de progrès, dont les éleveurs sont volontaires, vont être accompagnées dans une démarche visant à améliorer leur efficience protéique. Le suivi de ces fermes est prévu sur une durée de 2 lactations (le temps d’identifier les leviers d’actions, de les mettre en place et d’en mesurer l’efficacité).
Tous ces enregistrements vont servir à parfaire des repères sur certains indicateurs de l’outil Rumin’al afin d’aider les conseillers dans leur approche quotidienne du rationnement caprin.
Rumin’al : une nouvelle approche du rationnement
Suite à la mise à jour du modèle INRA sur l’alimentation des ruminants en 2018, un nouvel rationneur commun à tous a été créé : Rumin’al.
Cette mise à jour comprend plusieurs évolutions : la valeur des aliments, la valeur des rations avec les interactions digestives, l’évolution de la capacité d’ingestion, l’évolution des besoins, les nouveaux indicateurs.
La valeur des aliments n’est plus fixe mais dépend de la ration ingérée. Les valeurs nutritives des tables sont données à titre indicatif, elles permettent de comparer les aliments. Elles ne sont pas additives. La vitesse de transit varie en fonction du niveau d’ingestion et de la nature de l’aliment. Plus le niveau d’ingestion augmente, plus la vitesse de transit accélère, ce qui diminue la valorisation des aliments. La valeur des aliments est donc variable, elle dépend de l’animal et de la ration (exemple : 65% luzerne vert+25% maïs+10% tourteau soja passer de 2kg de MS à 3kg de MS diminue le niveau énergétique de -0,07 UFL/kg MS soit -0,21 UFL équivalent à 210g de céréales).
La capacité d’ingestion est revue à la hausse. Elle augmente avec la MAT de la ration. Il faut atteindre un taux de refus minimum de 15% pour saturer la capacité d’ingestion à 100%. Avec 5% de refus, la saturation est d’environ 90%. Rumin’al permer de calculer automatiquement les quantités de fourrages ingérées avec ces deux containtes.
Il faut distinguer le niveau d’ingestion en kg de matière sèche (dépend des aliments) et la capacité d’ingestion en UEL. En effet plus un fourrage est récolté à un stade avancé et dans de mauvaises conditions plus sa valeur d’encombrement est élevée, l’animal pourra en ingérer moins et sa digestion sera plus lente.
Les PDIN et PDIE sont abandonnés au profit des PDI qui correspondent plus ou moins au PDIE du modèle 2007. Le Rmic (rapport microbien PDIN-PDIE/UFL) est remplacé par la BalProRu (Balance Protéique du Rumen) et correspond au MAT ingérée au niveau du rumen – MAT absorbée au niveau intestinal).
Pour rappel, il faut faire attention à la digestibilité des protéines, le niveau de MAT est différent du niveau de PDI (exemple : maïs 7,7% de MAT et 81 PDI ; pois 20,3% MAT et 86 PDI).
Révision des besoins
Les besoins d’entretien sont revus à la hausse et varient selon le format de l’animal.
Les besoins non productifs évoluent avec le niveau de production de 60 à 100g.
Les besoins énergétiques évoluent avec la prise en compte des apports/besoins liés à la mobilisation/reconstitution des réserves. Il devient nécessaire de connaître la NEC.
Ces évolutions modifient les objectifs de taux de couverture de l’animal cible, notamment concernant les besoins protéiques qui passent de 110-115% à 100%.
De nouveaux indicateurs pour mieux appréhender les rations : équilibre de ration, santé, énergie, azote, fibre, minéraux, matière grasse, acides aminés, réponse individuelle. Une analyse économique de la ration. Un module de gestion des rations et de prévision des stocks. Une analyse environnementale et efficience de la ration.
Dès que l’on bouge un critère de ration, la valeur de la ration change, l’ingestion change, les besoins changent.
Les nouvelles fonctionnalités du rationneur permettent un calcul de ration plus précis avec de nouveaux indicateurs alimentaires. Il ne faut cependant pas oublier que le calcul de ration reste une approche approximative de la réalité. Calculer des rations, c’est tester des hypothèses à confronter au terrain, faire de la pédagogie, donner des pistes de réflexion pour un diagnostic …
Benoit DESANLIS, ADICE Conseil Elevage