Butyriques : Une bonne qualité du lait pour améliorer le revenu

La maîtrise des butyriques à la récolte permet une meilleure valorisation des fourrages pour de meilleures performances laitières, assure une qualité du lait et donc un meilleur revenu.

 

 

 

Les butyriques sont des bactéries de type Clostridum présentes naturellement dans le sol. Lorsque les conditions leur sont défavorables, elles prennent la forme de spores et peuvent survivre plusieurs années en résistant à des conditions extrêmes. Dès que les conditions du milieu redeviennent favorables (absence d’oxygène, chaleur, pH > 4.5), les butyriques redeviennent actifs et se multiplient.

Dans les fourrages conservés, l’objectif est d’avoir moins de 100 spores/gr. Entre 100 et 1000 spores/gr, la contamination est importante. Les butyriques présents dans les fourrages passent dans les bouses puis contaminent le lait. Dans les bouses, le seuil ne doit pas dépasser 10 000 spores/gr. Au-delà, il suffit d’un gramme de bouse dans le lait pour le contaminer fortement.

Source : CNIEL

 

Limiter la contamination du lait grâce aux bonnes pratiques

Pour éviter la contamination du lait par les butyriques, il faut rompre leur cycle.

Le principal levier est de limiter la contamination lors de la récolte et du stockage du fourrage. Entretenir les parcelles en cas de présence de rats taupiers et régler la hauteur de coupe permet d’éviter de ramasser de la terre. Les silos et leurs abords doivent être propres.

Pour les fourrages humides, le but est d’assurer une acidification rapide et une stabilité du pH. Pour les ensilages, hacher fin le fourrage et bien tasser son silo en le remplissant par couches horizontales de faible épaisseur (10 à 20 cm). Enfin, bâcher le silo hermétiquement avec une bâche de qualité, et ce dès la fin du chantier. Il est possible d’utiliser des conservateurs pour les fourrages à acidification lente ou lors de mauvaises conditions de récolte.

Pour les enrubannages, rechercher une teneur en matière sèche d’au moins 50%. Veiller à avoir des balles régulières et un film plastique performant. Les balles doivent être stockées sur une surface plane et dans une zone stabilisée. Enfin, protéger les balles des rongeurs, mammifères, oiseaux.

Le deuxième levier est de maintenir la qualité des fourrages jusqu’à leur distribution. Pour cela, égaliser le front d’attaque et veiller à un avancement régulier. Trier et éliminer les parties mal conservées. Pour une distribution à l’auge, garder une table d’alimentation nette et éliminer les refus. Pour une distribution en libre-service, envisager d’équiper le silo d’un système anti-gaspillage, racler les accès au silo et l’aire d’exercice quotidiennement.

Le troisième levier est de maintenir des animaux propres. Pour cela, une bonne ventilation du bâtiment permet une répartition homogène des vaches. Pailler et racler les aires d’exercice quotidiennement. Tondre les poils de la queue et les mamelles.

L’hygiène de traite est primordiale. Un bon éclairage en salle de traite permet de pouvoir évaluer la propreté des trayons. Les trayons doivent être propres et secs. S’assurer d’une bonne ambiance de traite, ainsi que du bon réglage de la machine à traire afin d’éviter les chutes de faisceau trayeur. Enfin, maintenir les quais et les griffes propres au cours de la traite.

Le dernier levier est la gestion des fumiers et lisiers. Pour limiter la contamination de la récolte suivante et l’ingestion des spores butyriques par les vaches au pâturage, éviter d’épandre au printemps sur les parcelles d’herbe à ensiler/enrubanner et/ou à pâturer.

Un impact économique marqué

Toutes ces préconisations demandent de la rigueur lors de la réalisation des différents travaux, mais ont un effet direct sur les résultats économiques de l’exploitation. Les pénalités engendrées suite à la détection de spores butyriques dans le lait peuvent aller de 3€ à 21€/1000 litres. Certaines laiteries accordent une prime qualité ou fromageabilité supplémentaire sous conditions de bonne qualité. Cette prime est donc supprimée en cas de présence de butyriques, ce qui s’ajoutent aux pénalités classiques.

Lors de l’hiver 2023-2024, un bilan qualité du lait a été réalisé chez 494 adhérents de Cantal Conseil Elevage. Du mois d’avril 2023 au mois de janvier 2024, la proportion d’élevages impactés par les butyriques n’a cessé d’augmenter. L’incidence économique totale s’élève à 179442 € sur 10 mois.

 

EARL Blanchefleur – Christophe Blanchefleur – Anglars de Salers (15)

« Trois jours de récolte qui ont eu de grosses conséquences sur les 9 mois de distribution »

Christophe élève seul 60 vaches Montbéliardes sur 67 ha de prairies permanentes à 600m d’altitude. Il produit 450 000 litres de lait en AOP Cantal. Pendant l’hiver en bâtiment, la ration distribuée aux laitières est composée d’enrubannage et de regain produits sur la ferme ainsi que de foin de luzerne et de maïs épi achetés. La complémentation est réalisée avec un mélange d’orge – maïs – pulpe et un mélange de tourteaux soja-colza.

Pour quelles raisons avez-vous été embêté avec les butyriques cette année ?

La principale raison est la récolte de l’enrubannage en mai 2023 réalisée dans de mauvaises conditions. Les parcelles enrubannées sont des parcelles assez humides, les travaux de fauche et de récolte se sont déroulés dans de mauvaises conditions, et 2 mm de pluie se sont ajoutés à ces conditions. Nous avons donc récolté 580 balles d’un enrubannage trop humide. Il a été distribué de juillet 2023 à mars 2024.

Qu’avez-vous mis en place pour améliorer les résultats cet hiver ?

J’ai échangé rapidement avec mon conseiller afin de trouver des solutions efficaces pour limiter la contamintaion du lait par les butyriques. Nous avons principalement mis en place des leviers afin que les vaches soient le plus propres possible. J’ai tondu les mamelles à la flamme froide, au total trois fois dans l’hiver. Lors de la traite, j’ai utilisé les lavettes individuelles puis essuyage papier afin de bien sécher les trayons. Malgré ces recommandations, nous avons réussi à rester en note B jusqu’au mois de novembre puis nous avons été en D jusqu’au mois de mars.

Quel est pour vous le bilan de cet hiver ?

Malgré une bonne production de lait par vache et des taux plus hauts que la moyenne, le bilan économique est lourd. Les pénalités butyriques ont été de -3€ à -21€/1000 litres. Nous avons également perdu la prime fromageabilité que nous verse la laiterie (qui peut s’élever à 15€/1000 litres), ainsi que la prime AOP Cantal de 40€/1000 litres, pour les mois en C et D. Au final nous avons perdu 17 000€ sur 9 mois.

Afin de ne pas réitérer l’expérience, malgré les conditions compliquées cette année, nous attendrons de meilleures conditions pour ramasser l'enrubannage. Nous préférons sacrifier un peu la valeur alimentaire du fourrage final afin de s’assurer une meilleure qualité du lait. Enfin, nous essaierons également d’étaler les travaux de récolte, afin de ne pas récolter en une seule fois un fourrage de mauvaise qualité comme l’année dernière.

 

Elisabeth Bonnal, Cantal conseil élevage

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