Comment gérer le pâturage pour limiter le risque parasitaire?

Ces dernières années, de nombreuses modifications réglementaires autours de l’utilisation des produits antiparasitaire sont apparues. Interdiction d’utilisation pour les chèvres laitières même durant la période de tarissement pour certains et apparition d’un délai d’attente lait pour d’autres. De ce fait, jusqu’à l’été 2016, il n’était plus possible pour les éleveurs caprin de déparasiter leurs animaux de façon « conventionnelle » en utilisant un antiparasitaire n’ayant pas de délai d’attente lait. Il est donc devenu primordial de mieux former les éleveurs à la gestion du pâturage en vue de limiter le risque d’infestation parasitaire.

 

Pâturage = parasitisme

Premier point, lorsque les animaux pâturent, il y a présence de parasites et donc un risque d’infestation parasitaire. Le problème est que contrairement à d’autres espèces (bovins, ovins), les caprins ont une aptitude très faible à développer une réponse immunitaire apte à réguler les populations de parasites. Il est donc primordial de limiter le risque d’infestation parasitaire.

 

Tous les parasites ne sont pas égaux

Tous les parasites n’ont pas la même pathogénicité. Certains parasites sont beaucoup plus pathogènes que d’autres. C’est le cas notamment avec haemonchus (strongles gastro-intestinaux) qui a un fort pouvoir hématophage.

 

 

La maîtrise du parasitisme chez la chèvre passe par 3 stratégies : diluer, attendre, agir.

  1. Diluer

Dans la mesure du possible, garder un faible chargement à l’hectare (1UGB/ha : 6-7ch).

Incorporer des parcours dans les systèmes de pâturage. En effet, ce type de pâturage permet de diluer la charge parasitaire mais surtout est un environnement moins favorable aux larves et peut contenir des plantes riches en tanins, qui peuvent avoir un effet anthelminthique (noisetier, sainfoin, lotier, ronce, bruyère, chêne,…).

Faire pâturer en alternance d’autres espèces d’animaux (bovins, équins,…) permet également de diminuer la pression parasitaire. Attention, le passage d’ovins à l’effet inverse et augmente la pression parasitaire.

Réaliser des coproscopies de mélange, c’est-à-dire prélever 4 à 5 crottes par chèvre, directement dans le rectum, sur une 10ène d’animaux identifiés, les broyer et les mélanger. Il est conseillé de réaliser une coproscopie pour les primipares et une pour les multipares.

 

Exemples de situations :

  • Risque faible au niveau de la parcelle : pas d’utilisation de la parcelle pendant 2-3 mois, un hiver rigoureux (sans neige), un été sec, des nouvelles parcelles (1ère utilisation après semis) ?

Animaux - : la coproscopie est à 0 opg/g => 2 ou 3 cycles voire 4 ? => 90-100 jours sans risque avéré

       Animaux + : la coproscopie est à 200 opg/g => 2 cycles + ? => 60 jours sans risque avéré

       Animaux ++ : la coproscopie est à 500 opg/g => 1 cycle + ? => 30 jours sans risque avéré

A confirmer par une coproscopie => adapter la stratégie en fonction des résultats

 

  • Risque fort au niveau de la parcelle : les surfaces ont été pâturées avec des animaux fortement excréteurs

Animaux - : la coproscopie est à 0 opg/g => 1 ou 2 cycles => 30-60 jours sans risque avéré

Animaux + : la coproscopie est à 200-500 opg/g => 1 cycle + ? => 20 jours sans risque avéré (période prépatente)

Animaux ++ : la coproscopie est à 500 opg/g => pas d’utilisation et traitement ou utiliser un bloc propre….. risque important

A confirmer par une coproscopie => adapter la stratégie en fonction des résultats

 

On constate qu’il est donc impératif de commencer le pâturage avec des animaux propres et sur des parcelles propres pour maximiser la période de pâturage sans effectuer de traitement.

 

  1. Attendre

Attendre la mort naturelle des larves avant de retourner sur la parcelle est illusoire. Les larves ont une durée de vie de 6 à 12 mois et peuvent même dépasser 1 an si les conditions sont favorables.

Il est donc illusoire de faire des retours sur la parcelle après 28-35 jours de pâturage, en espérant limiter la pression parasitaire.

 

  1. Agir

Le levier traitement : Il existe peu de médicaments avec une AMM caprin. Les médicaments sans AMM sont utilisables dans le cadre de la cascade. La cascade est très encadrée : la preuve de l’absence de médicament avec AMM utilisable, la présence de résistance, un temps forfaitaire de 7 jours pour le lait.

 

 

Traitement ciblé (au pâturage) et bien dosé

L’efficacité d’un traitement contre les vers dépend du temps d’exposition à l’anthelminthique au-delà d’une certaine concentration. Le métabolisme de la chèvre éliminant plus rapidement ces molécules, il est recommandé de faire 2 prises à 12h intervalle. Attention également à bien estimer le poids des animaux. Un sous dosage favorisera l’apparition de souches de strongles résistants aux anthelminthiques comme c’est le cas de de nombreux élevages vis-à-vis des benzimidazoles qui ont été très utilisés et longtemps sous dosés (dose ovine). En cas de traitement associé à un changement de bloc parcellaire, il est conseillé de laisser les animaux 24h en bâtiment.

Il est impératif de réaliser une coproscopie 10 à 15 jours après le traitement (selon l’anthelminthique utilisé) afin de vérifier son efficacité. L’abattement doit être supérieur à 90%.

En saison de pâturage, ne traiter qu’une partie des animaux pour maintenir une population parasitaire qui a connu peu de traitements. Le principe est de ne traiter que les fortes excrétrices : primipares et hautes productrices qui représentent 80% des excrétions d’œufs.

Le traitement ne devra pas porter sur l’ensemble des animaux mais sur environ 2/3 du troupeau. Il faudra veiller à alterner les familles d’antiparasitaires pour limiter l’apparition de résistance.

 

 

Les outils de surveillance

Suspicion d’infestation parasitaire : baisse de production laitière, modification du comportement alimentaire, de l’ingestion, baisse d’état corporel.

Confirmation : clinique (anémie, diarrhée, poil), coproscopie-coproculture, sanguin (pepsinogène, phosphore, hématocrite), bilan parasitaire, autopsie, comptage de larves L3.

La coproscopie est un outil qui permet d’objectiver le niveau d’excrétion. Elle donne une information quantitative et non pas qualitative (SGI).

 

Face au défi des infestations par les strongles gastro-intestinaux, la voie du tout chimique est une impasse : délai d’attente ou interdiction en lactation, résistance des larves. Les traitements alternatifs donnent des résultats inégaux, un effet des tanins condensés pour limiter l’infestation a été démontré mais il doit venir en complément des autres pratiques. Certains produits alternatifs permettent aux animaux de mieux supporter l’infestation parasitaire mais n’ont pas d’action sur l’excrétion, les parcelles sont donc fortement contaminées et le risque d’apparition de problèmes cliniques est important.

 

Une nouvelle approche est indispensable

Il est nécessaire de développer des stratégies visant à limiter drastiquement l’infestation des prairies et donc d’éviter l’accumulation de larves infestantes sur les prairies. La gestion du pâturage est primordiale.

 

 

Il faut identifier le niveau de risque parasitaire en 3 étapes :

Estimer le niveau de contamination des parcelles au cours du temps :

  • Une parcelle « ancienne » peut être un « réservoir » de larves (500 voire 1000-2000 larves L3/kg MS)
  • Plus la parcelle est pâturée de manière consécutive, plus elle risque d’être contaminée
  • Une « rupture » (arrêt du pâturage sur une parcelle) est favorable à son assainissement (min 45-60 jours). De ce fait, le pâturage tournant sur un ensemble de parcelles avec un temps de repos entre 2 passages <45 jours ou le pâturage en continu durant la même période sur une seul parcelle, présente le même risque parasitaire (notion de bloc de parcelles).
  • Un labour enfouit les parasites avec le support végétal => parcelle « propre »
  • Des climats extrêmes (gel-sécheresse) ne sont pas favorables à la survie des larves
  • Des étés pluvieux permettent la survie des larves
  • Contrairement à la fauche, le broyage en créant un tapis végétal, protège les larves des UV et donc ne diminue pas la pression parasitaire.

 

Apprécier la situation de l’animal à un moment donné :

  • Traitements antérieurs et leur efficacité (nécessite de connaître le statut du troupeau, du moment du dernier traitement)
  • De l’utilisation des parcelles : l’utilisation de parcelles contaminées entraîne une ingestion de larves => plus la durée est importante, plus les animaux se contaminent
  • De la période : on cherchera à démarrer la saison de pâturage avec des animaux faiblement contaminés
  • Du niveau alimentaire : les animaux parasités ont des besoins supérieurs

 

Visualiser sur un planning les évènements importants :

  • changements de parcelles, traitements,…
  • De nombreux travaux sont en cours, notamment sur l’utilisation des traitements alternatifs mais également sur l’observation des animaux (poils,…).

 

Pour limiter le risque parasitaire :

  • En début de saison de pâturage, vérifier que les chèvres ne sont pas infestées pour limiter la contamination des prairies
  • Utiliser des parcelles « propres » (minimum 2 mois sans pâturage)
  • Etablir un planning de pâturage
  • Changer de bloc herbagé après 3-4 mois (100 jours, avec surveillance et coupure franche), si nécessaire ne pas hésiter à effectuer une rupture de pâturage herbacé (parcours arbustifs, rentrée en chèvrerie)
  • Le cas échéant faire un traitement ciblé pendant le pâturage et vérifier son efficacité.

La chèvre est une usine à parasites, les surfaces sont les réservoirs.

 

Benoit DESANLIS - Conseiller d’élevage caprin Isère Conseil Elevage

 

Pour aller plus loin :

 

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