Elever simplement ses génisses

Dans le cadre de la Quinzaine du conseil en élevage, manifestation nationale organisée par FCEL, David Plouzin est intervenu pour 6 conférences en FIDOCL. Ce responsable de l'atelier génisses à la ferme expérimentale des Trinottières a fait part de ses nombreuses expériences aux éleveurs. Plusieurs points clés sur l'élevage des génisses ont ainsi pu être abordés et vous sont présentés dans l'article suivant.

 

 

 

L’alimentation des génisses

 

Les grands axes de la croissance des génisses

La croissance de la génisse est structurée autour de deux phases clés :

  • de 0 à 6 mois : durant cette période le développement squelettique est essentiel, et tout retard de croissance pris durant celle-ci ne se récupère pas.
  • de 6 à 12 mois : cette période correspond au développement du tissu mammaire et à la mise en place de la puberté. Un gain de poids vif quotidien de moins de 400 g durant cette phase entraine un retard de croissance et donc une mise en place tardive des chaleurs. A l'inverse, un gain de poids vif quotidien supérieur à 800 g se traduit par un engraissement de la génisse et donc une baisse de la fertilité.

En race Prim'Holstein la puberté s'exprime dès que la génisse a atteint 40% de son poids adulte, alors qu'en race Montméliarde c'est à  50% du poids adulte. Par conséquent, plus les génisses se développent correctement, plus elles peuvent exprimer rapidement leur potentiel reproducteur.

L'objectif de la ferme des Trinottières est d'atteindre un poids vifs de 210 kg à 6 mois et de 600 kg au vêlage à 24 mois.

 

Des périodes avant la naissance du veau qui ont leurs importances

L'alimentation des vaches taries doit être équilibrée en énergie, minéraux et azote afin que la vache arrive en bon état au moment du vêlage (NEC entre 3 et 4). Une vache trop grasse risque d'avoir un vêlage plus difficile, alors qu'une vache trop maigre produira un colostrum de moins bonne qualité. 

Le vêlage doit dans l'idéal se dérouler au pâturage ou dans un bloc propre afin que le veau ne soit pas contaminé dès la naissance par des agents pathogènes. Cela permet aussi de réduire le risque de mammites et de diminuer le risque d'omphalophlébite (gros nombril). Si le veau tête sa mère, il est nécessaire que les trayons de celle-ci soient propres afin de limiter l'absorption de bactéries.

 

L'ingestion du colostrum de la 1ère traite : une source d'anticorps essentielle

Le colostrum est le premier lait produit par la vache à la suite du vêlage. C'est un produit riche (25% de MS) en matière grasse (MG) et en protéines (les immunoglobulines) qui va transmettre des anticorps au veau. De la naissance à 8h : le colostrum contient 100% à 50% d'anticorps et pendant cette même période l'absorption au niveau de la paroi de la caillette se réduit de 100% à 50%. Le veau doit donc boire une quantité suffisante de colostrum pour pouvoir acquérir des défenses immunitaires. 

Or le volume de la caillette du veau représente 5% de soin poids vif et il doit consommer 1% de son poids vif dans les 12 premières heures de sa vie. Le veau doit donc consommer 2L de colostrum dans les 2h, puis 2L 10 à 12h après. Le colostrum est délivré pendant les 2 ou 3 premiers repas et ensuite le veau boit le lait du jour. Durant les périodes à risques plus élevés (ex : l'hiver) : il est préférable de donner 3 repas le 1ier jour au veau.  Toutefois, il faut rester vigilant aux volumes distribués au veau après le 1er repas, si ceux-ci sont trop élevés, la caillette déborde et les diarrhées se manifestent.

La qualité du colostrum a aussi son importance dans la couverture immunitaire qu'il va apporter au veau. Un colostrum est plus riche en anticorps s'il provient d'une vache au  3ème vêlage que d'une génisse. Les vêlages d'automne donnent un colostrum meilleur car les vaches taries sont dehors. Afin de mesurer la qualité du colostrum, il est préférable d'utiliser un réfractomètre (mesure réalisée à 20°C) plutôt qu'un pèse colostrum moins fiable. Il est meilleur de donner un colostrum riche au veau même s'il ne provient pas de sa mère. Une réserve de bon colostrum est donc souhaitable dans chaque élevage. Ce produit se conserve jusqu'à 7 jours au réfrigérateur et 1 an au congélateur.  On peut le disposer dans des bouteilles ou des sacs plastiques (décongélation plus rapide).  Afin de préserver la qualité du colostrum et de ne pas tuer les anticorps présents dans celui-ci, la décongélation doit être lente et à température ambiante (au maximum à 50°C dans un bain marie).  La création d’une banque de colostrum est très intéressante et permet d’avoir du colostrum de bonne qualité toute l’année.

 

Le lait : un élément clé de l'alimentation des veaux

Il est n'est pas souhaitable d'élever les veaux avec du lait contenant des antibiotiques dans le but de limiter les phénomènes d'antibiorésistance. 

L'utilisation de lait entier pour les veaux, nécessite l'adaptation du volume distribué en fonction du TB du lait. En effet, une augmentation de 4 points de TB entraine une réduction de 0.5L de lait distribué. Un lait trop riche en matière grasse est à l'origine de diarrhée, et requiert une réduction du volume de lait apporté.

L'aliment d’allaitement en poudre existe sous deux types : avec ou sans poudre de lait écrémé (PLE). Pour faire la différence, il faut veiller à l'étiquetage du produit : celui-ci contient en plus grande quantité les éléments qui sont situés au début de la liste des composants. Il convient aussi de différencier la poudre instantanée (prête à 40°C) de celle qui ne l'est pas (préparation dans une eau très chaude pendant 2 min). Rappelons qu'un  litre de buvée doit être composé de 800 g d'eau et de 200 g de poudre.

Que l'on se serve de lait entier ou d'aliment d’allaitement, une préparation collective représente de nombreux avantages :

  • un gain de temps
  • de la précision et de l'homogénéité :
  1. pour le lait en poudre attention lorsque vous travaillez avec des boites, car le fond du sac est plus dense, utiliser de préférence une balance. L'utilisation d'un malaxeur à peinture pour les grandes quantités est plus intéressante qu'un fouet.
  2. pour le lait entier : un lait de mélange (matin et soir) sera plus équilibré en MG

 

Les concentrés et le fourrage : des compléments au lait pendant la phase lactée

L'eau et les concentrés consommés vont permettre le développement des papilles du rumen, alors que l'apport de fourrage va quant à lui accroitre le volume du rumen.

Il est nécessaire d'apporter des concentrés au veau dès la 2ème semaine pour qu'il puisse prendre l'habitude d'en consommer. De la naissance à 6 mois, le même concentré est distribué afin de ne pas perturber la génisse. Les concentrés à base de graines entières sont plus facilement ingérés durant la phase lactée, mais au-delà de 6 mois le maïs doit être aplati pour être consommé. De plus il faut être vigilant avec les petites graines (blé/avoine/orge) qui doivent être aplaties pour être consommées. Suite à des essais menés à la ferme expérimentale des Trinottières,  aucune  différence n'a été constaté entre l'utilisation d'un mélange fermier ou d'un  floconné durant la période de croissance des génisses.

L'objectif est qu’au moment du sevrage la génisse consomme au moins 2 kg de concentré.

Au niveau des fourrages, il est possible d'utiliser des foins de 1ère coupe, de la paille bien conservée ou/et de l'ensilage de maïs. Toutefois, l'ensilage ou l'enrubannage d'herbe est interdit avant 6 mois. Pour utiliser un mélange fermier de qualité, il faut viser le 1 UF et 110 g de PDI/kg brut, complémenté avec des minéraux. La quantité de concentré distribuée varie pour s'adapter à la qualité des fourrages utilisés, comme expliqué dans le tableau ci-dessous :

De manière à favoriser l'appétence, les fourrages et les concentrés devront être changés tous les jours. L'eau doit bien sûr être disponible de manière illimité mais le veau ne doit pas en boire dans les 15 à 30 min qui suivent la buvée du lait de manière à ce que la gouttière ait bien le temps de se refermer.

 

Le passage à un repas/jour et 6 repas/semaine : une solution intéressante

Cette technique simplifie le travail de l'éleveur tout en permettant un bon développement des génisses.  En comparaison au système classique à 2repas/jours toute la semaine, le 1repas/jour sur 6 jours/semaine permet :

  • de réduire de 90 L la consommation de lait pour un sevrage
  • un gain de temps (de 25mn pour 10 veau), soit 56 repas en moins  qui permet une disponibilité pour la surveillance des veaux
  • des veaux en aussi bonne santé
  • une organisation du travail simplifié : par exemple, on peut démarrer la semaine le lundi pour sevrer un lundi.
  • une meilleure ingestion des concentrés le jour où il n'y pas de lait. Car l’animal a pris l’habitude d’ingérer des concentrés le dimanche, comme le montre le graphique ci-dessous :

 

Concernant le moment de distribution du repas unique, il n'y pas de préférence entre le matin et le soir, il doit être pensé en fonction de la disponibilité de l'éleveur. Les quantités de lait distribuées peuvent varier suivant le plan choisi par l'éleveur, comme expliqué dans le tableau suivant :

 

Sevrage précoce ou tardif ?

Le sevrage est l'étape durant laquelle le lait est remplacé par des concentrés. Or un 1 kg de MS lait équivaut à 2 kg de concentrés. Par conséquent il faut éviter de sevrer un veau qui consomme moins de 2 kg de concentrés/jour.

Une étude visant à comparer un sevrage de 8 semaines (avec 6 repas/semaine) à celui de 16 semaines (avec 2 buvées jours) a été réalisée aux Trinottières en 2012.  Au final, le temps de travail pour sevrer 10 veaux en 6 mois est de 57h en sevrage précoce contre 76h en sevrage tardif. Les génisses des deux lots ont sensiblement les mêmes résultats de croissance (poids à 6 mois = 205 kg en "précoce" contre 212 kg en "tardif") Au niveau économique, le sevrage tardif demande plus de lait et de foin mais moins de concentré, toutefois il engendre un coût alimentaire supplémentaire de 87€ comparé au sevrage précoce. (Variation suivant le prix du lait / ici lait à 0.25€/L)

En conclusion le sevrage précoce et le 6 repas/semaine simplifie le travail de l'éleveur, limite les problèmes sanitaires tout en permettant des résultats techniques correctes en réduisant le coût alimentaire. Toutefois si toutes les conditions ne sont pas réunies, un compromis entre les 2 méthodes doit être trouvé : ex : 1 repas/jour à partir de la 3ème semaine et un sevrage à 9-10 semaines.

 

Les outils liés à l'élevage des veaux

Le "milkbar" est de plus en plus utilisé en élevage car il permettrait de réduire les diarrhées. En effet les tétines plus rigides augmentent le temps de buvée et forcent le veau à saliver d'avantage. Toutefois il est nécessaire de rappeler que cette méthode demande un nettoyage régulier,  l'utilisation d'une tétine par veau (4€ la tétine) et la formation de lot de veau homogène afin de limiter la concurrence. (tarifs : Nourrisseur individuel (1ière semaine)  70€ / 1 bac avec 6 tétines : 130€)

Le taxi à lait est composé d'une cuve et d'une  résistance ce qui permet une température constante   de distribution à 40°C et d'un pompe volumétrique pour définir un volume précis de lait distribué. Cet outil engendre un gain de temps et la fin de la manipulation de seau. (prix : 1000€)

Le distributeur automatique de lait (DAL) est un moyen de simplifier le travail des éleveurs. Toutefois il demande du temps de nettoyage et d'entretien. Afin de respecter une température adéquate de buvée il est nécessaire de ne pas avoir trop de longueur de tuyau avant la tétine. La hauteur de celle-ci doit être de 70 cm pour respecter l'ouverture de la gouttière du veau.  Pour éviter que les veaux ne se tètent entre eux il est préférable de les laisser dans des niches individuelles jusqu'à 15 jours et de ne pas trop fractionner le nombre de repas au DAL (maximum 4).

 

 

 

 

Le logement :

Le logement des veaux permet d’assurer le confort, le bien-être et la santé des veaux, mais aussi de faciliter le travail de l’éleveur.

Les veaux doivent être en case individuelle ou en niche de 0 à 3 semaines puis en case collective ou en igloo de 3 semaines à 6 mois. Un vide sanitaire de 2 à 3 semaines est essentiel au moins une fois par an (curage, nettoyage et désinfection), pour limiter la contamination d’un veau à l’autre. Si possible, la séparation des mâles et des femelles est conseillée, afin de limiter les infections extérieures.

Aux Trinotières par exemple, les veaux sont dans un premiers temps en cases individuelles (cf. photo ci-contre) :

  • 600€ tout  compris / place
  • Tournée Sud-Ouest avec un filet à Absence de courant d’air
  • Facilitée de travail (curage et nettoyage)

La niche individuelle est une autre solution envisageable :

  • Diminution des problèmes pulmonaires
  • En plastique : pratique, lavable, peu cher (150€), mais il y fait chaud en été... à Idéal pour les mâles
  • En polyester fibre de verre : partie intérieure et extérieure, concentrés à l’abri, râtelier, prix plus élevé (400 à 600€), isolant l’hiver et l’été !

Aux Trinottières, les veaux passent à 3 semaines en cases collectives, avec des auges de chaque côté ce qui facilite grandement le travail, dans un bâtiment fermé afin de contrôler les flux d’air. (cf. photo ci-dessous)

 

En collectif, les igloos 5 places sont pratiques et facilement lavables, mais couteux (1600€).

Les plus gros igloos de 15m², à 2200€ pour la pâture ne sont d’après l’expérience aux trinottières, pas très performants. Ils sont mal ventilés et les génisses y vont donc très peu.

En plein air, il est important d’avoir des cornadis ou au moins de continuer à leur apporter régulièrement des concentrés. Cela permet aux génisses de s’habituer aux cornadis d’une part, mais aussi d’habituer les génisses à suivre l’éleveur au pré.

 

Les problèmes sanitaires rencontrés par les veaux :

Les veaux de moins de 7 jours sont évidemment les plus sensibles, c’est pourquoi des soins préventifs particuliers sont nécessaires :

Le gros nombril :

  • Trempage le plus tôt possible
  • Propreté du lieu de vêlage
  • Litière sèche

Diarrhées alimentaires (blanches et pâteuses) ou infectieuses (liquides et jaunes) :

  • Réduire voir supprimer une buvée
  • Ajouter des ferments lactiques (ou un yaourt)
  • Réhydratant si besoin
  • Antibiotique si besoin

En plus, deux maladies parasitaires dites opportunistes se retrouvent fréquemment chez les jeunes génisses :

La coccidiose : Les symptômes sont des diarrhées noires voir rougeâtres de 15 jours à 6 mois. Cette maladie est favorisée par l’acidose et le stress des animaux (écornage, changement de concentrés, de lot, de bâtiment, …) et se développe dans des litières chaudes et humides. La coccidiose pénalise principalement la croissance des veaux. Le diagnostic le plus fiable reste la coprologie de lot directement à sa sortie sur au moins 5 veaux.

La cryptosporidiose : est due à un parasite de l’intestin grêle très contagieux. Il entraine des diarrhées verdâtres, nauséabondes, collantes et glaireuses de 4 à 15 jours. Cette maladie peut entrainer la mort dans 5 à 10% des cas, voir même 30% si elle est associée à d’autres problèmes. Il n’y a pas vraiment de traitement efficace, mais la prévention est essentielle. Il est conseillé de placer les veaux dans des locaux secs et propres, et de ne pas mélanger les animaux d’âges différents.

De plus, un vide sanitaire de 2 à 3 semaines chaque année est primordial pour éliminer un maximum de parasites (coccidies et cryptosporidies). Pour cela, il faut curer, nettoyer (à l’eau bouillante sous haute pression par exemple), puis désinfecter et enfin laisser sécher.

Les veaux peuvent sortir à l’herbe dès 6 mois, mais seulement si les conditions suivantes sont respectées :

  • Une transition alimentaire assurée : concentrés et foin à disposition
  • Un endroit pour s’abriter : un accès au bâtiment, une haie, …
  • Une herbe de qualité en quantité suffisante : 1 are par mois d’âge au printemps
  • Apporter des concentrés et minéraux : 1 Kg de blé et 50g. de 0/28/5 par exemple.

 

L’âge au vêlage :

La station expérimentale des Trinottières a testé l’impact d’un vêlage précoce, à 24 mois, par rapport à un vêlage plus tardif vers 33 mois. Cette expérience a été réalisée avec des vaches prim’ holstein.

D’après ces résultats, l’abaissement de l’âge au vêlage est intéressant. Une primipare vêlant tôt est capable :

  • De produire plus de lait : 300 Kg de lait en moins en 1ère lactation, mais 2ème et 3ème lactations identiques, soit environ 2 Kg de lait par jour de vie en plus pour un vêlage précoce.
  • De se reproduire : Une fertilité qui n’est pas dégradée, voire légèrement meilleure qu’en vêlage 33 mois.
  • De terminer sa croissance : Le poids adulte est atteint au 3ème vêlage quel que soit l’âge au 1er vêlage.

De plus, sa longévité dans le troupeau sera supérieure à une génisse vêlant tardivement. Le fait de passer de 33 à 24 mois l’âge au 1er vêlage, permet de diminuer de 22% le nombre d’UGB génisses à élever, pour un même taux de renouvellement. L’économie de surface fourragère procurée par le vêlage précoce pourrait permettre le développement d’une activité supplémentaire ou tout simplement la diminution du chargement.

 

 

 

Pour les montbéliardes, des statistiques sur près de 100 000 vaches ont permis de comparer des carrières par rapport à l’âge au premier vêlage.

Ainsi, environ 1 montbéliarde sur 3 vêle entre 34 et 36 mois et plus d’une sur 5 vêlent après 39 mois ! Alors qu’un vêlage précoce donne plus de chance à l’animal de débuter une 4ème voir 5ème lactation. En somme, entre un vêlage 24 et 39 mois, l’animal fait une lactation de plus.

L’animal vêlant à 36 mois est productif seulement 1 jour sur 2, alors qu’avec un vêlage à 24 mois plus de 2 jours sur 3 sont productifs. En termes de production de lait par jour de vie, un vêlage précoce autour de 24 mois améliore l’efficacité de 20%. (12 litres contre 10L)

 

 

Toutes ces informations sont issues des interventions de David Plouzin dans certains départements de la zone FIDOCL. Pour plus d’informations, ou un accompagnement spécialisé sur l’élevage des génisses, vous pouvez contacter votre conseiller.

 

BERNARD Thomas et PORRET Adeline, Isère Conseil Elevage

 

Tags: