Le réchauffement climatique pointe la nécessité d’anticiper les changements pour sécuriser la disponibilité des fourrages.
La courbe de croissance type d’une prairie affiche aujourd’hui un pic au printemps, un creux d’été, puis un rebond en automne. Cependant l’expérience des dernières années nous montre à quel point les modèles sont de plus en plus malmenés. Les derniers travaux nous démontrent d’ailleurs un probable déplacement du pic de production plus précocement, une augmentation de la pousse durant les hivers doux, et un allongement du déficit estival.
Source:Idele
Si l’on peut espérer des rendements annuels proches, l’enjeu le plus crucial sera d’être capable de valoriser les prairies au moment opportun. La portance des sols pourrait être un frein dans certaines régions. Le pâturage d’automne et d’hiver de prairies, de céréales ou de couvert sera certainement une des pistes à exploiter.
Lâcher tôt et progressivement
Pour se faire, certains fondamentaux devront être réaffirmés. La mise à l’herbe pourra intervenir dès que la portance est bonne. Sur la première semaine, il faudra prévoir des temps limités de présence au pâturage. Une heure à la pâture permet aux animaux d’ingérer 2kg de MS. Le nombre de rations à l’auge sera géré en fonction du temps de pâturage.
Un déprimage efficace permettra d’obtenir une herbe de qualité sur une longue période et facilitera la gestion des semaines à venir.
Gérer la phase de décroissance
Elle est très dépendante de la pluviométrie. Deux principes de pâturage permettent d’optimiser la gestion de la pousse de l’herbe à cette époque de l’année :
- L’allongement des temps de repos : avec une croissance plus réduite, il faut en effet plus de temps à la prairie pour atteindre le même volume d’herbe. On visera un temps de repos de l’ordre de 30 jours. La réintroduction des parcelles de fauche dans les surfaces disponibles au pâturage permet d’atteindre cet objectif.
- Une hauteur de sortie plus élevée : 6-7 cm au lieu des 5-6 cm recommandés au printemps permet de favoriser une reprise de végétation plus rapide et puise moins sur les réserves des graminées.
Anticiper le creux d’été
Gérer cette période de soudure est primordiale. Il ne faut surtout pas sur-solliciter les prairies en attendant un retour de pousse. Dès que le Stock d’Herbe Disponible diminue, la distribution à volonté des fourrages permettra de limiter le déficit énergétique des animaux.
Aller chercher les repousses d’automne
La reprise de croissance est variable d’une année à l’autre mais est toujours intéressante à aller chercher. Contrairement aux idées reçues, la valeur alimentaire de l’herbe est bonne. A cette époque de l’année, la sénescence est lente et le risque de se faire dépasser est faible. Le seul frein à ces pratiques peut être la portance des sols. La valorisation des dérobées par le pâturage permet aussi d’augmenter l’autonomie fourragère tout en réduisant les coûts. En fin de saison de pâturage on essaiera de laisser une hauteur de 5 cm d’herbe, suffisamment rase pour laisser la parcelle propre. Un apport de lisier ou de fumier après pâture, dans des conditions encore poussantes est idéal pour un redémarrage précoce de la prairie au printemps.
GAEC DES THUYAS – Saint Juste près Brioude (43)
Pouvez-vous nous décrire vos pratiques de pâturage ?
Nous réalisons une mise à l’herbe précoce, autour du 20 février, soit 1 mois plus tôt qu’auparavant. Les vaches disposent d’un paddock par jour de 80 ares. La fermeture des silos intervient dès la fin mars et les vaches sont alors complémentées par du foin et de l’enrubannage. Dès la diminution de la pousse en juin, les silos sont réouverts. Sur la période estivale, les vaches pâturent la nuit et peuvent parfois aller sur des couverts. Sinon elles ne ressortent vraiment qu’au mois de septembre.
Quels sont vos objectifs de valorisation de l’herbe ?
Pour nous, une vache est faite pour pâturer. Nous recherchons donc un système valorisant la qualité de l’herbe tout en préservant une certaine qualité de travail. La fermeture des silos est pour nous une nécessité pour préserver notre bilan fourrager.
A quelles problématiques êtes-vous aujourd’hui le plus souvent confrontés dans la gestion de l’herbe ?
Nos terrains orientés à l’Est ont une très bonne précocité. En revanche ils souffrent très rapidement de la sécheresse dès la fin du printemps. L’épiaison est aussi difficile à gérer et nous demande de s’adapter. Avec des reliefs, des densités et des flores diversifiées il n’est pas toujours facile de gérer la sortie des animaux, d’autant plus lorsque l’on réalise 6 à 7 passages par paddock.
Qu’avez-vous mis en place pour vous adaptez à ces croissances de l’herbe atypique ?
Nous réalisons maintenant une mise à l’herbe précoce pour valoriser de l’herbe dès que possible. La fermeture des silos est également une adaptation afin de décaler la période de distribution sur le creux estival. Nous n’hésitons plus à réaliser un broyage ou un topping sur les parcelles qui le nécessite afin de maximiser les valeurs de l’herbe sur l’ensemble de la saison. L’été, les vaches pâturent des couverts, type avoine-colza afin de faire le joint jusqu'à l’automne.
Quel bilan en tirez-vous ?
Le bilan est positif, la valorisation de l’herbe sur les parcelles a été améliorée en quantité et qualité. La qualité des prairies s’est bonifiée et au final le besoin de stocks fourragers est moins important tout en contenant des coûts de rations faibles durant toute la phase de pâture.
Les éleveurs se sont formés sur la gestion des ressources fourragères pour atteindre ces résultats et tiennent à remercier Cyril BONNEFOI pour son appui technique et les conseils apportés lors du changement de système de pâturage.
Antoine Bouchet, Haute-Loire Conseil Elevage