La complémentation minérale et concentrés des systèmes alimentaires foin et ensilage

 Le niveau de complémentation (concentrés et minéral) et les coûts associés influencent-ils vraiment les résultats de reproduction et de santé de la mamelle ?             

La maitrise des coûts alimentaires (concentrés et minéraux) et bons résultats de reproduction et santé de la mamelle des vaches laitières étant au centre des préoccupations,  il serait intéressant de vérifier s’il y a ou non un véritable lien entre ces différentes composantes.

 

L’alimentation est un poste de charges important au sein des élevages laitiers. Il occupe la deuxième place derrière la mécanisation soit presque un quart du coût de production de l’atelier lait des élevages d’ACSEL Conseil Elevage. Sur le terrain, de nombreuses discussions ont lieu entre les conseillers et les éleveurs sur les quantités et les coûts surtout en période de prix du lait bas. L’alimentation a un impact assez évident sur le niveau de production du troupeau mais bien moins sur les résultats de reproduction et de santé de la mamelle. C’est pour cela qu’il faut aider les éleveurs à mieux appréhender le lien entre le niveau de complémentation, les coûts alimentaires et les résultats de reproduction et santé de la mamelle. Ce constat a été la base de l’étude réalisée dans le cadre de ma formation en BTSA Productions Animales  durant l’été 2016.

 

Regroupement des bases de données et constitution de groupes

Les différentes données nécessaires à l’étude ont été tirées des bases de données des constats d’alimentation, des bilans de reproduction et des bilans santé mamelle des élevages d’ACSEL sur la campagne laitière 2015-2016. Le premier travail a été de regrouper les différentes bases de données dans un seul tableau en sélectionnant quelques critères dans chacune d’entre elles. Au final le tableau de compilation regroupe près d’une vingtaine de critères d’alimentation, de reproduction et de santé de la mamelle des exploitations d’ACSEL. Le système d’alimentation hivernal principal de chacune et le niveau de production des vaches ont été ajoutés également.

Au vue des différences en termes de production et de système d’alimentation, j’ai constitué des groupes pour une analyse  plus pertinente et plus ciblée. Les élevages ont été classés selon leur système d’alimentation (foin ou ensilage maïs-herbe) et selon leur niveau de production (seuil fixé à 8000 kg pour une taille homogène des deux sous-groupes).

Enfin à l’aide d’un logiciel de statistique (Statbox) j’ai pu réaliser des corrélations pour voir s’il existait ou non un lien entre les données d’alimentation et les résultats techniques.

 

Des différences au sein des groupes

Selon le système d’alimentation, les paramètres quantitatifs et économiques de la ration des vaches laitières sont différents pour les concentrés et les minéraux. Les systèmes en AOP Comté produisent  moins de lait par vache à cause de la moindre valeur alimentaire du foin par rapport à l’ensilage et aux exigences du cahier des charges. Pour cela, afin d’équilibrer les rations et rentabiliser leur production, ces éleveurs  complémentent davantage leur ration avec des concentrés. Cela leur coûte plus cher comparé à l’autre système d’alimentation maïs-herbe ensilage (tableau n° 1).

Les quantités de concentrés et de minéraux varient selon les groupes d'alimentation et les niveaux de production

 

A contrario, ces derniers utilisent moins de concentrés mais plus de minéraux pour produire un litre de lait grâce notamment au maïs ensilage de meilleure valeur énergétique. Ces pratiques alimentaires ont des conséquences différentes sur les coûts alimentaires mais avec un coût de ration assez similaire entre les deux systèmes.

Cependant, malgré ces différences, les résultats de reproduction et de santé de la mamelle sont assez proches entre les élevages.

                                 Peu de différence de résultats techniques entre les groupes

 

Les deux groupes distincts par leur niveau de production ont aussi des pratiques d’alimentation différentes. Le premier groupe est composé d’élevages avec un niveau de production moyen de 7124 kg de lait par lactation. Ils utilisent plus de concentrés pour produire une tonne de lait mais moins de minéraux. Le deuxième groupe concerne les élevages les plus productifs avec un niveau de production moyen de près de 9000 kg de lait par lactation. L’apport de concentré est dilué par la production de lait mais l’apport de minéral est plus élevé. Le coût de ration aux 1000 litres est très proche entre tous les élevages. Ceux les plus productifs dépensent peut-être plus mais cela est compensé par le volume de lait produit.

Logiquement, les résultats de reproduction sont meilleurs pour les élevages moins productifs. Du fait d’une moindre production de lait, les vaches limitent leur déficit énergétique de début lactation ce qui les rend plus aptes à se reproduire. De plus, dans le groupe des plus productives, il y a peut-être plus de risque de subacidose en début de lactation avec plus de concentré distribué qui génère des problèmes de reproduction.

Au niveau des concentrations cellulaires, les résultats sont moins bons pour les élevages qui produisent moins. Ceci est en partie lié à la dilution par le volume de lait produit chaque jour.

 

De fortes disparités au sein des groupes

Une grande variabilité des donées a été observée dans les groupes. Pour exemple, au sein du groupe Maïs-herbe ensilage, un éleveur possédant un très bon taux de réussite l’IA1 de 70 % apporte uniquement 100 g de concentré/l  alors qu’un élevage ayant un taux de réussite similaire, en apporte le triple (graphique ci-dessous). On peut donc se dire qu’il y a de fortes marge de progrès…

                                           Les pratiques d'élevage ont plus d'influence sur la reproduction que le niveaux de concentré.

 

Des coefficients de corrélations révélateurs…

De manière globale, après avoir pris connaissance des différents coefficients de corrélation liant les données d’alimentation et les résultats de reproduction et santé de la mamelle, on peut observer que les corrélations sont très faibles et parfois même défavorables. Le coefficient de corrélation est significatif à partir de 0.3.  

Statistiquement, il n'y a pas de relation positive entre les niveaux d'apports de concentrés ou de minéraux et les résultats techniques.

 

Pour le système foin, il semble que la quantité de concentré en a très peu d’influence sur les taux de reproduction. On peut même voir une corrélation légèrement défavorable : plus on augmente la quantité de concentré, moins le taux de réussite à la première IA est bon. Il en est de même pour la moyenne des comptages cellulaires : si un éleveur décide d’augmenter la complémentation en correcteur, il pourra voir ses moyennes cellulaires augmenter. Pour tous les groupes, le constat est le même, une quantité élevée en concentré et/ou minéraux n’engendre pas forcément de bons résultats de reproduction et de santé de la mamelle. Dans tous les cas, il n’y a pas d’amélioration certaine si un éleveur décide d’augmenter ses quantités en compléments, voire une détérioration.

 

D’autres éléments à prendre en compte…

Le but de l’étude n’était pas de pointer du doigt les éleveurs apportant de grosses quantités de concentré et/ou minéraux mais d’apprécier l’efficacité ou non de dépenses supplémentaires. Et au vu des coefficients de corrélations peu significatifs entre les quantités et les résultats techniques, nous avons émis une piste pour réduire les coûts de production. Un éleveur souhaitant améliorer ses résultats de reproduction et/ou cellulaires doit probablement prendre en compte les facteurs de risques principaux du problème avant d’augmenter les quantités de compléments. Qualité de l’alimentation, méthode de détection des chaleurs, pratique du pâturage, hygiène de traite sont d’abord les éléments qu’il est possible d’améliorer lors de résultats de reproduction et de santé de la mamelle jugés insuffisants.

 

Valentin Prost, stagiaire BTS PA 2016, ACSEL Conseil Elevage

 

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