Coups de chaud : premiers enseignements d'un été marquant

Depuis 3 ans, Rhône Conseil Elevage travaille sur les effets du stress thermique sur les vaches laitières, avec l’utilisation de capteurs d’ambiance en bâtiment.

 

 

 

Cet été 2023 particulièrement chaud, a permis de tirer les premiers enseignements de conditions de stress thermique extrêmes.

Un cycle de vie modifié

En période hivernale, l’extra-chaleur produite par le rumen est facilement régulée.

En revanche, en été, le ruminant devra accélérer sa respiration pour permettre une meilleure oxygénation du sang et réduire ainsi sa température corporelle.

La respiration passera de 60 mouvements par minute, à 120 voire 150 mouvements par minute au-delà d’une température extérieure de 40 degrés. Nous avons observé à l’aide de certains outils de monitoring plus de 400 minutes d’essoufflement sur 24h. Ce qui correspond à plus de 6 h par jour lors de la semaine la plus chaude en août dernier. 

La vache va passer plus de temps debout à essayer de se procurer de l’air pour ventiler ses bas flancs.

Sous l’effet d’un fort stress thermique, les animaux montrent des scores d’halètement élevés, de stade 3, avec une gueule ouverte, un cou et une langue étirés. A ce moment-là, ils sont dans l’inconfort, et ne ruminent plus.

On note une sur-fréquentation des points d’eau : pas seulement pour boire, mais aussi pour profiter de la fraîcheur.

Avec de fortes chaleurs, la vache réduit son ingestion et donc sa consommation d’aliments. Le rumen n’est alors pas rempli à son optimum, ce qui impacte la quantité et la qualité de la production de lait.

Une production impactée

Cette sous-alimentation entraînera une chute des taux TB et TP, respectivement par le manque d’ingestion et le manque d’énergie. Dès le troisième jour de fortes chaleurs, on observe une chute anormale du TP, traceur du déficit en énergie, en dessous de 32g/L. De ce fait, l’azote présent dans la ration ne pourra être dégradé. On observe alors des taux d’urée anormalement hauts par rapport aux repères habituels de l’élevage.

Une ingestion insuffisante marquée entraîne une baisse de la production laitière de l’ordre de 10 à 20%.

L’immunité des animaux est également impactée par ce manque d’ingestion couplé à la mobilisation de l’énergie nécessaire pour lutter contre ces chaleurs.

Avec des animaux fragilisés, différentes pathologies apparaissent. Et on observe une recrudescence de mammites sévères ou colibacillaires.

En ce qui concerne la reproduction, les résultats se dégradent : la réussite est compromise à cette période, et le déficit énergétique engendre une augmentation de l’apparition de kystes folliculaires.

Les vêlages en périodes de fortes chaleurs sont délicats. On note davantage de pathologies post-vêlage qui peuvent mettre en sursis la carrière de la vache (non délivrance, fièvre de lait, cétose).

Les autres animaux, veaux et génisses, sont également impactés par les coups de chaud. Leur croissance est freinée, leur production future peut être affectée.

Une fois les coups de chaud passés, les animaux sont encore très fatigués. Ils compensent leur baisse de forme par un temps de couchage plus important.

Depuis l’automne, l’ingestion est remontée, pour autant, la production n’est pas au rendez-vous. Pour les élevages en système ensilage de maïs, les fourrages ne sont pas stabilisés et font perdurer la baisse de productivité.

 

Comment limiter le stress thermique ?

L’hiver est la période pour tirer les enseignements des difficultés rencontrées sur la période estivale. C’est le moment de réfléchir aux actions possibles pour permettre aux animaux de passer les coups de chaud plus sereinement.

Zoom sur le bâtiment

Le bâtiment est un outil à multiples fonctions : le couchage, l’alimentation, la traite… Les animaux doivent s’y sentir bien quelle que soit la période.

La ventilation naturelle est un des premiers leviers à actionner. En été, la vitesse d’air frais sur les animaux doit être supérieure à 2m/s, et le renouvellement d’air doit être important. Pour ce faire, il est possible d’ouvrir les longs pans sous forme de trappe, de volet ou de rideau filet brise vent. Préférer créer des ouvertures mobiles, pour éviter une entrée du soleil en fin de journée.

Une fois l’efficacité de la ventilation naturelle approuvée, il est possible de la coupler à de la ventilation mécanique. Le positionnement des ventilateurs doit être réfléchi pour qu’ils soient le plus efficaces possible.

Les translucides de toiture sont la principale source de rayonnement dans les bâtiments. La quantité de translucides à prévoir pour les bâtiments neufs doit tenir compte de l’exposition de ceux-ci et des coups de chaleurs de plus en plus fréquents. Pour les bâtiments existants, plusieurs essais en élevage ont démontré que l’application de peinture de serriste sur les translucides évite le rayonnement direct sur les logettes et l’auge, et réduit l’échauffement.

Suite aux étés caniculaires consécutifs, certains éleveurs s’intéressent à l’isolation de leur bâtiment, notamment par la toiture.

L’eau est le principal élément rafraîchissant pour les animaux. La brumisation est une pratique connue, cependant attention à l’effet climat tropical avec l’augmentation du taux d’humidité, si le bâtiment n’est pas ventilé correctement. La technique la plus efficace reste le douchage des animaux, de préférence à l’extérieur du bâtiment. Il faudra prévoir une zone stabilisée pouvant accueillir la majeure partie du troupeau. En intérieur il est possible d’installer un douchage au niveau des cornadis pour inciter les vaches à venir manger. Les vaches se remettent à ingérer ou à ruminer 15 à 20 minutes après la douche.

N’oublions pas que le couchage doit être irréprochable : il doit être confortable, propre, et accessible par toutes les vaches.

 

Zoom sur l’alimentation

L’alimentation a bien évidemment son rôle à jouer.

La ration doit être disponible pour toutes les vaches, en quantité suffisante. Pour pallier à la diminution de l’ingestion, la stratégie à adopter est de réserver les fourrages de meilleures qualité pour les périodes de stress thermique, en plus d’accroître la densité énergétique de la ration en la concentrant davantage.

Distribuer la ration le soir permet de favoriser l’ingestion, c’est le moment où les animaux reprennent de l’activité.

Ajouter de l’eau dans la ration peut s’avérer judicieux pour la rendre plus fraîche, donc plus appétente, et aussi pour fournir de l’eau sans avoir besoin de la boire.

La disponibilité en eau propre peut être augmentée pour atteindre 15 à 20cm d’abreuvement par vache.

Le pâturage reste envisageable, il faut privilégier les parcelles avec des zones d’ombre suffisantes, et opter pour un pâturage de nuit ou en matinée.

 

Pour vous aider à anticiper les grosses chaleurs, il existe des applications géo-localisables permettant d’avertir d’un stress thermique prochain.

 

Alexandre Batia, Rhône Conseil Elevage

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