De la montagne Suisse au bocage charolais…histoire d’une reconversion réussie

C’est en 2018, que la famille Colin s’est établie a Gibles, au sud-ouest de la Saône et Loire.

Après avoir travaillé quelques années comme salarié agricole dans plusieurs fermes en Suisse, le désir de s’installer a pris le dessus. Après avoir visité plusieurs ferme, Sarah et Thomas Colin ont fait le choix de s’installer en production caprine avec un troupeau qui comptait alors une 60aines de chèvres.

 

 

 

Un démarrage avec un troupeau a haut niveau génétique.

Après avoir trouvé la ferme à reprendre, celle-ci était alors orientée en production de bovin allaitant charolais ; il fallait trouver un collecteur ainsi qu’un troupeau. Agrial ayant une collecte dans les environs, c’est donc tout naturellement vers cette laiterie que les futurs éleveurs se sont tournés.  Pour s’installer, la famille Colin a alors contacté les conseillers d’ACSEL afin d’être aiguillés sur la mise en route du projet. Par chance, un élevage adhérent d’ACSEL avait fait part a l’organisme de son souhait d’arrêter la production caprine. L’élevage en question, le GAEC du Val d’arroux souhaitait en effet arrêter la production et la transformation de lait de chèvre pour se consacrer exclusivement à son troupeau bovin lait à la suite du départ en retraite de deux des associés. Le GAEC avait de très bon antécédents, avec plus de 30ans de sélection, de pratique d’IA et d’adhésion à Capgène. Au moment de la transmission, le troupeau approchait les 1000kg au pâturage, et affichait un des meilleurs ICC du département. La passation du troupeau ayant été anticipée, les cédants ont alors conservé davantage de chevrettes, les repreneurs arrêtant la fromagerie pour la laiterie, il fallait augmenter drastiquement la taille du troupeau.

Suite au déménagement du troupeau, le niveau de production a alors baissé à 820kg/ch avec des taux a 40.5 de TB et 32 de TP. Le niveau de production ayant également été pénalisé par le rajeunissement du troupeau. En effet pour atteindre l’objectif d’effectif, l’élevage a dû élever beaucoup de chevrettes et a dû être moins regardant sur le choix des chevrettes à élever. Ainsi le taux de renouvellement atteint les 45% et l’âge moyen du troupeau est descendu à 2.5 ans.

En démarrant avec un troupeau plus petit que prévu, cela a pu laisser du temps à Thomas pour faire les aménagements dans les bâtiments existants, nécessaires au troupeau qui compte aujourd’hui près de 260 productrices.

 

Des évolutions sur plusieurs années pour simplifier le travail :

En passant de 60 chèvres en un lot a 260 chèvres en 3 lots en seulement 4 ans, il aura fallu adapter les bâtiments (aménagement et cloisonnement de la stabulation libre, création d’une nurserie) et équipements. La salle de traite initialement équipée d’un quai et de 8 postes, avait été installée dès le début de sorte qu’un agrandissement puisse être fait facilement. Aujourd’hui la salle de traite compte 16 postes en ligne haute et un deuxième quai a été coulé. Cette anticipation a permis d’étaler les coûts tout en ayant un équipement continuellement adapté aux besoins. La traite en routine ne dépasse pas aujourd’hui 1h15.

Face a la charge de travail, le travail d’astreinte s’est progressivement mécanisé afin de gagner en temps et en pénibilité, notamment le paillage et la distribution des fourrages.

L’intégralité des mises bas étant réalisées sur une seule période en fin d’hivers début printemps, cela faisait beaucoup de travail à ce moment-là. Pour cette période, entre l’aide aux chevrotages, la gestion des nouveaux nés, le couple a fait appel pour une 15aine de jours à une aide salariale pour cette saison.

Afin d’alléger d’avantage le travail sur cette période, les éleveurs prévoient pour la saison prochaine d’élever les chevrettes à la louve sur un nouveau lieu d’élevage qui sera aménagé pour recevoir cet équipement et la cinquantaine de chevrettes de renouvellement.

Enfin un lot d’une 100 aine de chèvres sera également conduit en lactation longue ce qui limitera la surcharge de travail pendant la période de mise bas. De plus cela permettra également aux éleveurs d’avoir une rentrée d’argent par la vente de lait à une période où ils n’en avaient habituellement pas. Le lot sera trié pendant la période estivale et sera composé des futures réformes (qui partiront lorsque le reste du troupeau aura mis bas), des chèvres n’ayant pas rempli dans la période souhaitée (ou retour de chaleur). Le reste du lot sera sélectionné parmi les moins bonnes chèvres mais ayant tout de même plus de 2 kg de lait au moment de la mise a la repro afin de tenir pendant l’hiver. 

 

Pour une alimentation économe et la plus autonome possible

L’exploitation s 'étale sur 39 ha dont la moitié en prairie permanente. Passer de 60 à 260 chèvres n’est pas sans conséquence sur le système fourrager et culturale. Ainsi avec 60 chèvres, l’élevage pouvait consacrer une partie de son assolement à la production de concentrés. En produisant du méteil grain type triticale-pois, cela permettait de limiter les achats de concentrés. Incorporé a hauteur de 25% des concentrés totaux de la ration, cela permettait de limiter le coût de la ration a moins de 200€/1000l. Mais avec les sècheresses successives et l’augmentation de la taille du troupeau, les cultures céréalières ont dû laisser place aux cultures fourragères afin de favoriser l’autonomie en fourrage. Ainsi l’assolement se compose pour moitié de prairie permanente. Une prairie multiespèces sur 4 ha, se compose de Fétuque, Dactyle, Fléole, RGA et Trèfle Blanc, cette association devrait permettre d’assurer un minimum de production en période estivale. Un mélange Luzerne/Dactyle sur 3ha devrait être détruit en fin d’année. En effet les terrains acides de la région, ne permettent pas de conserver la luzerne plus de 3 ans malgré un chaulage régulier.

Enfin les stocks fourrager sont quant à eux principalement constitués sous forme d’enrubannage. Ils sont produits à partir des 9 ha de mélange RGI-trèfle-vesce et de 3 ha de méteil fourrager. Ce dernier est composé de 10kg de triticale, 10 kg de RGI, 25kg de fèverole et 25kg de vesce, 40kg de pois fourrager et 5kg de trèfle violet. L’objectif pour le méteil étant d’atteindre 18% de MAT.  

Ces mélanges ont permis un rendement moyen pour 2022 de 3.5t M.S/ha. Afin de maximiser les quantités de fourrage produite, un sorgho multicoupes sera cultivé en dérober derrière méteil.  

De plus, en réalisant les 1eres coupes précocement, l’eleveur favorisera les repousses qui seront exploitées en foin durant l’été. Cela permet également d’avoir les meilleures valeurs alimentaires possible et ainsi limiter les recours au concentré de production.

Par souci d’éthique mais aussi d’économie, une grosse partie du troupeau pature sur les parcelles de prairies permanentes qui sont adjacentes au bâtiment (6 ha). Les surfaces pour le pâturage étant pour le moment limitées, le lot de primipares n’a pas pour l’instant accès a l’extérieur. La mise a l’herbe au printemps du lot de multipares a permis d’atteindre un pic de lait de 4.2kg de lait avec 800g d’aliment d’un mélange de matières premières. A ce moment-là le cout de la ration s’élève a 120€ / 1000l.  Pour compenser le manque de pâturage, les primipares reçoivent quant à elles une ration de 1200g complété par 400g de rumiluz (qui avait été acheté l’année d’avant pour pallier les manques de fourrage). Malgré cette suralimentation, les primipares plafonnent à 3kg de lait au pic. Dans ces conditions le coût de la ration ramené au 1000l est le double et s’établi a 248€/1000l.  Cet écart dans l’efficience de la ration pousse l’éleveur à réfléchir à une intégration future, de parcelle plus éloignée dans le système pâturage. Le mélange concentré est composé au printemps pendant la période de pâturage pour 60% de maïs et 40% de tourteau a 40% de MAT (50%soja-50%colza). Pour une meilleure efficience de la ration, la quantité d’aliment et la proportion entre les 2 ingrédients varient tout au long de l’année en fonction de la disponibilité et de la qualité du fourrage de base et est ajusté au stade de lactation et des besoin physiologique des animaux.

Frédéric Pacaud, ACSEL Conseil Elevage

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