L’agroforesterie, un levier à actionner pour améliorer la résilience des systèmes d’élevage caprin en contexte de changement climatique

Les arbres, qu’ils soient isolés, en bosquets ou sous forme de haies peuvent rendre de nombreux services dans un système agricole en polyculture-élevage… Longtemps considérés comme inintéressants, voir pénalisants, leur blason est aujourd’hui redoré. Leurs nombreux intérêts sont mis en avant et étudiés.

 

Des arbres dans mes parcelles … pour quoi faire ?

De nombreux programmes de plantation d’arbres et de haies fleurissent partout en France. Communautés de communes, Syndicats de rivière, Parcs nationaux mais également l’Etat financent ces projets. Du côté de la nouvelle PAC, la présence de ligneux peut permettre d’accéder aux éco-régimes.

Pourtant, entre 1950 et 1970, des millions d’arbres et arbustes ont été arrachés. Après la seconde guerre mondiale, pour  relancer l’économie, la France décide de produire d’importantes quantités de denrées alimentaires. La mécanisation s’est développée et rend possible ce challenge. Pour produire vite et en quantité, on considère les petits bocages inadaptés. C’est la période du remembrement agricole où les haies sont arrachées afin d’agrandir les parcelles. Il est estimé que 70% des haies ont disparu du territoire français depuis 2050, soit 750 000 km !

Alors pourquoi ce revirement de situation et ce changement de politique concernant la place de l’arbre dans le système agricole ?

De nos jours, la demande en denrées alimentaires est toujours forte mais les sols se sont appauvris en matière organique et se sont érodés, le changement climatique est avéré et l’impact positif de l’arbre sur les systèmes agricoles a été démontré. Réintroduire l’arbre devient l’une des solutions permettant d’assurer la résilience de notre système agricole.

Et alors techniquement, que peut apporter l’arbre sur ma ferme caprine ?

Pour mes animaux… De l’ombre, ainsi qu’un effet parapluie et brise-vent pour les chèvres qui pâturent, améliorant ainsi leur bien-être et leur capacité de production.

Un complément de fourrage en période estivale : consommation des feuilles des haies mais aussi possibilité de cultiver des arbres à forte valeur nutritive pour les faire pâturer sur pied. Des essais sont actuellement en cours pour qualifier l’intérêt de ces pratiques, notamment à la Ferme expérimentale du Pradel (26).

Des études menées sur la composition chimique et la digestibilité des feuilles montrent que plusieurs espèces ligneuses comme le murier blanc, le prunelier, le sureau, le frêne, présentent une valeur nutritive proche de bons fourrages. Le potentiel nutritif du murier blanc serait, par exemple, équivalent à celui de la luzerne.

La ressource ligneuse peut également servir de litière. Des essais en vache laitière ont été réalisés dans les Monts du Lyonnais en 2021 (69/42) afin d’étudier les différents impacts de cette pratique : évolution de la température de la litière, entretien, propreté des animaux, santé, qualité du lait, impact économique. Les résultats sont positifs et prometteurs.

Pour mes prairies et cultures … Contrairement aux idées reçues, l’arbre n’est pas synonyme de perte de rendement. Le rendement baisse à proximité de la haie puis augmente. Autrement dit, l’effet négatif en bordure se trouve en grande partie gommé par l’effet positif au-delà. Dans les années à venir, en contexte de changement climatique, le microclimat créé par les arbres ainsi que l’effet brise-vent pourraient faire évoluer ce constat par une amélioration du rendement des surfaces arborées.

L’arbre a de nombreux effets bénéfiques sur les sols et permet de gérer plus efficacement l’eau, ses excès et déficits. Il limite également les phénomènes climatiques d’érosion et d’assèchement par le vent.

Réintroduire l’arbre sur sa ferme …

Nous l’avons vu, replanter des ligneux a de nombreux avantages. Mais attention si vous souhaitez passer à l’action, ce projet nécessite de la réflexion en amont. Planter « oui » mais pas n’importe où, n’importe quoi, ni n’importe comment. Il est important de bien définir ses besoins et d’adapter les linéaires de haies à la topographie. Prendre le temps de choisir les essences est également primordial : elles doivent à la fois s’adapter au terroir et à l’évolution climatique, notamment sur sol séchant, et être adaptées aux rôles que l’on souhaite donner aux différents linéaires de haies ou arbres isolés.

Plusieurs structures accompagnent les agriculteurs dans le montage et la réalisation de leur projet agroforestier, soit en coconstruisant le projet avec eux, soit en les accompagnant à la définition de leur projet par la formation.

 

Témoignage : Ferme de Chasse Nuage à Longes (69)

Nathalie et Sébastien BEDEL, éleveurs de 120 chèvres de race Saanen et fromagers, ont planté, en 2020, 800 mètres linéaires de haies, accompagnés par le Parc Naturel Régional du Pilat.

« Nous avons souhaité planter des arbres car nous aimons en avoir autour de nous, aillant grandi dans les bocages de Bretagne. La ferme n’avait pas d’arbres et un fort vent du sud souffle. Nous souhaitions remettre du végétal pour offrir de l’ombre à nos chèvres, protéger nos parcelles du vent et rendre le paysage plus agréable. L’objectif était également de diversifier notre production et d’améliorer notre autoconsommation. Nous avons donc planté des noyers et châtaigniers en complément des plants forestiers.

Il ne faut pas réfléchir économiquement sur du court terme mais plutôt voir l’amélioration de la qualité de vie, le bien-être des animaux et l’intérêt long terme. Ce type de projet est à réaliser dans des fermes ayant de la disponibilité pour s'occuper des arbrisseaux car cela nécessite du temps d’entretien les premières années et un peu d’argent. Nous conseillons de bien réfléchir le choix des essences en prenant en compte le changement climatique et de planter dès le début de l’hiver afin que les arbres puissent profiter de l’humidité du sol en hiver pour bien s’enraciner. »

Laurianne VARGAS, Rhône Conseil Elevage

Tags: