Le Pâturage Tournant Dynamique : concilier Pâturage efficace et performance animale

Le pâturage tournant dynamique est une technique largement éprouvée en Nouvelle Zélande. Dans ce pays, la culture de l’herbe est omniprésente et le rendement des prairies détermine le potentiel de production des exploitations.

 

 

La base de cette technique est de pouvoir faire pâturer la vache de l’herbe au meilleur stade et en optimisant le potentiel de repousse de la parcelle.

L’objectif est de rendre la production d'herbe de la prairie la plus performante possible. Les plantes expriment le meilleur de leur potentiel agronomique, sur une période la plus longue possible, avec une digestibilité élevée, synonyme de performances animales.

Le principe de base se situe dans la division des parcelles pâturées pour obtenir un temps de présence réduit par parcelle (1 parcelle par jour) et ainsi mieux gérer sa rotation sur la saison de pousse.

 

 

 

Favoriser l’envie de brouter des animaux

Pour la vache laitière, entrer dans un nouveau paddock chaque jour stimule son envie et son instinct de brouter. L’herbe est propre, n’a pas été piétinée et il n’y a pas de bouses fraiches, susceptibles de générer des refus importants.

L’éleveur sécurise son équilibre de ration en limitant les variations d’ingestion à l’herbe, fréquentes lorsqu’il y a peu de paddocks.

La durée de séjour dans une parcelle ne doit pas excéder trois jours. Au-delà, les plantes recommencent leur croissance et créent de nouvelles feuilles, plus tendres et plus appétentes que celles déjà présentes dans la parcelle (surpâturage). Il est très important de prendre en compte ces éléments et d’anticiper la rotation pour mieux la gérer ensuite.

En saison de pâturage, il est capital de déterminer le moment optimum pour entrer dans une parcelle (ni trop d’herbe, ni trop peu) : c’est l’art de la gestion dynamique du pâturage ! L’observation de la végétation est primordiale pour déterminer la vitesse de rotation des paddocks. Le pâturage tournant dynamique s’appuie sur la physiologie des plantes.

 

Trois feuilles ou 12 cm : A vous de choisir

Deux méthodes sont utilisables dans l’observation des prairies.

Une plante possède trois feuilles vertes par talle, quel que soit le stade de végétation. Une feuille adulte devient sénescente, perd en appétence, en digestibilité et laisse place à une nouvelle feuille. Une talle nouvelle se forme toutes les trois feuilles. Ce stade trois feuilles est le meilleur compromis entre valeur nutritive et rendement.

 

 

 

Si le stade 3 feuilles est facilement identifiable dans de jeunes prairies à la flore homogène, il devient ardu de définir un stade global pour une prairie multi espèces, ou dans une prairie naturelle. Ces dernières possèdent une flore variée avec une complémentarité entre espèces. Pour un jour donné, un dactyle ou une fétuque ne seront pas au même stade qu’un ray grass anglais par exemple.

 

 

C’est la raison pour laquelle la hauteur d’herbe peut être également une méthode de suivi du pâturage. L’optimum d’entrée de parcelle correspond à de l’herbe au niveau du bas des mollets.  On parle alors d’une hauteur de 12cm « herbomètre », du nom de l’outil qui évalue la hauteur et la densité de l’herbe.

 

 

 

 

Le temps de repos pour atteindre le stade de pâture est variable selon la saison de pousse, les variétés présentes dans les paddocks, les conditions climatiques, l’intensité de pâturage.

 

Une productivité annuelle en hausse

Le découpage en paddocks augmente la productivité des pâtures. Sur la saison de pâture, la consommation d’herbe par vache est augmentée. Dès la mise à l’herbe, la gestion de la croissance est maitrisée. Les vaches se concentrent sur le paddock journalier, sans tourner en rond. Il n’y a pas de surpâturage qui pénalise la production estivale. Les repousses sont consommées au moment opportun pour le troupeau et pour l’éleveur.

Le potentiel de la prairie s’en trouve amélioré et les volumes d’herbe disponibles pour le troupeau augmentent. Ainsi, Les refus générés sont plus faibles grâce à une meilleure gestion de l’herbe disponible. Cela économise aussi la fauche ou le broyage de nettoyage, gourmand en temps de travail et en fioul.

 

Penser aux aménagements annexes

La taille des troupeaux évoluant, il est nécessaire de prévoir des chemins d’accès qui soient suffisamment larges et stabilisés. Le revêtement peut être en différentes matières, allant du gravier fin jusqu’au béton en passant par les copeaux de bois. En cas de création de chemin, il est essentiel de tasser fort le revêtement pour améliorer sa durée dans le temps.

Profitez de ces aménagements pour enterrer une conduite d’eau. Le troupeau laitier doit avoir un accès facile à l’eau, quel que soit le paddock pâturé.

Quelques aménagements sont nécessaires à la bonne réussite du Pâturage tournant dynamique, notamment la réalisation de clôtures électriques, mais qui resteront toute la saison.

 

Vincent Mamet, ACSEL Conseil Elevage pour le groupe Fourrages de la Fidocl.

 

 

Témoignage d'Alexandre MARTIN, GAEC des Boulets à Chaveyriat, 80 VL à 8 000 Kg

Quels sont les éléments qui vous ont incité à développer le pâturage tournant dynamique ?

Nous avons arrêté de pâturer pendant trois à quatre ans car nous nous trouvions en manque d’herbe sur la période estivale. Le départ d’un associé non remplacé nous a fait réfléchir sur notre organisation de travail. Nous avons cherché à simplifier nos pratiques.

Au printemps 2016, suite à un voyage dans l'Orne, organisé par ACSEL Conseil Elevage, et la rencontre d’éleveurs de la Sarthe qui pratiquaient cette technique, nous avons décidé de réintégrer le pâturage dans la ration des vaches.

 

Comment s’est passée la mise en place ?

Nous avons commencé à pâturer les prairies temporaires après la première coupe, réalisée en ensilage.

J’avais une parcelle de 8ha facilement accessible aux vaches, que j’ai découpé en 16 paddocks de 0.5ha. Les points d’eau ont été mis en place au deuxième tour.

Malgré la météo capricieuse (printemps humide, été sec), j’ai pu réaliser cinq tours dont trois complets.

 

Quel bilan tirez-vous de cette première année ?

La ration à l’auge a diminué de 15%. Cela m’a permis de garder du maïs jusqu’à la nouvelle récolte, les stocks issus de la sécheresse 2015 étant bas. La productivité des pâtures a été de 5TMS/ha, sans compter la coupe d’ensilage de 4.5 TMS/ha.

Les vaches ont envie d’aller au champ. Elles savent qu’elles ont de l’herbe fraiche tous les jours. Pour ma part, le travail est moins pénible, je passe plus de temps à aller voir mes prairies plutôt que d’être dans mon bâtiment.

Néanmoins, il ne faut pas négliger la mise en place initiale. Il faut prévoir un investissement sur les fils électriques, les tuyaux et baquets pour l’eau. Les chemins et accès de parcelle doivent être stabilisés.

Enfin, il est indispensable d’avoir à l’esprit que le pâturage est évolutif, l’adaptation est continue et multifactorielle.

 

Quels sont vos objectifs pour 2017 ?

Cette première année de pâturage tournant dynamique a été positive, malgré des conditions météo difficiles. Cela m’a conforté dans ma stratégie de valoriser mes pâtures.

En plus des 8ha de 2016, je vais consacrer 8ha supplémentaires pour mes 85 laitières. Ainsi j’aurai 27 parcelles avec un objectif fort, celui d’arrêter le tourteau sur le printemps et améliorer encore plus mon coût de ration.

 

Propos recueillis par Rémi Berthet, ACSEL Conseil Elevage.

 

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