Changement climatique et autonomie : l'agriculture doit s’adapter à un climat plus sec

L’évolution du climat à venir est une réalité. La concentration en gaz à effet de serre va fortement augmenter d’ici la fin du siècle. Les températures et la pluviométrie vont être impactées, et impacter la production fourragère.

 

 

2022, un avant-goût des années à venir…

Quelles que soit les simulations utilisées, la température reste modérée d’ici 2050 et augmente de 4°c fin 2100. Cette augmentation est surtout marquée l’été (+5,5°c).  L’une des conséquences sera la possibilité d’exploiter de l’herbe précoce (dès le 10 mars). Les périodes de fortes chaleurs estivales seront plus longues et pénaliseront les implantations fourragères.

Pour la pluviométrie, les modèles ne donnent pas de tendance nette sur le cumul annuel qui restera stable. Mais ce qui est prévu est surtout une forte variabilité inter annuelle. Selon les modèles, la pluie sera plus abondante l’hiver et la sécheresse de longue durée l’été. La conséquence est une augmentation de l’évapotranspiration, donc le dessèchement des végétaux et des sols nus pendant plus de 60 jours.

Les simulations montrent un démarrage plus précoce des prairies, une grosse baisse de production l’été et des reprises importantes de septembre à novembre. Le tonnage annuel ne sera pas impacté, mais les pratiques d’exploitation doivent s’adapter.

La culture du maïs peut devenir plus favorable dans certaines zones et beaucoup moins dans d’autres. Enfin, l’introduction de nouvelles cultures modifiera les façons culturales et les rations des animaux.

Les leviers d’actions

Pour faire face aux aléas, les éleveurs jouent les cartes de l’offre fourragère diversifiée et de l’optimisation de la conduite du troupeau.

Différentes pistes sont évoquées et, en général, les éleveurs optent pour une refonte globale de leur système fourrager. Quelle que soit la piste initiale retenue, très vite ils perçoivent les impacts sur l’ensemble de la conduite fourragère. Sur les zones herbagères, une meilleure gestion du pâturage est souvent le premier levier. L’introduction de légumineuses, de semences prairiales diversifiées, de méteils fourragers ou grain, de dérobées estivales, développement ou suppression du maïs sont les principales adaptations citées. Enfin, compte tenu de l’avancement des stades de pousse de l’herbe, les chantiers de semis et de récolte sont décalés et entrainent parfois des surcroits de travail qui motivent à la refonte du système fourrager.

Coté troupeau, les pistes de la diminution des animaux improductifs et l’avancement de l’âge au vêlage sont privilégiés. Un chargement adapté au potentiel des sols et un système d’alimentation cohérent avec les disponibilités réduisent fortement les risques face aux aléas. La réduction des effectifs, la gestion par lot sur les périodes de vêlage, l’accroissement ou la diminution de la production par vache, le changement de race sont également évoqués.

Josiane CHAUSSAROUX, CEL 63

Anne BLONDEL, Acsel Conseil Elevage

 

TEMOIGNAGES

Earl du Bouchiro, Jayat (01) - Du pré à l’auge, valoriser l’herbe toute l’année ou presque

Les associés de l’EARL Pascal SERODON, Valérie sa femme et leur fils Corentin aiment voir leurs 70 Holstein manger de l’herbe. Malheureusement, le parcellaire autour de la stabulation nous permet d’avoir seulement 7 ha de surface accessible pour le pâturage. Située en zone vulnérable et avec l’implantation de dérobées pour ne plus avoir de sols nus, l’exploitation a de la surface pour faire pousser de l’herbe et l’exploiter de mars à novembre.

Les éleveurs décident donc fin 2021 d’acheter une faucheuse auto-chargeuse pour affourager en vert les vaches laitières. Arrivée en juin 2022, la machine a été bien utilisée cette année.

« Pour nous, 2022 est une année d’essai. Nous avons testé la machine et le rationnement. Il faut aussi apprendre à gérer la croissance de l’herbe et les repousses. Avec un automne favorable, nous avons réussi à valoriser les couverts jusqu’à mi-novembre. »

« Avec les prévisions de changement du climat, il y aura souvent de bonnes coupes d’herbe à faire à cette saison. Pour la gestion, l’affouragement en vert, c’est plus simple que le pâturage, il n’y a pas de refus ni de bouses. Au printemps, nous abîmerons moins les parcelles si c’est un peu humide.  Mais, il faut diversifier les espèces pour avoir de l’herbe en continu et avoir de la résistance à la sécheresse l’été ».

L’affouragement n’est-il pas plus cher pour vous ?

« Comme nous ne pourrions pas faire plus pâturer nos vaches, l’affouragement est finalement moins cher que si nous devions ensiler ou enrubanner l’herbe. Depuis juin, nous avons récolté 11 ha à l’auto-chargeuse avec plusieurs coupes. Nous allons travailler aussi sur les espèces pour implanter des prairies de 3 ans. Les mélanges ray-grass italien, trèfles et fétuques semblent un bon compromis entre valeurs, résistance au sec et pérennité.  Nous allons aussi tester des mélanges de courte durée pour les dérobées d’été. »

Dans la rotation, implanter de l’herbe, c’est bon pour stocker du carbone, améliorer la réserve en eau des sols avec plus de matière organique et des reliquats d’azote pour les cultures suivantes. Une bonne technique pour résister au changement climatique. « Avec ce système, nous allons aussi réduire nos achats d’urée ! »

Côté travail, c’est une contrainte tous les jours ?

« L’affouragement demande un peu de temps tous les jours, mais c’est un travail qui nous plaît. Nous sommes originaires de la Haute-Loire et nous avons toujours considéré l’herbe comme une vraie culture. En tant qu’éleveurs, voir les vaches heureuses devant une belle ration d’herbe fraîche nous donne envie de continuer dans cette voie »

« Pour l’année prochaine, dès que la portance des sols le permettra, on commencera l’affouragement. »

Et la production de lait est au rendez-vous.  En octobre et novembre, les vaches ont produit 32 kg de lait avec une ration composée de fourrages conservés et équilibrée avec de l’herbe distribuée à volonté tous les matins. A remarquer, sur l’année, les vaches produisent 9500 kg avec seulement 150 g de concentrés par kilo de lait.

Témoignage recueilli par Anne Blondel – Acsel Conseil Elevage

 

Gaec de la Rimella, Stéphanie Bayle et Antoine Malcus, Marsac en Livradois (63)

« Faire du lait sans ensilage de maïs c’est possible, en misant sur une panoplie d’adaptations. »

Le GAEC est situé au cœur du Livradois Forez, entre montagne, forêt et vallons. Les sols sont granitiques peu profonds et séchants. Les éleveurs gèrent 60 montbéliardes et 20 salers sur 182ha de SAU (136 de prairies permanentes, 27 ha de prairies temporaires et 18 ha de céréales).

Le maïs réussissait 1 année sur 3.

Jusqu’en 2017, 9 ha de maïs étaient consommés par les laitières en hiver à hauteur de 15kg MB/VL. Avec le temps, sa réussite était de plus en plus aléatoire.  « Ça marchait 1 année sur 3 » confie Antoine. « De plus, la période où ils devaient être semés était trop chargée pour les réussir. Les périodes d’ensilage d’herbe s’étalent sur 10-15 jours du fait des différences d’altitude, et finalement tombaient en même temps que les semis de maïs. Finalement c’est en 2017, que l’on a décidé d’arrêter la culture du maïs. »

Une refonte globale du système.

 En 2017, les laitières sont passées d’aire paillée en logettes. Avant le fumier était totalement mis sur les maïs et la fosse à lisier, trop petite, devait se vider régulièrement. Aujourd’hui le stockage des effluents est adapté et permet d’épandre au bon moment pour répondre aux objectifs de récolte de l’herbe et surtout d’en mettre sur l’ensemble des prairies mécanisables de l’assolement. (30m3/ha sur les ensilages et 20m3/ha sur les pâtures).  Avant les pâtures ne recevaient pas d’effluents.  La meilleure valorisation de l’herbe a vite compensé la suppression du maïs. 

Une exploitation des surfaces améliorée.

La conduite du pâturage a été revue : mise à l’herbe plus précoce, les vaches tournent plus vite sur les parcelles et les pâtures sont fauchées plus systématiquement pour ne pas se faire dépasser. La luzerne a été introduite dans les mélanges prairiaux et les rotations sont revues pour ensemencer plus régulièrement et ramener à 5 ans maximum la durée des prairies temporaires. Les ensilages se font une semaine plus tôt en moyenne.

Des résultats sur le troupeau laitier en progression.

«Sans augmenter la quantité de concentré achetée, la production a progressé de 600 kg /VL/ an. On achète moins de tourteau mais davantage de maïs grain pour ramener de l’énergie dans la ration » explique Antoine.  Les problèmes sanitaires rencontrés précédemment, sont un lointain souvenir. L’ensilage d’herbe, régulièrement sec (35%), est très appétant et permet une bonne ingestion.  Les éleveurs, sont plus réactifs pour ré-affourrager les vaches laitières en été. L’enrubannage ou les silos tampons sont nécessaires avec les étés de plus en plus arides.

Virginie Vernay, CEL 63

Tags: