Covid-19 : une crise qui laisse des traces

Les mesures sanitaires prises face à l’épidémie de COVID 19 ont eu des répercussions inédites sur la filière caprine. Tous les maillons ont été touchés : fromagers, livreurs, affineurs, filière viande caprine.

 

 

 

Fromagers

Fermeture des marchés et restaurants, restrictions de circulation et arrêt du tourisme, le confinement a stoppé net la commercialisation des produits fermiers, chez des producteurs majoritairement en plein pic de production, engendrant pertes de chiffres d’affaire considérables et surstockage.  Certains marchés ont repris rapidement ou n’ont pas cessé, d’autres ont mis du temps à se remettre totalement en fonctionnement. L’incertitude des premiers jours passée, les initiatives ont foisonné de tous côtés pour mettre en place des circuits de vente alternatifs et pallier les pertes. Ces nouveaux modes de commercialisation ont souvent été plébiscités par les consommateurs, mais ont engendré une surcharge de travail pour les producteurs : prise de commande, confection de paniers, livraisons…, qui les a menés au bord de l’épuisement.  La solution de vente en GMS s’est elle-aussi avérée très contraignante pour ceux qui ne la pratiquaient pas habituellement.

Au final, les écarts sont vertigineux entre les producteurs fermiers : certains ont perdu plus de la moitié de leur chiffre d’affaires, et se sont retrouvés en grande difficulté, d’autres ont vu leurs ventes progresser significativement pendant le confinement.

 

Filière chevreaux

Le devenir des chevreaux a été source d’une grande inquiétude au début du confinement, un mois avant Pâques. Les abatteurs voyant leurs principaux débouchés se rétrécir brutalement, les engraisseurs se sont retrouvés dans une situation d’incertitude, ce qui a entrainé en cascade des perturbations dans le ramassage des petits chevreaux en ferme. L’engagement des abatteurs à poursuivre les abattages a malgré tout permis de faire évoluer favorablement la situation chez les naisseurs et les engraisseurs, mais s’est traduit par la création d’importants surstocks de chevreaux en congélation.

Pour les abatteurs, en plus du report de trésorerie et des frais de stockage, l’un des risques est la dévalorisation des stocks de chevreaux congelés. Pour la filière, le dégagement de ces stocks risque de désorganiser le marché sur une longue période. Interbev a fait des demandes de soutien au Ministère, à la fois pour rechercher des marchés de dégagement à l’export mais également pour apporter un soutien aux engraisseurs.

A l’heure actuelle, la situation n’est guère plus optimiste puisque les abatteurs ont annoncé aux engraisseurs qu’ils baisseraient leur collecte de -20 à -50% des animaux habituellement abattus en fin d’automne ; cette annonce a des répercussions immédiates sur les chevreaux à naître en ferme en septembre/octobre, certains abatteurs annoncent d’ailleurs un décalage de début de ramassage de l’ordre de 15jours. La crainte de dépréciation du prix de la viande de cabris se confirment, les tarifs annoncés sont fortement à la baisse.

La FNEC et l’Interbev caprins sont en contact très régulier avec le Ministre de l’Agriculture et son cabinet afin d’obtenir la reprise normale du ramassage et l’abattage de 100% des chevreaux. Les éleveurs caprins désaisonnés sont donc majoritairement entraînés dans cette tourmente, mais rien n’est assuré concernant les conditions de ventes de cabris au printemps. Par mesure d’anticipation, les éleveurs saisonnés peuvent dès à présent s’interroger sur des solutions alternatives (lactations longues, engraissement et vente directe de chevreau,…)

La vente des réformes a de son côté été retardée et décalée sur le mois de mai mais la situation a retrouvé sa stabilité depuis lors.

 

Laitiers

Nos deux AOP en lactique n’ont pas demandé de dérogation pour congélation. Face à la forte réduction des débouchés, deux stratégies ont été privilégiées : modération de la production et report sous vide.

En plus d’intervenir en plein pic de production, la crise est survenue dans un contexte de relance de la collecte laitière ; en Rhône-Alpes : +8,3 % en janvier par rapport à 2019, +11,2 % en février. Les consignes de réduction de la production ont eu des effets visibles puisque la collecte d’avril est en retrait de 1,3 % par rapport à celle de mars. Malgré ce petit coup de frein, la hausse, en cumul à fin avril 2020, est de +8,9 % en Rhône-Alpes (+6,3 % au national). La situation des laiteries est très hétérogène, les TPE notamment ont beaucoup souffert, les PME ont aussi perdu beaucoup de débouchés. Pour certains des grands groupes aussi, il a été compliqué de maintenir le niveau des ventes pour absorber le pic de production. Au fil des semaines, quelques solutions ont été trouvées, permettant aux entreprises de tenir. Chacune a répercuté à ses producteurs à sa manière : pour certains, pas de changement majeur sur les volumes et des prix maintenus. Pour d’autres, des baisses de prix, des diminutions drastiques des volumes, voire du lait jeté.

 

Nathalie Morardet, Auverge Rhone Alpes Elevage et Florine Woehl, ADICE

 

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