Produire du lait et gagner de l’argent avec le pâturage

Dans le cadre des services de conseils autour de la gestion du pâturage, de nombreuses données sont collectées.  Ces informations permettent de  réaliser des bilans pour évaluer les taux de valorisation de l’herbe pâturée. Cette année, le travail d’analyse des données permet également d’évaluer l’impact de la mise en place du pâturage tournant dynamique dans quatre élevages, suite aux formations organisées par ACSEL Conseil Elevage.

Durant la saison de pâturage, les éleveurs enregistrent sur un support papier simple et visuel, la parcelle pâturée, la ration distribuée et le nombre de vaches traites. A partir du lait livré à la laiterie et du lait donné aux veaux, nous pouvons calculer ce qui a été produit à la pâture sur la base des besoins en énergie (UFL) des laitières.

Cet article décrit les résultats principaux des 11 bilans réalisés.

 

Des exploitations différentes dans leur taille et mode de gestion de l’herbe.

 

Les élevages qui ont réalisé les enregistrements se situent en Bresse, Dombes et en montagne. Ils sont représentatifs des élevages de ces zones.

Les exploitations ont entre 50 et 110 vaches à la traite sur la période qui va de mi-mars à fin octobre (maxi 24 novembre). La production par vache est comprise entre 20 et 28,6 Kg par jour. La surface pâturée varie de 6,5 à 35,5 ha et le chargement de 9 à 47 ares / vache par cycle

Cinq élevages  ont mis en place le Pâturage Tournant Dynamique (PTD) (1 nouvelle parcelle tous les jours)  et six élevages gèrent du pâturage tournant avec 10 parcelles de moyenne, pâturées 2 ou 3 jours de suite.

 

 

Les résultats techniques reflètent le mode de gestion des prairies

 

La gestion du pâturage est un élément principal qui explique les différences de performance. Les meilleurs résultats sont obtenus en évitant le surpâturage et en respectant les temps de repos entre chaque cycle. Il faut également que les vaches consomment l’herbe offerte. Il faut donc qu’elles aient faim lors de la mise au pré.

 Le rendement obtenu par hectare de pâturage est exprimé en kg de Matière Sèche (MS). Il représente uniquement l’herbe transformée par les vaches en kilos de lait. Les fauches réalisées ou la pâture par d’autres catégories d’animaux (taries, génisses) seraient à additionner à ces résultats pour avoir le rendement total des parcelles. Trois exploitations ont obtenu plus de 5 tonnes de matière sèche par hectare et 2 plus de 6 tonnes. Ce sont de bons résultats compte tenu des conditions météo de 2017 : une petite période de froid fin avril, une sécheresse estivale et un automne plus ou moins sec selon les zones (bonnes repousses en Bresse et montagne mais peu en Dombes).

 

Les résultats sont également exprimés en litres de lait produits par hectare de pâture. Cinq exploitations ont réussi à produire plus de 10 000 litres de lait par ha de pâture. Les résultats varient de 3400 à près de 14000 litres.

Le surpâturage est une cause importante de sous production des prairies. La plante a besoin de garder une feuille fonctionnelle pour  réaliser de la photosynthèse et donc redémarrer sa croissance. Une plante qui vient d’être coupée va puiser dans ces réserves pour réaliser une nouvelle feuille. Elle va ensuite en former une deuxième puis va refaire des réserves durant la formation de la troisième feuille. Les vaches pâturant trop raz entrainent un épuisement des plantes et une baisse de la productivité. Le temps de repos entre chaque passage du troupeau influe également la croissance. Un temps de repos de 20 jours est nécessaire en période favorable (printemps) et une quarantaine de jours en période défavorable (été). L’objectif est que les vaches puissent ingérer le maximum d’herbe en un minimum de temps. Ceci est se confirme encore plus lorsque la portance est limitée.

 

 

Et impactent les résultats économiques

L’enregistrement des données permet de calculer la part de lait produite avec les fourrages et les concentrés distribués à l’auge. Ensuite le lait valorisé par l’herbe pâturée est déduit, en se basant  sur les besoins en énergie (UFL) pour  produire le lait.

Sur le graphique ci-contre, se  retrouvent la part de chaque aliment dans la ration. La part de lait produit par la pâture représente entre 12 et 60 % sur l’ensemble de la saison. Ceci est principalement lié au chargement disponible par vache mais également à la gestion de l’herbe. Les élevages qui ont une petite surface disponible pour pâturer ne peuvent avoir une forte production de lait avec l’herbe. Le coût d’exploitation de la pâture est  moins cher que celui des fourrages conservés (42 €/T MS pour la pâture et 104€ /T MS pour l’ensilage de maïs) et bien sûr que le celui des concentrés achetés. Avec envie et technicité, de nombreuses économies sont possibles grâce à une bonne gestion du pâturage. Un parcellaire adapté est un plus.

 

 

 

Comparaison des résultats économiques des élevages 2 et 3

Les éleveurs 2 et 3 ont un nombre de vaches et un niveau de production similaires. (110 vaches à 7700 kg pour l’élevage 2 et 102 vaches à 8200 kg pour l’élevage 3). Les chargements sont comparables (27 et 29 ares par vache). L’élevage 2 est en pâturage tournant dynamique et l’élevage 3 en pâturage tournant (avec des parcelles pour 3 à 5 jours).

La différence de gestion du pâturage explique les différences de performances de production de lait produit par l’herbe.  L’exploitation 3 a eu tendance à accélérer les cycles de pâturage avec un temps de repos entre cycle beaucoup plus faible. Cela a engendré du surpâturage et un épuisement des plantes. La conséquence est un rendement divisé par  deux en lait produit et en rendement de kg de matière sèche  par hectare d’herbe pâturée.

Les calculs de coût alimentaire total de ces 2 élevages montrent une différence entre eux  de 20€ /1000L de marge alimentaire sur la période de pâturage. Sur les 500 000 litres de lait livrés, l’élevage 3 a un manque à gagner de 10 000€.

La technique du pâturage tournant dynamique, grâce à une nouvelle parcelle tous les jours, est une aide à la gestion au quotidien du pâturage. Néanmoins, la base fondamentale d’une bonne gestion des pâtures est de respecter un temps de repos suffisant entre deux cycles de pâture et ainsi de supprimer le surpâturage.

Les conseillers ACSEL sont formés à ces pratiques et peuvent accompagner l’évolution du pâturage de vos exploitations, de 20 à 220 vaches.

 

 

 

 

Témoignage de Loïc Caron, Gaec de la Combe du Val: « mesurer pour mieux gérer son herbe »

« Nous avons bénéficié du passage régulier de Vanessa notre conseillère, pour discuter avec elle de la situation à l’instant T et évoquer la stratégie à adopter en fonction de l’herbe disponible. Cela nous a fourni une autre approche de la gestion du pâturage.

Lors de la mise à l’herbe, les vaches sont complémentées en foin (environ 5 kg). Les vaches sortent sur 12 parcelles nuit et jour avec des parcelles de jour (8) et des parcelles de nuit (4) sur un total de 25 ha. L’herbe est rationnée au fil avant. Début juillet, des parcelles  destinées à la fauche ont été mises à pâturer à cause des conditions climatiques trop sèches.

Quelques parcelles de pâture ont été fauchées après le 2ème passage car l’herbe était trop haute (>15 cm à l’herbomètre) et allait être gaspillée. Après le 3ème passage, les refus sont broyés si nécessaire, mais la bonne gestion de l’herbe cette année a quasiment mis au chômage technique le broyeur !

Conduisant nos surfaces en agriculture biologique, l’apport de fumure est uniquement organique et se résume à 40mᶟ/ha de lisier sur tous les prés. Un engrais de fond (0.12.18) est apporté tous les deux ans à raison de 300kg/ha.

Nous sommes très contents du rendement de nos prairies temporaires, qui poussent plus rapidement que les permanentes. Pour l’instant, nous en avons seulement 8ha sur les 25ha accessibles aux laitières. »

 

Article rédigé par Rémi Berthet, Vincent Mamet et Anne Blondel _ ACSEL Conseil Elevage _ mars 2018

 

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