Lactations longues : ne les subissez plus, choisissez-les !

Rappel : une chèvre en lactation longue (LL) est une chèvre dont la durée de lactation est supérieure à 450j.

Contexte de l’étude : 19 enquêtes sur la conduite des chèvres en lactation longue ont été réalisées en région Auvergne Rhône-Alpes. Nous avions différents profils : fromager/laitier, alpine/saanen, saisonné/désaisonné.

 

 

 

Retour d’enquêtes terrain sur le choix des LL :

Suites aux enquêtes, plusieurs critères de sélection ont été cités par les éleveurs pratiquant la LL :

-          Le niveau de production : de 2,2 à 3L/j avant reproduction ainsi que la persistance

-          Les chèvres peu intéressantes pour le renouvellement

-          Les chèvres saines en cellules, âgées, avec défaut mammaire ou mise-bas (MB) précédente difficile

Notre conseil technique : privilégiez avant tout le renouvellement de votre troupeau avant de choisir les chèvres à mettre en LL ! Pour bien choisir ses LL et avoir des animaux adaptés à cette conduite, optez pour la stratégie suivante :
1/ Choisissez vos chèvres destinées à l’IA
2/ Choisissez les meilleures chèvres à mettre à la SN (dont les
produits seront intéressants pour le renouvellement)
3/ Dans les chèvres restantes : choisir les futures LL et mettre le
restant à la SN.
 

Les recommandations techniques pour le choix des LL :

Préférez sélectionner les chèvres avec une production ≥ 3kg mais peu intéressantes pour le renouvellement : problèmes d’aplomb ou de mamelle, faible potentiel génétique, chèvres avec MB précédente difficile, etc. Il est important que ces chèvres aient une courbe de lactation la plus linéaire possible (= persistance). Pour ménager les chèvres ayant eu 4 MB ou +, la LL peut être une solution. Les femelles habituellement difficiles à tarir peuvent être écartées de la reproduction et laissées en LL, pour préserver leur mamelle et éviter un décrochement ou un tarissement incomplet. L’aspect cellulaire doit aussi être surveillé pour conserver un troupeau sain : évitez de mettre en LL les chèvres gravement infectées. Enfin, les chèvres prévues à la réforme en fin de campagne peuvent poursuivre leur production sans remise à la saillie jusqu’aux réformes d’après MB.

Concernant les primipares, privilégiez des animaux à petit gabarit mais dont la production reste supérieure à la moyenne du lot : de ce fait, elles ne seront pas pénalisées par une nouvelle MB et poursuivront leur croissance.

Conduite des lactations longues : comment s’organiser ?

D’après les retours d’enquêtes en ferme, la pratique la plus courante est une séparation du lot de LL du reste du troupeau sur la période allant de la reproduction à la mise bas. Certains préfèrent séparer physiquement les lots tout au long de l’année.

Pendant le tarissement, près des ¾ des éleveurs menant un lot de LL restent en bi-traite. On peut noter que les éleveurs passant les LL en monotraite n’observent pas de baisse significative de la production et que ces dernières ont tendance à reprendre du lait au moment des MB.

 

Quel avenir pour les chèvres en lactation longue ?

A l’issue d’une lactation longue, nous pouvons vous conseiller de remettre les primipares à la reproduction. Les chèvres les plus âgées peuvent rester en lactation longue tant que leur niveau laitier est acceptable, elles seront ensuite réformées.

Suivis approfondis de 13 élevages 

À la suite des 19 enquêtes réalisées en région Auvergne Rhône-Alpes en 2018, nous avons suivi 13 élevages de façon plus approfondie (NEC, rations, pratiques).

Caractéristiques des LL :

L’analyse des données récoltées en ferme montre qu’en moyenne les lactations longues sont plus âgées (4,5 ans contre 2,8 ans pour le reste du troupeau) et passent presque 50% de leur carrière en LL. Les LL ont tendance à avoir un état corporel plus élevé que les reste du troupeau avec une faible variation de cet état au cours de la campagne laitière. Les notes d’état corporel (lombaire et sternale) ont tendance à augmenter avec le nombre d’années passées en LL.

 

Quantité et qualité du lait :

En cumulant le lait produit sur 2 ans, nous observons qu’une LL va produire autant si ce n’est plus de lait qu’une chèvre en lactation classique (LC) : en effet sur une LC, les 2 mois de tarissement sont comptabilisés avec une production nulle.

Le niveau cellulaire d’une chèvre en LL augmente avec le nombre d’années passées en LL. Dans notre échantillon d’élevages, 3 éleveurs sélectionnent leurs chèvres sur le critère cellules, et cela semble fonctionner : les LL ont un niveau comparable au reste du troupeau mené en LC.  

Le constat est le même pour les taux butyreux et protéiques.

Lactations longues : pas encore le CLLAP de fin !

Nous continuons de nous intéresser aux LL au niveau national avec le projet CLLAP. Dans un premier temps, la base de données nationale SIECL va être étudiée, nous permettant de connaître l’ensemble des effectifs de LL inscrits au contrôle laitier officiel. L’étude et le suivi des pratiques de quelques éleveurs se feront un peu partout en France. Suivez l’avancement de ce projet dans le prochain LAIT’S GO, et retrouvez dès à présent le diaporama des résultats de l’étude lactations longues en région Rhône-Alpes sur le site fidocl.fr : 5 témoignages de nos éleveurs vous y attendent !

Aude Pasquet, Florine Woehl - ADICE

 

Une simplification du travail grâce à une repro plus cadrée

GAEC DES CHURES - Thurins (69510)

Fromager, saisonné, 3 associés 2 salariés, 190 chèvres Saanen et Alpines 146000 L de lait transformé, 30% de chèvres en lactation longue

D’où vous est venue l’idée de mettre en place des lactations longues ?

On avait comme objectif de simplifier notre travail et de revoir notre système de reproduction. De plus, étant donné la conjoncture actuelle de la viande, nous voulions avoir moins de cabris.

C’est Séverine, ma conseillère caprin du contrôle laitier, qui m’a proposé cette méthode, j’ai tout de suite accepté l’idée qui collait bien avec nos objectifs.

Comment avez-vous fait pour mettre en place les lactations longues ?

Pour moi, le choix des chèvres avant la reproduction est la clé de la réussite. En effet, un mois avant les reproductions, nous choisissons avec ma technicienne les chèvres qui seront inséminées, celles qui partiront en saillie naturelle et les LL.

Mon 1er critère est la production de lait : au moins 2,7 litres de lait par jour au moment de la reproduction.

Je mets également en LL certaines primipares pour leur laisser le temps de finir leur croissance. Je les remettrai en repro l’année suivante. Les chèvres qui présentent un défaut de mamelles ainsi que les futures chèvres de reformes resteront en LL jusqu’à la fin de l’année.

On a aussi réduit le temps de présence des boucs pour avoir des mise-bas plus groupées et ainsi passer toutes les chèvres vides en LL.

Les LL sont conduites en lot à part et je constate qu’elles ont tendance à graisser. Il faut donc être vigilant sur l’apport énergétique de la ration.

Quels avantages et inconvénients avez-vous pu constater ?

Les avantages sont un gain de temps et moins de « casse » aux mises-bas ainsi qu’une meilleure gestion des chevreaux. J’ai également une meilleure répartition de la production de lait sur l’année, sans avoir à déssaisonner, ce qui me permet d’assurer une trésorerie plus constante.

Je ne reviendrais pas en arrière et je ne vois pas d’inconvénients dans cette pratique. Je vais même augmenter le nombre de LL cette année (40% du troupeau).

 

Témoignage recueilli par Séverine Fontagneres - Rhône Conseil Elevage

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