Antoine Cherrier est éleveur de brebis laitières depuis 2021.Son exploitation se situe sur la commune de St Martin d’Estraux dans le nord du département de la Loire. Retour sur son installation et son parcours.
Pourquoi t’es-tu installé ?
J’ai repris l’exploitation à la suite du départ en retraite de ma mère le 1er janvier 2021. J’ai toujours été passionné par le milieu agricole et j’avais pour objectif de m’installer avant mes 35 ans. Avant j’étais technico-commercial dans une enseigne de matériel agricole. Je passais mon temps sur les routes au détriment de ma vie de famille. Maintenant, je travaille pour moi et j’organise mon travail comme je le souhaite, ce qui me permet de passer plus de temps avec ma famille.
Comment s’est passée ton installation ?
Lors de ma reprise, l’exploitation comptait 300 brebis allaitantes sur une surface de 50 hectares. Pour que mon projet soit viable, je devais augmenter le nombre de brebis allaitantes de 300 à au moins 600.
Avant d’augmenter considérablement le troupeau j’ai décidé de m’informer sur la brebis laitière tout en ayant un apriori sur cette production et sur l’astreinte de la traite. Je me suis également renseigné sur les différentes laiteries afin de connaitre les débouchés possibles. La laiterie de la côte Roannaise (Mons affineur) dans le département de la Loire, m’a répondu favorable pour envisager une collecte de lait cru bio.
J’ai donc voulu découvrir un peu plus cette production en commençant par faire un stage dans un GAEC de 360 brebis laitières au sud de la Loire. C’est au cours de ce stage que je suis tombé amoureux de la brebis laitière. Durant cette période, j’ai appris qu’il fallait être rigoureux et technique, ce qui me correspond bien. Aujourd’hui, j’ai 200 brebis allaitantes, 200 brebis laitières et 100ha. Les deux troupeaux se complètent bien, je peux faire pâturer mes parcelles isolées aux allaitantes et valoriser les fourrages de moins bonnes qualités.
Comment as-tu mis en place ton troupeau de brebis laitière ?
Je suis allé acheter 200 brebis de race Lacaune chez Ovitest (l’organisme français d’insémination ovine) que j’ai élevé jusqu’au démarrage de la lactation. Le bâtiment des laitières était déjà existant, j’ai ré-aménagé le bâtiment (20 000€), j’ai construit la partie salle de traite et laiterie (120 000€).
Comment s’est déroulé la première traite ?
La première traite a été compliquée nous avons mis 3 heures pour traire 150 agnelles. Je me suis même posé la question si cela allait me plaire pendant 20 ans ? Mais les brebis sont intelligentes, elles se dressent, au bout de 3-4 jours elles avaient compris. Le plus important c’est de bien les manipuler.
Comment se passe le suivi de ton troupeau ?
La première année le troupeau était assez hétérogène, il y avait de très bonnes brebis comme de moins bonnes. J’ai commencé le contrôle de performance dès la première année car je souhaitais connaître les performances individuelles de mes brebis. Au retour des résultats, j’ai pu réformer quelques brebis et avoir un œil sur les cellules.
Chaque année, je garde environ 50 agnelles pour mon renouvellement, je trouve que c’est bien de pouvoir garder des animaux de son troupeau car elles s’adaptent mieux à l’environnement de l’exploitation. Je sélectionne mes agnelles en fonction de la liste qu’Emma (conseillère de Loire Conseil Elevage) me transmet car à l’œil on ne garde que les mauvaises.
Avec le recul, je constate que mes agnelles choisies sont de bonnes productrices et j’ai également gagné en qualité de mamelle (50% des agnelles gardées sont exceptionnelles).
Comment conduis-tu ton troupeau ?
Les mises-bas du troupeau sont au mois de janvier-février.
Je réalise une transition alimentaire pour préparer les agnelages. La ration des brebis est composé d’enrubannage, de foin, de céréales (triticale + maïs) et de tourteau (40% de MAT). L’objectif est de pouvoir les faire pâturer le plus tôt possible (1er mars). Une fois la mise à l’herbe, j’adapte ma ration en fonction de la qualité de l’herbe et des indicateurs (résultats des analyses de lait).
Sur l’année 2023, j’ai livré 55 000 L de lait sur 8 mois de lactation et cette année j’ai déjà atteint cette quantité (N-1) alors que nous sommes qu’au mois de juin.
J’élève mes agneaux et agnelles sous la mère, les premiers jours ils sont en cases individuelles le temps de faire les soins. Ensuite, je fais des lots de 8-10 brebis avec leurs agneaux (case semi-collective). Elles ne passent pas en salle de traite dans l’immédiat, tous les matins je les bloque au cornadis et je passe avec un chariot trayeur pour bien désengorger les mamelles, afin d’éviter tous risquent de mammites le temps que l’agneau tète suffisamment.
Les agneaux ont un accès dès leur plus jeune âge à une case isolée avec des concentrés à volonté, du foin et de la paille renouvelés quotidiennement.
Au bout de 15 jours je commence à fermer les agneaux dans des cases isolées. Une heure, deux heures, quatre heures…puis la nuit. Cette technique permet de pouvoir commencer à faire passer les brebis en salle de traite. Une fois la traite finie, j’attends au moins deux heures avant d’ouvrir aux agneaux, le temps que la brebis reprenne du lait pour que les agneaux n’abiment pas les mamelles.
Les agneaux qui savent ruminer sont vendus à 28 jours et au poids. Pour mes agnelles de renouvellement, je les sèvre à 16kg de poids vifs. Le lait des premières semaines qui n’est pas vendu à la laiterie me sert à élever mes agneaux. Le prix des agneaux vendus compense le lait qui n’est pas ramassé par la laiterie : économiquement c’est une opération blanche car j’ai peu de perte d’effectif. Ce protocole d’élevage est contraignant en termes de temps et quantité de travail en revanche je n’ai pas de problème sur l’élevage des jeunes.
Comment gères-tu la reproduction ?
J’arrête la lactation de mes brebis début août, lors de la période de reproduction. 15 jours avant de mettre les béliers reproducteurs, je fais un « effet bélier » avec des béliers vasectomisés. Cette pratique me permet de synchroniser les chaleurs de mes brebis et de réussir ma reproduction avec 10 béliers sur 200 brebis. J’ai eu l’année dernières 6 brebis vides.
Je fais la reproduction de mes agnelles en bergerie, elles font 2 à 3% du poids adulte au 1er septembre. Je fais des échographies 40 jours après la fin du deuxième cycle. Cela me permet d’anticiper la prochaine lactation.
Quelques sont tes objectifs sur les prochaines années ?
Je souhaite continuer à faire progresser mon troupeau, en gagnant en performance laitière, et en qualité de mamelle. L’objectif est de sécurisé la qualité de mon lait, car je livre du lait cru. J’aimerai être plus souple sur mes réformes, tout en continuant à optimiser mon système d’élevage pour gagner en confort de travail.
RIVAL Emma, Loire Conseil Elevage