La conduite des lactations longues doit être maitrisée mais non subite. Initialement cette technique était essentiellement utilisée pour pallier des échecs de reproduction. Aujourd’hui les objectifs ont évolué.
Les motivations premières des lactations longues
Dans un but économique car cela induit une production de lait toute l’année, pour les laitiers un prix du lait mieux rémunéré en hiver et pour les fromagers une vente de fromage constante sans les contraintes du désaisonnement. Cela permet également de conserver des chèvres à haut potentiel qui ont des problèmes de reproduction.
Pour l’organisation du travail car il y a beaucoup moins de mises bas et donc moins de cabris. De plus, pour les fromagers cela engendre un écrêtement du pic de lait et donc une meilleure répartition du lait à transformer.
D’un point de vue sanitaire, les risques liés à la mise bas sont réduits ainsi que les maladies liées à une surpopulation de chevreaux. On se concentre uniquement sur les animaux destinés au renouvellement.
Les conditions de réussite
Le choix des chèvres est primordial. La sélection sera principalement basée sur la productivité et le statut cellulaire. Plus une chèvre est productive, meilleure en sera sa persistance. La quantité de lait doit se situer autour de 2,5 kg à 210 jours de lactation. La mise en lot unique des chèvres en lactations longues permet d’adapter la ration à leur production, le but étant de les maintenir en lactation le plus longtemps possible. Il faudra être vigilant sur le taux de renouvellement (25 %) pour ne pas faire vieillir le troupeau, et le pourcentage des lactations longues ne doit pas dépasser 30 % du troupeau pour éviter toutes dérives.
Enfin, le potentiel génétique du troupeau doit être préservé. Pour cela, il faut privilégier à l’insémination les trois premières lactations. Les chèvres plus âgées ayant une bonne persistance laitière ou peu intéressantes génétiquement pourront être des candidates à la lactation longue.
Les limites de cette technique
Il est important de ne pas conserver des chèvres en lactations longues peu productives, chaque élevage doit définir son seuil de rentabilité. De plus, la vigilance doit être de mise sur la surcharge du bâtiment et le taux de réforme. La qualité cellulaire du lait pourrait être dégradée si au départ le choix des chèvres n’est pas porté sur le statut cellulaire. Un lot unique pour ces chèvres peut présenter une perte de temps pour la traite et demandera une ration spécifique, il faut limiter les apports énergétiques et supplémenter en protéine les plus productives.
Séverine Fontagnères, Rhône conseil élevage
« GAEC des Alpines du Lac, Montromant (69)
« Cette année on se lance dans la conduite en lactation longue »
Fromager, 90 chèvres Alpine dont 30 lactations longues, 20 chevrettes de renouvellement et 3 boucs.
Pourquoi avez-vous fais le choix de faire des lactations longues ?
On voulait avoir du fromage à vendre pendant l’hiver surtout pour les fêtes de fin d’année sans désaisonner notre troupeau. Au printemps, on écrête notre pic du lait ce qui est plus gérable pour les pointes de travail et évite un arrêt de fromagerie pour maintenir une bonne flore. Les lactations longues permettent d’avoir moins de mises bas et donc moins de chevreaux à gérer.
Comment s’organise votre conduite en lactation longue ?
Des lactations longues oui, mais pas par défaut de reproduction ! On a choisi des chèvres juste avant la période de reproduction qui avaient encore pas mal de lait mais sans intérêt génétique, ni véritable problème de cellules. Ces chèvres sont conduites en lot unique, l’objectif étant d’éviter l’engraissement et de les maintenir au-moins à 2 litres de lait de moyenne toute l’année.
Quelles sont les incidences de cette pratique ?
En moyenne ces chèvres ont plus de taux et peuvent gagner environ 1 litre de lait au printemps lors de la sortie à la pâture. D’un point de vue économique, elles permettent une rentrée d’argent toute l’année, le but n’étant pas de faire plus de lait. Pour l’organisation du travail, il faut traire et transformer toute l’année mais avec quand même un temps réduit l’hiver.
Propos recueillis par Séverine Fontagnères, Rhône conseil élevage