Désaisonner pour une meilleure valorisation du lait

Pas de plus-value dégagée sans maîtrise technique. Désaisonner tout ou partie du troupeau permet d’avoir plus de fromages commercialisables toute l’année. Cette pratique est donc choisie par certains fromagers et valorisée par les laiteries. La maîtrise technique doit cependant permettre de maintenir la plus-value dégagée. La mise en place de cette pratique se décide aussi en prenant en compte l’ensemble du système d’exploitation : disponibilité de la main d’œuvre, stock de fourrage, pratique du pâturage.

 

 

Mettre en place un protocole lumineux

La chèvre est un animal saisonné, c’est-à-dire que la période d’activité sexuelle se situe en jours décroissants. Désaisonner implique donc la mise en place d’un protocole lumineux qui permet d’alterner  jours longs  et  jours courts.

Pour cela il existe plusieurs protocoles selon la période de mises-bas choisie, avec ou sans pose d’implants de mélatonine pour forcer les jours courts. Le programme lumineux qui induit les  jours longs demande de la rigueur dans le positionnement des néons et leur nettoyage annuel. Il faut réussir à maintenir 200 lux au niveau des yeux des chèvres, soit 3 à 5 watts/m².

Si l’éleveur souhaite avoir du lait toute l’année, les bâtiments doivent permettre de séparer physiquement les lots d’animaux saisonnés et desaisonnés qui seront conduits différemment.

 

Gérer le passage en contre-saison

Pour passer un lot d’animaux saisonnés en conduite désaisonnée, deux options existent. La première consiste à décaler la reproduction tous les ans d’un cycle sexuel. Il faut alors compter 5 ans pour désaisonner les mises-bas de février à octobre. La conséquence financière porte sur la réduction des lactations des chèvres de trois semaines chaque année pendant 5 ans. De plus, il est difficile d’avancer les mises-bas des chevrettes qui se retrouvent alors décalées par rapport aux chèvres.

La seconde option, plus courante, consiste à laisser les chèvres en lactation longue, soit 18 mois au lieu de 10. Le troupeau doit avoir une bonne persistance de lactation et il faut avoir anticipé le renouvellement en élevant davantage de chevrettes. Le taux de réforme sera plus important que d’habitude car certains animaux ne tiendront pas le lait et l’échec à la reproduction sera peut être plus important, notamment dû à des chèvres trop grasses.

Solène Dutot, Drôme Conseil Elevage

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Emmanuel GRENIER, Génissieux (26)

Un changement de stratégie d’exploitation

 

Il y a deux ans, Emmanuel Grenier a choisi de désaisonner une partie de son troupeau.

Pourquoi avoir choisi
de désaisonner ?

« J’ai eu la possibilité de reprendre la fromagerie voisine de mon exploitation. Ma femme ayant le souhait de s’installer avec moi, nous avons choisi d’agrandir notre troupeau. Nous avons l’objectif de désaisonner 100 chèvres, soit la moitié du troupeau, pour produire toute l’année et n’avoir aucune rupture commerciale avec nos clients. »

Comment avez-vous pratiqué ?

« Nous avons construit un deuxième bâtiment à côté du premier, nécessaire avec l’agrandissement du troupeau, et à la conduite de nos lots indépendamment. Sur les conseils de notre technicienne, nous avons choisi de pratiquer les lactations longues en sélectionnant d’abord une cinquantaine de chèvres. Cela nous offrait aussi la possibilité de démarrer la transformation avec un petit effectif. La mise en place du protocole lumineux s’est bien passée. Nos mise-bas ayant lieu en octobre, les implants de mélatonine ne sont pas nécessaires. La mise en œuvre s’est effectuée par un simple échange avec l’électricien pour s’entendre sur le nombre de néons, leur positionnement, leur réglage en hauteur  et l’installation d’un programmateur pour gérer les heures d’éclairement. »

Quel est votre retour sur cette
 expérience aujourd’hui ?

Le taux de réussite à la reproduction en contre saison fût bon dès la première année, avec 75 % de réussite. Nous avons donc repris l’IA sur ce lot ce printemps. Afin d’accélérer l’agrandissement du cheptel, surtout du lot désaisonné, nous avons acheté des chevrettes nées en contre-saison. Cela nous permettra aussi de pouvoir réformer et d’avoir plus de lait à l’hiver 2016-2017. L’organisation du travail et les bâtiments ne nous permettaient pas non plus d’élever les chevrettes sur deux périodes. C’est le seul choix que nous avions pour ne pas rester trop longtemps en transition.

 

Propos recueillis par Solène DUTOT, Drôme Conseil Elevage

 

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