Installation laitière : Raisonner ses investissements

L’installation est pour bon nombre d’éleveurs un projet de vie. La réflexion et la préparation du projet est un moment très important qui va impacter les conditions et le temps de travail ainsi que la rémunération.

 


Un bâtiment, ça coute cher mais…

Il est impératif dans un projet d’installation d’avoir une cohérence dans le choix de ses investissements. Il est difficile d’investir à la fois dans un bâtiment et dans du matériel. Un bâtiment, c’est 20 à 25 ans d’utilisation en l’état, la charge d’amortissement est diluée sur cette durée. Les nombreuses études « coût de production » réalisées dans la Loire ont montré qu’amortissement bâtiment, salle de traite comprise, revenait en moyenne à 33 €/1 000 L de lait vendu, avec une amplitude de 4 à 90 €. Pour un jeune installé qui projette de construire un bâtiment, il est souhaitable de ne pas dépasser 40 €/1 000 L. Connaissant le volume de lait à produire, le montant et la durée d’amortissement du bâtiment à réaliser ainsi que la charge d’amortissement des bâtiments existants, cette référence nous donne une bonne indication sur le montant total du bâtiment qu’il est possible de réaliser.


…moins que le matériel

Dans sa carrière, un éleveur dépense 2,5 fois plus dans du matériel que dans du bâtiment. Le matériel est une charge très lourde pour une exploitation laitière. Les exploitations d’élevage de la région Rhône Alpes sont connues pour « consommer » du matériel ! Il est donc impératif pour un jeune installé d’adapter son parc matériel aux besoins de son exploitation et pas forcément à ses envies. La charge moyenne d’amortissement matériel dans le département de la Loire est de 47 €/1 000 L, avec une amplitude de 6 à 93 €. La dépense totale en matériel d’une exploitation doit se situer en dessous de 120 €/1 000 L : travaux par tiers, fioul, entretien, amortissement. L’utilisation du matériel de la CUMA ou l’appel à un entrepreneur peut être un choix judicieux. Il faut prendre le temps de compter.


Etablir des priorités

Le montant total d’amortissement matériel et bâtiment pour une exploitation laitière doit se situer sous les 100 €/1 000 L. Pour un jeune installé, la totalité des annuités (prêts JA compris) doit représenter 70 à 80 €/1 000 L, avec quelques variantes selon le système et la localisation de l’exploitation. Au-delà de ce chiffre on fragilise l’exploitation. Des choix sont à faire dans l’enchainement des investissements.


Dominique Tisseur, Loire Conseil Elevage




« GAEC Thévenet, Bussy Albieux (42)

Deux installations réussies grâce à une bonne gestion des investissements

Dans la plaine du Forez, Guillaume et Clément Thévenet ont relevé le défi de produire 500 000 L de lait sur une exploitation de 88ha dédiée à l’origine à l’engraissement et aux cultures.


S’installer avec des objectifs

Dans leur projet d’installation, Guillaume et Clément avaient un objectif prioritaire : avoir un revenu de 1500 à 2000 €/mois. Ils voulaient commencer à produire du lait avant d’investir. Les conditions de départ étaient très « rustiques » : logement des vaches laitières dans des boxes anciennement utilisés pour des taurillons, traite avec une salle de traite mobile 1*5, 2h30 pour 50 vaches. En deux ans, dans ces conditions, les frères Thévenet sont passés de 0 à 400 000L de lait livré. Cette manière de procéder a permis de conforter la trésorerie et le bilan financier de l’exploitation. Pendant ce temps ils ont finalisé leur projet de bâtiment.


Un bâtiment simple et fonctionnel à moins de 4 000 euros/vache

Pour conserver l’équilibre financier de l’exploitation, il fallait que l’investissement dans le bâtiment ne dépasse pas 250 000€, un montant assez faible pour loger 60 à 65 vaches. Guillaume et Clément ont donc décidé de faire une aire paillée, de simples barres au garrot, une salle de traite 2*8 simple équipement d’occasion sans décrochage et une fosse béton de 420 m3 pour le lisier, les eaux vertes et blanches. Depuis la mise en route du bâtiment les éleveurs apprécient leurs conditions de travail.


Du coté du matériel, des investissements progressifs

Les éleveurs ont repris le matériel existant sur l’exploitation, c'est-à-dire une distributrice des 1993, un tracteur Same de 120CV de 2002 et un autre Same de 90CV de 1998. Ce dernier a été renouvelé par obligation en 2011 par un Same neuf de 90 CV avec chargeur pour une soulte de 43 000€. Ils utilisent beaucoup le matériel en CUMA et font aussi appel à un entrepreneur pour certains travaux.
Dans leur projet d’installation, Guillaume et Clément n’ont pas « mis la charrue avant les bœufs », n’ont pas investi en même temps dans du bâtiment et du matériel. Les ratios économiques et références issues des études « coûts de production » menées par Loire Conseil Elevage leur ont permis de calibrer leur investissement.


Propos recueillis par Dominique Tisseur, Loire Conseil Elevage.

 

Tags: