Gestion des laits hors norme et méthodologie d’intervention sur la zone de production du Beaufort

Compte tenu des contraintes de production et donc des coûts de production importants (250-300€/1000L pour la simple alimentation des VL en hiver), la filière Beaufort ne peut perdurer qu’à la condition qu’elle maintienne un prix du lait élevé. Cela impose un prix de vente élevé des fromages et donc l’exploitation d’un créneau « haut de gamme ». La qualité du lait étant une condition nécessaire à la qualité, les leucocytes sont ainsi au cœur des préoccupations des différents acteurs de la filière : éleveurs, techniciens conseil élevage et techniciens fromagers.

 

Le contexte du Beaufort

Depuis la mise en place par l’administration du système d’arrêt de collecte, la coopérative Eleveurs des Savoie, (entreprise de conseil élevage pour le 73 et le 74) intervient régulièrement dans le cadre des laits hors norme sur les élevages de la zone beaufort.

Dans la législation, la situation lait hors norme intervient après 4 moyennes trimestrielles glissantes consécutives supérieures à 400 000 cellules, soit 6 mois de « mauvais » résultats. Dans cette situation l’éleveur a la possibilité de souscrire un « plan cellule » qui comprend une visite technique et un comptage cellulaire VL/VL. Ce plan cellule ouvre un droit à dérogation qui laisse plus de temps à un retour en conformité : l’élevage a alors 9 mois, à compter de la notification « Lait hors norme », pour retrouver une moyenne trimestrielle inférieure à 400 000.

Sur la zone beaufort les éleveurs en arrêt de collecte, sont aiguillés par leur coopérative laitière vers  la coopérative Eleveurs des Savoies pour souscrire un plan cellule. Suite à une réflexion menée entre les coopératives laitières de la zone et l’entreprise de conseil en élevage savoyarde, le plan cellule « arrêt de collecte beaufort » comprend :

  • Une adhésion pour au moins 1 an au contrôle de performance officiel.
  • Un appui technique « leuco action » réalisé par un expert qualité du lait assisté de la technologie lactocorder.
  • Deux visites de suivi par le technicien de l’élevage

 

 

 

 

 

 

 

L’appui technique « leuco action » d’éleveurs des Savoies : méthodologie

Lorsqu’un éleveur est inquiété par les arrêts de collecte, une prise de contact s’établi. Là, le futur plan d’intervention est présenté et contractualisé, on y recueil les premiers éléments d’analyse.  Ensuite, si l’exploitation était déjà au contrôle de performance, un échange a lieu entre le technicien titulaire de l’élevage et le technicien expert. Ce dernier se renseigne sur le contexte local pour savoir où il va « mettre les pieds ». En amont également, le technicien auditeur analyse les données qu’il a disposition : analyses interpro, analyses particulières, résultats contrôle de performance. A l’issu de ce travail, l’intervenant est prêt pour la visite de terrain. Celle-ci commence le matin par un audit de traite et un tour de ferme, les lactocorders sont utilisés et viennent compléter et argumenter les observations visuelles plus classiques. S’en suit alors un entretien avec l’éleveur. La problématique leucocyte est abordée en profondeur : D’abord, il est important, pour être mieux compris par la suite, de (re)venir sur les fondamentaux biologiques. Qu’est-ce que les leucocytes ? Pourquoi viennent-ils ? Où sont les pathogènes ? Comment contaminent-t-ils la mamelle ?… Ensuite la totalité des facteurs de risque sont abordés et l’on valorise les investigations faites lors de l’audit. La traite, le logement des animaux, les traitements en lactation, les réformes/le renouvellement, le tarissement, la gestion de la période sèche et des primipares sont autant de sujets abordés. Enfin, en accord avec l’éleveur, un plan d’action est établi. Le dossier est ensuite repris par le technicien titulaire de l’élevage, qui y apporte son éclairage et suit dans le temps les actions correctives. Ce suivi peut permettre des réajustements essentiels sur des points non perçus pendant la visite principale, notamment sur l’alternance des pratiques au fil des saisons. (Traite extérieure). Pour autant, l’intervention d’un technicien inhabituel, est enrichissante. Il apporte un regard différent et passe un message reformulé bien qu’au contenu parfois proche. Ce double discours étant bien souvent mieux intégré par l’éleveur.

 

Des problèmes leucocytes imposant une réflexion globale

Sur la zone beaufort, la quasi-totalité des élevages en difficulté ont un profil de contamination de type « contagieux ». C’est-à-dire que les bactéries concernées sont des bactéries de « sang chaud » présentent dans les quartiers infectés, sur les trayons (crevasses) et sur les mains du trayeur. Les microbes du réservoir mammaires infectent des quartiers sains principalement lors de la traite et provoquent le plus souvent une mammite subclinique. Lorsque l’on intervient dans le cadre des arrêts de collecte, l’élevage est très contaminé et la résolution des problèmes sur le long terme passe par deux conditions :

  • Assainir le troupeau pour repartir sur de bonnes bases avec un nombre minimum d’animaux contagieux pour les autres.
  • Maintenir les modifications de pratiques, pour maintenir l’état sanitaire sain retrouvé.

Il est important de faire comprendre que ces deux conditions sont nécessaires, trop souvent les éleveurs se contentent d’en remplir qu’une seule. Faire un gros effort pour éliminer, ou soigner quand c’est encore possible, les VL incurables ne portera pas ses fruits sur le long terme si les pratiques régénèrent des animaux contaminés. De même, l’effet de la mise en place de pratiques exemplaires sera fortement limité si l’on introduit des animaux « propres » dans un contexte microbien chargé du fait de la présence d’un grand nombre d’animaux infectés durablement.

Selon les contextes, la palette des leviers d’action est très vaste, mais on peut les catégoriser en deux types. Les moyens directs et relativement faciles à mettre en œuvre, ce sont les plus classiques. On va par exemple, changer le mode de préparation des VL avant la traite, supprimer la graisse à traire, changer le protocole de tarissement, traire les animaux sains en premier (entravée), faire les corrections de l’optitraite…

Mais parfois (le plus souvent ?), il est réducteur de penser résoudre les problèmes en ne mettant en place que ce type de levier dont la mise en place est immédiate. Les actions nécessaires peuvent ainsi impacter le fonctionnement de l’exploitation de manière globale. Les exemples sont nombreux :

Le problème est un taux de renouvellement insuffisant c’est alors tout le système d’élevage des génisses qu’il faut repenser (bâtiment, pension, achats…).

 

 

Les réformes sur le critère leuco peuvent être insuffisantes, car il y a trop de vache vides à réformer d’abord. La solution est d’améliorer les résultats en reproduction et impose alors de progresser sur l’alimentation en début de lactation. Sur la zone cela signifie d’améliorer la qualité des foins et tout ce que cela implique.

Parfois, il est nécessaire de revoir les pratiques de traite, il se trouve qu’elles seront plus chronophages (on passera d’une préparation par voie sèche à la voie humide par exemple) seulement l’élevage est déjà « au taquet » avec déjà trop de temps de traite. C’est la main d’œuvre, l’équipement ou carrément l’effectif de VL sur lesquels il faudrait travailler. Autant d’exemples qui montrent que lorsque des disfonctionnements de ce type se cumulent c’est le fonctionnement et la cohérence complète de l’exploitation qu’il faut re-réfléchir pour résoudre un problème leucocyte d’apparence restreint…  mais d’apparence seulement!

 

Frédéric Perrin, Eleveurs des Savoie, pour le groupe Qualité du Lait Fidocl

 

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