Acides gras et acétonémie : indicateurs de la santé de mon troupeau

L’étude de la qualité de la matière grasse dans le lait a un réel intérêt pour la santé humaine mais est également en amont un excellent « traceur » de l’état de santé des vaches. Le type de matière grasse produite est le reflet du régime alimentaire, mais aussi des éventuels problèmes métaboliques ou physiologiques d’un troupeau.

 

 

Les acides gras, critères innovants

Avec l’évolution toujours plus technique des troupeaux laitiers, nous avons travaillé sur le développement de nouveaux critères ; les matières grasses, et plus particulièrement les acides gras. Depuis 2014, une étude régionale de ces acides gras du lait a permis de baliser, et de déterminer des seuils caractérisant la bonne santé de l’animal, ou bien des problèmes métaboliques.

Les matières grasses sont peu présentes dans les rations, mais ce sont pourtant des éléments essentiels pour le fonctionnement métabolique de l’animal. Nous avons donc extrait trois principaux acides gras du lait nous permettant de tracer le fonctionnement du rumen, le déficit énergétique et la santé animale.

 

Acides gras et santé animale

Les acides gras polyinsaturés (AGPI) sont constitués essentiellement de C18 :2 et C18 :3 appelés aussi Oméga 3. Ils traduisent le régime alimentaire en prenant en compte la proportion, la qualité et la diversité des aliments de la ration. Présents en petite quantité dans le lait, ils ont un impact favorable sur la reproduction mais aussi sur les défenses immunitaires et la qualité nutritionnelle du lait. La présence de ces acides gras en quantité raisonnable reflète donc la santé de l’animal.

Il a été déterminé que la quantité d’AGPI, pour traduire une bonne santé animale, doit être comprise entre 1.5 g/l à 1.8 g/l en ration hivernale et de 2 g/l à 2.5 g/l à la pâture, avec une herbe verte qui contient plus de C18:3.

 

Acides gras et fonctionnement du rumen

L’acide gras analysé est l’acide palmitique C16:0. C’est un acide gras saturé traceur indirect du bon fonctionnement du rumen. La valeur de cet indicateur est essentiellement influencée par la digestion de la fibre (NDF non digestible, NDF total et NDF fourrages). La variation de cet indicateur peut être corrélée avec un excès d’amidon ou des niveaux des matières azotées faibles.

La teneur en acide palmitique est proportionnelle à la production et au stade de lactation.

Les plages de confort optimum en période hivernale sont comprises entre 10 g/l à 13g/l. En saison de pâture, avec un fourrage qui transite plus rapidement, le seuil est compris entre 8.5 g/l et 11.5 g/l.

 

Acides gras et déficit énergétique

Le dernier indicateur observé est le C18 :1, aussi appelé acide oléique. Cet acide gras mono insaturé est, lui, le traceur d’un déficit énergétique. Il est mobilisé par les réserves corporelles de l’animal lorsque ses apports manquent d’énergie. Dans des troupeaux où l’on pratique des vêlages groupés, une quantité importante de C18:1 peut amener à réflexion sur les pratiques alimentaires autour du vêlage ; transition alimentaire entre le tarissement et le vêlage, préparation vêlage ou encore densités énergétiques non adaptées au début de lactation.

Les plages de confort sont comprises entre 6.5 g/l à 8.5 g/l en hiver et de 7.5 g/l à 9.5 g/l en saison printanière.

De manière générale, les quantités de C18:1 et C16:0 ne sont pas proportionnelles. On peut donc plus facilement différencier un problème métabolique lié à la composition nutritionnelle de la ration, d’un problème lié à la structure physique ou chimique de la ration.

Au contraire, l’excès d’acide oléique C18:1 est facilement comparable et complémentaire aux indicateurs d’acétonémie dans un troupeau.

Les acides gras sont analysés à chaque prélèvement interpro. La valorisation des données est disponible sur la version Mil’klic du conseiller, pour apporter au mieux les réponses à l’éleveur.

Un historique est disponible sous forme de graphique ou de tableau, pour constater les évolutions au fil des transitions alimentaires.

La présence des acides gras dans le lait apporte une analyse fine de la nutrition, amenant un nouvel outil de pilotage pour la conduite du troupeau.

Aujourd’hui nous avons donc des outils à notre disposition, pour permettre de détecter des problèmes métaboliques impactant à la fois la santé de nos élevages et la santé humaine, tout en englobant des problématiques techniques et économiques.

 

Acétonémie : les corps cétoniques aident à la décrypter

Maladie métabolique peu connue et difficile à déceler, l’acétonémie touche beaucoup d’élevages. Des outils sont en place pour permettre de détecter une vache potentiellement malade.

Qu’est-ce que l’acétonémie ?

Souvent confondue avec l’acidose, l’acétonémie est en fait tout son contraire. C’est un déficit énergétique qui entraîne la mobilisation des réserves de l’animal, et provoque plusieurs dysfonctionnements.

D’où vient l’acétonémie ?

La forme la plus courante d’acétonémie intervient après le vêlage. Il peut y avoir plusieurs éléments déclencheurs ;

Tout d’abord l’état corporel de la vache lors du vêlage. Plus une vache est grasse au vêlage, plus elle augmente les risques d’acétonémie. Il faut donc veiller à tarir de vaches avec une note d’état autour de trois, sans les faire graisser durant la période sèche.

Puis la préparation de l’animal au vêlage et au démarrage de sa lactation. Un animal bien préparé aura toutes les clés pour entamer une lactation correctement. La transition alimentaire est primordiale !

Viennent ensuite les problèmes liés à la ration en début de lactation. La densité énergétique de la ration est importante en début de lactation : la courbe de besoins en énergie d’une vache fraîche vêlée est symétrique à la courbe de sa capacité d’ingestion. Pour les élevages conduits en ration complète, il faut trouver un compromis entre les forts besoins énergétiques des vaches fraîches, et les besoins beaucoup plus faibles des vaches proches du tarissement.

La concurrence à l’auge est un frein à la bonne ingestion de la ration. Dans les élevages surchargés, les primipares et les vaches plus faibles sont plus sensibles à l’acétonémie

Et le dernier facteur pouvant déclarer l’acétonémie est la qualité des fourrages. Des fourrages de qualité médiocre, au niveau de l’appétence, de la composition chimique ou encore présentant des mycotoxines entraînent une moins bonne ingestion.

Quels impacts sur mes animaux ?

La mobilisation des réserves de l’animal entraîne la sécrétion de corps cétoniques, nocifs pour le métabolisme.

Plusieurs signes peuvent interpeler lorsqu’un troupeau ou un animal est en acétonémie.

Le déficit énergétique entraîne un amaigrissement important et rapide. L’animal est plus faible, fait moins de lait, et est en proie à plusieurs problèmes. On observe sur des troupeaux touchés par l’acétonémie plus de mammites, des comptages cellulaires plus élevés, plus de boiteries, mais aussi des difficultés en matière de reproduction, des métrites plus fréquentes et des intervalles plus longs.

Economiquement parlant, il est difficile de quantifier les pertes induites par le lait produit en moins et sa qualité dégradée, ainsi que par les différents moyens employés pour pallier aux problèmes sanitaires engendrés.

Comment déceler l’acétonémie ?

On peut se fier à plusieurs indicateurs pour surveiller l’évolution de l’acétonémie au sein du troupeau ou sur un animal.

Individuellement, l’indicateur le plus fiable est le rapport TB/TP, pouvant traduire un déficit énergétique au-delà de 1,5. Une vache en déficit énergétique, ayant tendance à mobiliser ses réserves verra son TP chuter, et son TB augmenter.

 

A l’échelle du troupeau, les indicateurs sont les suivants :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur cet exemple, le déficit énergétique est flagrant. La quantité de C18:1 et l’acétonémie sont en corrélation.

Les vaches en début de lactation, 0-100 jours, présentent un TP faible, et un TB supérieur de douze points.

Sur cet élevage, le problème est récurrent (résultats n-1), et fréquent, puisque le pourcentage d’animaux concernés est deux fois supérieur aux résultats attendus.

 

Louka JOUASSARD, Loire Conseil Elevage

 

 

« GAEC de la Vialle, Saint Genès Champanelle (63)

En système herbe les voyants acides gras sont aux vert

Vincent, Gilles et Odile CHIRENT, conduisent un troupeau de 105 vaches de race Prim ’Holstein nourries exclusivement à base d’herbe. Sur la campagne 2017/2018 la production s’établit à 9146 kg de lait à 35.5 g/kg de TB et 30.6 g/kg de TP pour une M.S.U de 589 kg.

 

Un système basé sur l’herbe, efficace.

L’hiver, la ration est composée essentiellement d’ensilage d’herbe et de foin complémenté de maïs épi et d’un concentré de production. D’avril à Novembre les vaches pâturent et la traite s’effectue au pré.

Vincent et Gilles sont très rigoureux sur la distribution et la complémentarité  des fourrages La valeur des fourrages est bien sûr déterminante, et permet outre le fait d’assurer des performances de production, de limité le cout alimentaire. Sur la campagne 2017/2018 le cout s’établit à 100 €/1000 litres ;

Sur l’hiver nous trions nos bottes de foin en fonction du type de flore et des dates de récolte. Nous restons très vigilants sur le rythme de distribution des aliments en alternant fourrages digestibles et fibreux.

Durand la période estivale  l’herbe est donnée 2 fois par jour au fil afin que les vaches disposent de « l’herbe fraîche » et un fil arrière est mis pour limiter des zones de surpâturage. Nous sommes très sensibles au stade de l’herbe que nous faisons pâturer. Nous essayons de mettre à disposition de l’herbe en veillant à obtenir un compromis entre qualité et structure afin de limiter le transit et maintenir des vaches en bonne santé.

 

Les acides gras, des critères nouveaux pour nous conforter dans nos pratiques

Les Acides Gras Polyinsaturés  à 2.1 g/L et l’acide palmitique (C16:0) à 9.3 g/L indiquent une influence positive des conditions d’élevage au Gaec de la Vialle pour cette période de  juin 2018. L’acide oléique (C18:1)témoigne quant à lui de la maitrise du déficit énergétique en complément du Taux protéique. La zone verte matérialisée dans l’exemple ci-dessus correspond à un objectif de confort zootechnique qu’il convient de confirmer par l’observation des animaux et par une analyse du rationnement. Il est préférable aussi qu’en dehors des périodes de transition ces critères soient stables dans le temps pour renforcer l’analyse de bonne santé du troupeau.

 

Catherine COUGOUL, Puy-de-Dôme Conseil Elevage

 

 

Tags: