Caprin - Le GAEC des Péris : autonomie et performance

Le GAEC des péris est situé dans la Drôme sur la commune de Châteaudouble entre la vallée du Rhône et les contreforts du Vercors. Cette exploitation, qui existe depuis plus de 50 ans, a développé depuis une dizaine d’année son atelier caprin en cherchant à lier performances techniques et bonnes conditions de travail.

 

 

L’exploitation est aujourd’hui gérée par 4 associés. René Berger s’est installé en 1979. A cette époque et jusqu’à aujourd’hui l’exploitation avait plusieurs ateliers : grandes cultures, noix, chèvres laitières et veaux sevrés qui a laissé sa place à un atelier de 80 veaux en intégration.  Le premier troupeau de chèvres était composé de 40 alpines et était présent sur l’exploitation jusqu’en 1995. L’installation d’Alexandre Berger s’est accompagnée d’une augmentation de 200 veaux avec construction d’un nouveau bâtiment pour les loger et l’ajout de terres.  Cinq ans plus tard, en 2011, c’est Hugues Berger qui rejoindra le GAEC et qui reprendra l’atelier caprin avec 150 chèvres Saanen appartenant à Bernard Berger à l’origine. Les premières chèvres de ce troupeau sont issues de Saanen en Suisse, leur lait a toujours été livré à la laiterie de Crest (26). Elles sont suivies par le contrôle laitier depuis 1969 et sont indemnes CAEV depuis 1980. Enfin, en 2020, Cynthia Monteyremard a rejoint le GAEC en amenant environ 60ha en fermage et un bâtiment en location pour l’élevage des chevrettes. Cette dernière installation a également été suivie de 100 chèvres supplémentaires.

Aujourd’hui le GAEC compte 280 chèvres laitières, 230 veaux en intégration et 210 hectares. Les 60 ha de prairies et une partie des grandes cultures sont à destination des chèvres. Cela permet à l'atelier caprin d'être autonome en orge, en betterave fourragère, en maïs grain et en paille. 

Une répartition des tâches par atelier

Chaque atelier est indépendant même si en cas de besoin il y a de l’entraide. René Berger s’occupe des noyers et de l’administratif. Alexandre Berger a la charge de l’atelier des veaux en intégration ainsi que la gestion des grandes cultures. Hugues Berger s’occupe des chèvres et des fourrages principalement. Cynthia Monteyremard gère également l’atelier caprin et notamment l’élevage des chevrettes. Chacun des associés a également la charge d’un ou plusieurs enrouleurs.

L’atelier caprin est donc cogéré par Hugues et Cynthia. Toutes les traites du matin sont effectuées par Cynthia, Hugues quant à lui réalise celles du soir. C’est une organisation qui a été choisie pour avoir un meilleur équilibre vie personnelle/vie professionnelle. Les associés sont en week-end de repos 1 week-end sur 3 et prennent environ 4 semaines de congés chacun par an. Il a été décidé qu’ils ne prenaient jamais plus de 2 semaines d’affilés car cela représente une charge de travail trop importante pour l’associé qui récupère tout le travail de l’atelier caprin.

Les associés ont su maintenir une diversification des ateliers pour sécuriser l’exploitation et renforcer sa durabilité mais cela demande beaucoup de travail et ce tout au long de l’année.

Une organisation du troupeau par lot qui devrait être facilitée dans les années à venir :

Il y a 6 lots de 48 chèvres en lactation dans la chèvrerie, ce qui est justifié par une salle de traite de 2 fois 24 places. Pendant la première partie de la lactation les chèvres sont triées en fonction de leur taux cellulaire obtenu via les contrôles laitiers. Le lot de primipares passe en premier à la traite.

Au moment de la reproduction, au printemps, 4 de ces lots sont sous-divisés afin d’avoir 10 lots et ainsi de garantir une filiation de toutes les naissances.

Dans les années à venir, il est prévu d’agrandir la chèvrerie dans la longueur. Les lots 5 et 6 n’existeraient plus et serviraient au stockage de paille. Ce changement permettrait d’améliorer la qualité de vie des chèvres et de faciliter le travail pour les associés. Les lots 5 et 6 actuels ne sont pas pratiques à curer et surtout ils ne facilitent pas l’observation au moment des mises bas du fait qu’il n’y ait pas de couloir d’alimentation. Le tapis d’alimentation n’étant pas présent sur toute la longueur ces lots ne peuvent pas non plus être sous-divisés donc ce sont les chèvres pour l’IA qui y sont au moment de la reproduction. Ensuite les futures primipares y arrivent dans l’été et les chèvres qui ont eu des IA passent dans les lots plus visibles pour faciliter la surveillance car ce sont les premières à mettre bas.  C’est ensuite aux futures primipares de passer dans les premières loges pour une meilleure observation des mises bas. Enfin une fois que toutes les mises bas ont eu lieu ce sont les chèvres avec le plus de cellules qui sont dans ces 2 lots autour du tapis.

La mauvaise exposition de cette partie du bâtiment implique donc beaucoup de mouvements des lots de chèvres. S’ajoute à cela les difficultés pour distribuer le maïs grain le midi à cause du tapis d’alimentation. Le projet serait donc de conserver l’effectif actuel tout en agrandissant le bâtiment.

D’autres projets sont en lien avec la diminution de la pénibilité pour les éleveurs. Ces projets concernent notamment l’alimentation avec l’investissement dans un distributeur automatique de concentrés et une pailleuse automatique.

 

Un élevage autonome en fourrage et une ration adaptée aux règles d’un cahier des charges

L’AOP Picodon existe depuis 2009 mais l’AOC a été créé en 1983 sur les territoires de la Drôme, de l’Ardèche et quelques communes du Gard et du Vaucluse. Ce fromage de chèvre au lait cru est non pressé, à pâte molle et moulé à la louche.

Les fourrages distribués aux chèvres, conformément au cahier des charges de l’appellation d’origine protégé du Picodon, proviennent à 100% de l’aire géographique de l’AOP. Pour le GAEC des péris l’entièreté des fourrages sont produits sur l’exploitation. 

Les graines de céréales distribuées sous forme brute proviennent à 100% de l’aire géographique. Encore une fois cette condition est respectée par l’exploitation qui produit toutes les céréales (maïs et orge) distribuées aux chèvres. Les concentrés sont limités à 390kg/an/chèvre.

Organisation et composition de la ration des chèvres :

Concernant les fourrages et les concentrés les chèvres en pleine lactation ont :

- du sainfoin le matin

-du foin de luzerne 3ème coupe le midi et le soir

 -450g de granulé 32%

-300g d’orge

-300g de maïs le midi

-de l’argile à volonté et des minéraux tous les matins.

Sur le début de la lactation, d’octobre à décembre, de la betterave fourragère est distribuée aux chèvres à hauteur de 2,6kg brut /jour/chèvre. Ce fourrage est produit sur l’exploitation également.

Les chèvres peuvent sortir du bâtiment de mars à novembre selon les conditions climatiques. Elles ont accès libre en journée à des aires d’exercice de 500m² par loge de 48 chèvres. La nuit les accès à l’extérieur sont fermés à cause des risques très élevés de prédation par le loup dans le secteur. Pour cette même raison de grands portails ont été installés à l’entrée des bâtiments pour pouvoir laisser passer l’air en période estivale tout en sécurisant le troupeau.

Les achats concernant l’alimentation pour les chèvres et les chevrettes sont donc restreints à l’aliment azoté, les minéraux, la poudre de lait et l’argile.

 

Un élevage des chevrettes facilité par un bâtiment adapté

L’élevage des 80 chevrettes se déroule dans un bâtiment qui se situe à 4 km de la chèvrerie. Mise à part cette contrainte d’éloignement, ce bâtiment en location est spacieux et permet de faire plusieurs lots. Les chevrettes qui naissent avant la vague de froid de septembre ne sont jamais mélangées à celles qui naissent pendant ou après cette vague de froid car ces dernières sont plus sujettes aux mycoplasmes. Les chevrettes ont du colostrum thermisé et sont ensuite élevées au lait en poudre jusqu’à ce qu’elles pèsent 16 à 17 kg. Elles restent dans le bâtiment chevrette jusqu’au mois de juillet. La période de reproduction se passe donc dans ce bâtiment. Les loges sont alors sous-divisées pour qu’il y ait, pour les chevrettes également, une reproduction 100% filiée. Leur taux de réussite de la reproduction est très bon : 99%. Les seuls échecs sont 1 ou 2 avortements par an maximum dus généralement aux fortes chaleurs estivales. Les chevrettes qui ne mettent pas bas à un an ont une seconde chance l’année suivante et restent donc 1 année de plus dans ce bâtiment.

 

La croissance des chevrettes est suivie via des pesées réalisées avec la conseillère tous les 25 jours environ à partir de 25-30 jours d’âge moyen et jusqu’à 70 jours. Une dernière pesée est généralement effectuée vers les 5 mois des chevrettes.

Concernant leur ration, les chevrettes ont du sainfoin dès les premières semaines de vie. L’aliment chevrette est introduit à 2 semaines d’âge. Elles en ont d’abord à volonté puis il est rationné jusqu’à 450 g/j/chevrette à 4-5 mois. Elles ont également de l’argile et du sel à disposition pendant toute leur croissance.

Sur les 3 dernières années, la croissance des chevrettes suit la courbe de croissance théorique. Ces bons résultats de croissance sont dus à une bonne alimentation combinée à un suivi régulier.

 

Un travail rigoureux sur la génétique et la sélection qui s’avère payant :

L’objectif des éleveurs est que les chèvres atteignent une moyenne de production de 1000 puis 1200 litres par an dans quelques années. Pour cela plusieurs leviers sont utilisés.

Concernant l’ambiance du bâtiment, elle devrait être améliorée grâce à une meilleure isolation du toit. En plus de ces conditions plus favorables, les éleveurs misent aussi sur la génétique en réalisant une soixantaine d’inséminations artificielles par an accompagnées d’une réforme relativement stricte des chèvres. Effectivement, les chèvres qui produisent moins de 800 litres sont réformées en étant proposées à la vente à d’autres élevages. Ces dernières années, la production laitière annuelle moyenne des chèvres de cet élevage n’a cessé de s’améliorer. Elle était de 855kg en 2020, 910kg en 2021 et 987kg en 2022. Les chèvres font également du lait avec des bon taux : 37 de TB et 34.4 de TP en moyenne.

Les bonnes chèvres pour lesquelles la reproduction échoue sont conservées en lactation longue et forment un lot de 48. Les lactations longues sont en monotraite l’été pendant les 2 mois de tarissement du reste du troupeau. Ce passage en monotraite se combine bien avec la charge de travail qu’il peut y avoir dans les parcelles à cette période de l’année. Les lactations longues sont ensuite repassées en bitraite lors des mises bas des autres chèvres et ont une production moyenne comparable au reste du troupeau.  En effet les résultats des 6 contrôles laitiers d’octobre 2022 à mars 2023 montrent que la production moyenne des chèvres en lactation longue est de 2,9kg de lait par jour contre 3,0 kg de lait par jour pour les autres chèvres du troupeau.

Les éleveurs ont su faire progresser leur troupeau grâce à la génétique et la sélection. Les éléments clés sont le ré-allotement des chèvres, le suivi des performances et l’observation quotidienne. Cette progression s’accompagne en parallèle d’amélioration des conditions de travail avec un bâtiment adapté à l’élevage des chevrettes et des projets d’amélioration du bâtiment des chèvres laitières. Le fait d’être 2 sur l’atelier caprin a également permis aux éleveurs d’accorder plus de temps au troupeau, au suivi des chevrettes et d’améliorer la qualité des fourrages.

 

Mathilde Chazalet, ADICE

Tags: