Comment bien anticiper la lactation à venir ?
La lactation future est directement conditionnée par le bon déroulement de la période sèche et de la mise bas. Il convient donc d’être particulièrement vigilant et rigoureux durant ces phases même si les animaux sont encore improductifs.
Des besoins d’entretien plus important pendant la période sèche
Les besoins de production sont inexistants durant cette période mais les besoins d’entretien augmentent dès le début du 4ème mois de gestation. Les besoins en protéines sont encore faibles à ce moment-là, les besoins énergétiques progressent. Au 5ème mois, on commencera (si ce n’est pas déjà fait) à introduire les différents aliments qui seront utilisé pendant la lactation (période de transition alimentaire) et à augmenter les apports de protéines pour assurer un bon démarrage de lactation. Les besoins sont encore plus importants chez la nullipare qui a aussi des besoins de croissance.
Dans le même temps la capacité d’ingestion de la chèvre ne cesse de baisser jusqu’à la mise bas, les fœtus prenant de plus en plus de place en comprimant la panse. Il est important de distribuer des fourrages grossiers et appétants avec d’excellentes valeurs alimentaires, afin de maintenir la capacité d’ingestion la plus élevée possible et de couvrir les besoins.
L’objectif est de distribuer à la mise-bas 60% de la quantité des concentrés prévus au pic de lactation.
Il faudra viser une couverture azotée d’au moins 120 % des besoins en début de lactation. Quant aux besoins énergétiques, une partie sera couverte par la mobilisation des réserves corporelles.
La préparation ne se limite pas au rationnement
Nous venons de voir que les besoins supplémentaires sont nombreux à cette période, il est donc indispensable de respecter un tarissement de 60j. Un tarissement plus court expose inéluctablement à des problèmes futurs : mauvaise qualité de colostrum, poids de chevreaux insuffisant, amaigrissement, affaiblissement, production en baisse, etc…. Deux mois c’est aussi le délai nécessaire à l’assainissement de la mamelle et à la régénération de ses tissus.
Il faut profiter du tarissement pour déparasiter ses animaux via une molécule différente de celle utilisé en lactation (attention cependant aux anthelminthiques embryotoxique). Des aides au fonctionnement digestif (hépato protecteurs, propylènes glycol,…) pourront être envisagés (après déparasitage le cas échéant) dans le cas d’une ration riche en sucre ou si il y a eu une transition alimentaire rapidement effectué. Une cure de minéral enrichie en Sélénium (avec VitE) et en Magnésium est conseillé 15j-3semaines avant le début des mises bas si des cas « de cabris mou », de prolapsus, de mauvaise « poussé » à la MB ou mauvaise délivrance sont connus.
Si la fièvre de lait chez la chèvre est quasi inexistante, il est quand même conseiller de supprimer toutes substance tampon de l’alimentation, de limiter la quantité de calcium absorbable distribué (arret du carbonate de calcium, plafonnement des quantités de luzerne distribué). En cas d’impossibilité, une cure de chlorure de magnésium peut être envisagé sur une courte période avant MB à hauteur de 20g/j.
La litière devra être renouvelée 3 semaines-1 mois avant MB pour être la plus saine possible et ainsi limiter les complications sanitaires (mammites, pb sur cabris, …).
Dans les élevages à forte prolificité ou a conduite à risque (NEC au tarissement >3, alimentation riche au tarissement, ou animaux en amaigrissement), des toxémies de gestation peuvent apparaitre (les cas de cétose étant très rare en caprin) ; une cure de propylène glycol pourra être effectuée. Si la cure est faite en préventif, elle ne doit pas durer dans le temps (de 15j avant mise bas jusqu’à 10j après mise bas). Outre le coût, ce type de produit utilisé trop longtemps peut provoquer de multiples problèmes sanitaires (irritation de la trachée, accoutumance, risque d’engorgement du foie, cécité temporaire par excès de sucre).
Frédéric Pacaud - ACSEL
Une bonne préparation à la mise bas pour un démarrage plus serein
Nicolas SOUBEYRAND et Christelle DORNES – laitier, 170 chèvres alpines et saanen à LAMASTRE (07), mises bas fin août, production 1000 kg/chèvre
Quel est votre plan de préparation alimentaire et minéral en fin de gestation ?
Le troupeau, qui est au pâturage, passe en monotraite début juin. Les échographies au 10 juin permettent de réformer avant le tarissement. Vers le 20 juin, nous baissons la ration de concentrés (800g/j/ch) pour arriver au tarissement fin juin à 200g/j/ch (50g d’une CL à 22% de MAT et 150g de maïs) et foin de PN ventilé. Une fois taries, les chèvres restent en bâtiment pendant 7j. Le 8ème jour, elles retournent à la pâture pour que le stress alimentaire arrête définitivement la production. À la suite d’une copro, elles sont vermifugées si nécessaire. Nous remontons ensuite la ration de concentrés sur 7j pour arriver à 350g de CL, 250g de maïs et 50g de graines de tournesol. En 2020, le troupeau a eu une cure d’hépato-protecteur (20g/j) au tarissement pendant cinq jours (hépato avec méthionine et choline).
Tout au long du 5ème mois de gestation, on leur distribue 15g de vitamines/oligos « spécial tarissement » (P : 8,5% - Ca : 11% - Mg : 6% + vitamines AD3E + complexes Cu, Zn, Mn, Se, I). Les foins de prairies temporaires et luzerne sont intégrés, et la ration augmentée de 100g de concentrés par semaine pour être à 70% de la ration pic à la MB. Deux semaines avant mises bas, nous rajoutons une solution liquide de Sélénium-Vitamine E dans le réseau d’abreuvement. Nous vaccinons aussi contre l’entérotoxémie 15 jours avant MB.
Après la MB (début septembre), les cures sont arrêtées et nous refaisons une cure d’hépato un mois et demi après.
Comment en êtes-vous venus à une telle préparation ?
Notre préparation actuelle découle de notre expérience sur plusieurs campagnes. Auparavant, malgré la cure de vitamines/oligos distribuée au couloir d’alimentation, nous avions eu de la cryptosporidiose sur les chevreaux. Nous pensions que peut-être certaines chèvres ne consommaient pas ces granules. Nous avons donc doublé cette cure par la cure liquide sélénium/ Vit E.
Cette année, nous avons été agréablement surpris par l’ingestion de foin suite à la cure d’hépato. Les chevreaux étaient jolis et les chèvres en état même après mises bas. La lactation a bien démarré et les taux se sont maintenus (résultats premier contrôle par chèvre : 4,2kg de lait, TB/TP 36,2/33,2).
Propos recueillis par Alessio Moro - ADICE
Une complémentation qui se gère tout au long de l’année
Lionel Pascal, GAEC des Alouettes. Eleveur laitier saisonné à St Joseph (42) , 300 chèvres alpines et saanen. Production moyenne à 1200kg/ch
Nous travaillons sur une base de foin séché en grange et d’affouragement en vert une partie de l’année. Pour être au plus près des besoins des chèvres et leur apporter le nécessaire, nous avions effectué une analyse de poil dans les années précédentes. Certains oligo-éléments étaient déficitaires sur nos animaux, nous avons donc mis en place un minéral adapté au troupeau. Ce minéral est un P4-Ca16, le 16 étant suffisant grâce à la luzerne apportée majoritairement tout au long de l’année.
Comment gérez-vous la complémentation minéral de votre troupeau ?
Nos chèvres adultes consomment 15 à 18g de minéraux toute l’année lorsqu’elles sont en lait et nos primipares en consomment 12g. Pendant le tarissement, nous baissons à 8g. Comme notre tarissement est généralement assez court (1 mois, 1 mois et demi) cela ne pose pas de soucis.
Ces quantités peuvent paraître assez limitées, mais nous avons opté pour un minéral basé sur du lithothamne. C’est une algue qui cristallise les minéraux et oligo-éléments présents dans la mer. Elle est également réputée pour être riche en carbonate de calcium, une forme très assimilable de calcium qui a aussi un pouvoir tampon intéressant. Les minéraux et oligo-éléments sont donc mieux assimilés par le troupeau. Ainsi, les chèvres en ingèrent moins, mais une plus grande partie est assimilée. Cette complémentation est plus chère que d’autres produits du commerce (2€/kg), mais elle est très concentrée en oligo-élément et nous en distribuons deux fois moins.
Une cure de Sélénium est aussi effectuée un mois avant les mises-bas sous forme de granulés, à raison de 10g/j/chèvre pendant 9jours sur une ration à base de foin de séchage. Deux hépato- protecteurs sont également prévus chaque année : un au moment des mises- bas et un pendant l’été.
Quelles sont les conséquences que vous pouvez observer grâce à ces complémentations ?
Nos chevreaux sont plus vigoureux et moins sujets aux diarrhées. Nous notons peu de problèmes au moment des mises-bas. Pas de métrite et très peu de problèmes de délivrances, qui sont gérés avec des produits à base de plantes. En général moins de 5 chèvres/300 nécessitent des soins de notre part.
Propos recueillis par Morgane LAMBERT – Loire Conseil Elevage