Antibiorésistance : un enjeu majeur et mondial de santé publique

Antibiorésistance : une préoccupation à bien comprendre pour mieux l’intégrer au quotidien. Petit tour d'hirizon de cette problématique et de ses enjeux :

 

Qu’est que l’antibiorésistance ?

Les antibiotiques sont nécessaires pour maitriser la plupart des infections bactériennes. Ce sont des substances capables de détruire les bactéries ou capables d’arrêter leur multiplication. L’administration d’un antibiotique a pour effet d’éliminer les bactéries dites « sensibles ».  Mais il se peut qu’au sein de la population bactérienne, une faible proportion de pathogènes ne soit pas affectée : on parle alors de bactéries résistantes. L’apparition de résistances se fait par des mécanismes génétiques : soit par des mutations à l’intérieur d’une bactérie, soit par l’acquisition de gènes de résistance par l’échange de matériel génétique entre deux bactéries (plasmides).

Ces bactéries résistantes n’étant pas détruites par l’antibiotique se retrouvent sélectionnées. Leur proportion augmente et l’effet de l’antibiotique s’amoindrit. C’est le phénomène d’antibiotésistance.

Un enjeu économique pour les élevages

L’acquisition d’une résistance à un antibiotique entraîne parfois la résistance à un ou plusieurs autres antibiotiques. Il y a alors un risque d’avoir des bactéries multirésistantes contres lesquelles aucun antibiotique n’est efficace. Par exemple, 99% des E. coli bovines résistantes au Ceftiofur le sont également aux tétracyclines (sources : Anses).

L’efficacité des traitements antibiotiques est ainsi compromise, avec le risque de ne pas pouvoir guérir certaines infections bactériennes. L’enjeu est donc économique. Toutes les maladies infectieuses ne sont pas concernées de la même façon. Ainsi, on observe peu d’antibiorésistance sur les bactéries de la mamelle. Ce constat n’est en revanche pas valable pour les bactéries responsables des infections chez les veaux, où le risque d’inefficacité des antibiotiques est important.

Un enjeu majeur et mondial de santé publique

Les bactéries pathogènes étant en grande partie communes à l'homme et à l'animal, les mêmes familles d'antibiotiques sont utilisées en médecine vétérinaire et humaine. Cette émergence de bactéries résistantes est donc un enjeu majeur et mondial de santé publique. Les maladies infectieuses pourraient devenir de plus en plus difficiles à guérir. Et d’après le  Ministère de l’agriculture, le nombre de décès lié à des cas de résistance microbienne pourrait être multiplié par 12 d’ici 2050. Les éleveurs sont les plus exposés, car le risque de transmission est direct, par le contact avec les animaux.

La menace est également médiatique, le consommateur étant de plus en plus sensible aux pratiques d’élevage. Une communication sur des cas graves d’antibiorésistance humaine ayant pour origine les animaux d’élevage nuirait très fortement aux filières d’élevage.

Raisonner les prescriptions

Il est devenu indispensable pour tous les acteurs du monde médical de considérer le phénomène. D’autant que l’on ne peut compter sur de nouveaux antibiotiques, les perspectives de découvertes dans le domaine étant quasiment nulles. La médecine vétérinaire se trouve ainsi en première ligne et l’objectif général est de raisonner la consommation et les types d’antibiotiques utilisés. Cela passe par la sensibilisation des acteurs, la promotion des bonnes pratiques et le développement des alternatives à l’utilisation des antibiotiques : utilisation d’obturateurs dans le cadre d’un traitement sélectif au tarissement par exemple (voir p…).

Le plan écoantibio

C’est dans ce contexte qu’à vu le jour en 2012 le plan écoantibio avec deux objectifs. Le premier est quantitatif, avec l’objectif de moins 25% d’utilisation des antibiotiques en élevage en 5ans. Le second est qualitatif et vise à diminuer l’utilisation des antibiotiques d’importance critique, c’est-à-dire ceux utilisés en dernier recours chez l’homme. Les premiers résultats sont convaincants avec un recul de 20% pour l’exposition des animaux aux antibiotiques sur 2012-2015 (Synthèse écoantibio 2016). L’utilisation des fluoroquinolones et des céphalosporines de dernières générations, de familles critiques, a respectivement reculé de 22% et 21% sur 2014-2015. Ces résultats sont à nuancer selon les filières animales.

L’antibiorésistance est donc l’affaire de tous et s’affiche comme l’un des grands enjeux de demain pour l’élevage.

Frédéric PERRIN - Eleveurs de Savoie

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