Gestion des introductions : des mesures nécessaires pour limiter les risques

1 seul animal peut contaminer tout un troupeau…

Il est tentant d’envisager l’achat d’animaux pour atteindre le niveau de production souhaité, après de fortes réformes, mortalité ou pour augmenter la quantité de lait produite. Si l’idée d’augmenter la production ainsi semble bonne, en pratique on se confronte à plusieurs problématiques. Cette décision est délicate et doit être abordée avec beaucoup de précaution.

 

En effet, les introductions dans un troupeau sont risquées sur le plan sanitaire, productif et peuvent nuire à l’équilibre globale du troupeau.

Maladies virales, microbiennes et parasitaires en tout genre s’introduisent, sans forcément en connaître l’existence, en l’absence de signes cliniques.

Quels sont les risques encourus ?

Tout élevage est porteur d’un microbisme propre, incluant des germes sains et/ou pathogènes, voire des résistances aux antiparasitaires ou aux antibiotiques. Le plus souvent, les symptômes ne s’expriment que tardivement, sous l’effet de certains facteurs (stress, alimentation, logement, conditions d’élevage, de traite…). 

Un achat va exposer le troupeau à un nouveau microbisme et potentiellement créer les conditions pour qu’il s’exprime. De même les animaux achetés vont être exposés au microbisme de votre troupeau et à de nouvelles conditions d’élevage. Les épisodes cliniques touchant les animaux introduits ou le troupeau peuvent aussi bien être dus au microbisme du troupeau acheteur qu’à celui du vendeur.

De plus, toutes nouvelles entrées d’animaux dans une exploitation caprine entrainent forcément une modification des comportements, des hiérarchies et des relations dans le troupeau.

L’examen clinique du troupeau est indispensable pour observer les pathologies visibles (arthrite, abcès, boiteries…), comme l’examen de l’état corporel du troupeau, notamment en cas d’animaux maigres pour certaines affections type paratuberculose ou parasitisme important. Mais cela reste insuffisant. Il est donc recommandé d’établir un bilan sanitaire en recherchant certaines maladies.

On axera les recherches sur la Fièvre Q et la Chlamydiose, la Paratuberculose et le CAEV, ainsi que les Mycoplasmes et Parasitoses.

Fièvre Q et Chlamydiose : Maladies abortives recherchées par sérologie. Il est possible pour la Fièvre Q d’effectuer des recherches par PCR sur lait de tank. Leurs conséquences dépendent de l’immunité des caprins exposés avant ou lors de leur gestation (vaccination ou exposition naturelle).

Paratuberculose : Maladie digestive chronique à évolution lente. Elle est due à une bactérie très persistante dans l’environnement, avec pour symptôme principal un amaigrissement de l’animal sans perte d’appétit.  La séroconversion des animaux est longue, il est recommandé de rechercher la maladie sur des animaux d’au moins de 2 ans, par sérologie ou PCR sur fèces de mélange. Pas de traitement (vaccin existant).

CAEV : Virus lent et variable, d’où la diversité des symptômes observables. Maladie chronique détectée par sérologie. Dans ce cas aussi, il est préférable de prélever des animaux d’au moins 2 ans, même si dès 12 mois certains animaux peuvent se convertir. Pas de traitement

Mycoplasmes : Maladies potentiellement graves avec différents symptômes possibles : mammites, arthrites, pneumonies.. A dépister prioritairement par PCR sur le lait de tank (plus de fiabilité en début de lactation)

Parasitoses : Divers parasites existent ; digestifs, pulmonaires pour les parasites internes et de la peau pour les parasites externes. Plus particulièrement, il existe une forte problématique en élevage caprin pour les parasites digestifs, en raison de la faible immunité des chèvres. Réaliser des coprologies pour connaitre le degré d’infestation aux parasites internes des animaux achetés et des examens visuels pour les parasites externes.

Les 4 premières maladies citées sont toutes détectables en sérologie et inscrites dans le protocole des statuts sanitaires piloté par les GDS AuRA.

Les statuts sanitaires, un réel outil de prévention et d’action

 

Pour prévenir au mieux ces risques et avant tout mouvement, il est indispensable de connaître le bilan sanitaire de son troupeau.

Le statut sanitaire du troupeau est un indicateur de pilotage pour optimiser la performance et la santé générale de son élevage. Il est un outil indispensable pour connaître les maladies présentes dans le troupeau, ainsi de ne pas introduire de nouvelles maladies et/ou prévenir le risque d'expression de maladies déjà présentes dans l'élevage sur les animaux introduits.

L’objectif n’est pas de rechercher un élevage fournisseur indemne de toutes les maladies, mais de rechercher une compatibilité des statuts avec la présence et/ou l’absence des mêmes pathologies. Les statuts sanitaires peuvent permettre d’affirmer l’absence de pathologies, mais ne peuvent garantir qu’un troupeau est indemne de maladies.

Le protocole des statuts sanitaires est indemnisé par les GDS AuRA avec une prise en charge totale ou partielle des analyses. Depuis la mise en place de cette action en 2016 sur la région AuRA, environ 300 statuts sanitaires ont été réalisés, surtout sur les 8 départements Rhône-Alpes.Il est l’outil indissociable à tout mouvement d’animaux. N’hésitez pas à contacter votre GDS départemental pour plus d’informations.

Du bon sens

Plusieurs mesures « de bon sens », une fois le bilan sanitaire évalué, sont à appliquer.

Ainsi, il est fortement recommandé d’introduire des animaux jeunes (< 1 mois) pour limiter leur exposition chez le naisseur et faciliter leur adaptation au nouvel élevage. Limiter le nombre d’élevages fournisseurs reste un impératif. Assurer un transport sans rupture de charge et sans mélange, dans un véhicule propre et désinfecté. Une quarantaine d’au moins un mois est nécessaire pour vérifier l’absence de signes cliniques sur les animaux introduits et assurer une transition progressive au nouveau mode d’élevage. Faire des coproscopies en cas de pâturage, traiter si besoin et contrôler l’efficacité du traitement antiparasitaire (Test de Réduction de l’Excrétion Fécale). Plus subtil mais aux lourdes conséquences, la résistance aux antibiotiques doit être questionnée. Si nécessaire, vacciner contre la Fièvre Q, Chlamydiose, Paratuberculose en accord avec votre vétérinaire. On portera une attention particulière à éviter certaines périodes à risque comme le sevrage, la gestation, le début de lactation…

Et surtout, renoncer à l’introduction des animaux si les risques sont jugés trop importants.

En conclusion, la voie d’introduction la plus fréquente de maladies dans un troupeau est le contact avec un animal infecté, mais n’oublions pas qu’il existe diverses voies de contamination (mouvements d’animaux, nouvelles parcelles, matériel en commun, visiteurs, faune sauvage…) et que la prévention reste de mise.

 

 

« Mon retour d'expérience sur les introductions d'animaux »

 

Eddy GIFFEY - VILLAROGER (73)

Sur les 5 dernières années, j'ai introduit 3 fois différents lots de chèvres achetées pour faire face à la demande grandissante en fromages, ainsi que pour faire face à un fort taux de réformes.

Ces introductions ne sont pas sans conséquences.

J'ai eu récemment un épisode fort de fièvre Q certainement dû à une introduction, sans preuves assurées.

Dorénavant, je vaccine tout le troupeau contre la fièvre Q, ainsi que pour la chlamydiose en prévention.

En conclusion, pour moi les introductions d'animaux peuvent être une solution rapide pour augmenter la production, mais devrait se faire obligatoirement avec au préalable, des prises de sang avant l'introduction afin de connaître le statut sanitaire des animaux introduits.

Selon moi, ces prises de sang d'achats devraient être obligatoires pour limiter au maximum la circulation des maladies et éviter des séries d'avortements qui ne sont pas sans conséquences financières.

Alban Scappaticci, Emilie Germain – Eleveurs des Savoie

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