Caprin : complémentarité, opportunisme et diversité pour plus d’autonomie

Jean-Philippe FOURREL est associé du GAEC Chèvrerie de Chomaise. Son exploitation agricole est située à Préaux dans le Nord Ardèche. Au travers de son témoignage, nous identifierons de nombreux leviers d’adaptation face au changement climatique.

 

Carte d’identité de l’exploitation 

L’exploitation compte deux cheptels : un troupeau de 170 chèvres de race Alpine chamoisée et 50 chevrettes de renouvellement ainsi que 10 vaches allaitantes et 4 génisses de race limousine. La surface agricole utile est de 65ha dont 15ha de terres labourables. Le parcellaire est idéalement regroupé autour des bâtiments, avec 50ha de prairies permanentes et parcours accessibles pour le pâturage. Le lait des chèvres est valorisé en AOP Picodon et livré à la fromagerie de la Drôme à Saint Félicien (07).

Tout part du sol !

Le contexte pédoclimatique sur ce secteur est compliqué, avec des terres sableuses à très faible réserve utile et sous influence d’une roche mère granitique. « Depuis 2015, les épisodes de sécheresse s’enchainent, il a fallu adapter nos pratiques pour faire face au manque de fourrage » précise Jean-Philippe. Les premiers essais ont porté sur le semis de couverts estivaux entre deux céréales à paille. Aujourd’hui, les associés utilisent du sorgho fourrager. « Au fil des années, on s’est aperçu que c’était l’espèce la mieux adaptée sur notre exploitation. Le sorgho est capable de germer avec peu d’humidité dans le sol et d’attendre le retour des pluies pour exploser en végétation. » Pour l’implantation des couverts, Jean-Philippe dispose d’un semoir à disques ainsi que d’un combiné cultivateur frontal / semoir nodet à l’arrière. Il a ensuite testé le sursemis dans des luzernes en fin de vie, d’abord avec du sorgho puis avec du RGH. « Ce type de semis n’est pas compliqué à réaliser et donne de bons résultats. On observe un effet boost du passage du semoir et de la concurrence sur la luzerne qui permet d’allonger sa durée de vie de 1 à 2 ans. » Au printemps 2022, il a essayé un semis direct de luzerne sous couvert de triticale avec son semoir à disques au stade fin tallage/début montaison. Après la moisson, la parcelle a été rechargée en luzerne + RGH pour avoir une couverture homogène. Le résultat s’annonce prometteur, l’implantation est bien réussie, une première coupe a été réalisée à l’automne.  Pour mettre en œuvre cette technique de semis de prairie ou légumineuses sous couvert de céréales, il est primordial de passer en désherbage mécanique et/ou d’adapter son plan de désherbage chimique de la céréale en passant à l’automne en post semis avec des produits à faible rémanence. Ces leviers agronomiques ont permis de compenser la baisse de productivité des parcelles liée aux changements climatiques et d’accroitre l’autonomie de l’exploitation. Malgré tout, des achats extérieurs sont encore nécessaires pour boucler le bilan fourrager (30 à 40T /an de foin de luzerne). À souligner également que l’exploitation n’utilise plus de produits phytosanitaires depuis bientôt 10 ans. La rotation avec beaucoup de prairies, la mise en place de couverts ainsi que le désherbage mécanique permettent de s’en affranchir, pourtant les exploitants ne sont pas engagés en Agriculture Biologique.

Pâturage tous azimuts

Les exploitants font la part belle au pâturage et se sont adaptés à l’évolution du climat. Les vaches Limousines restent dehors en hiver et vêlent en extérieur. Seules les génisses et quelques vaches à problèmes sont en bâtiment. Ils travaillent sur la complémentarité entre les deux espèces afin de valoriser au mieux l’intégralité du parcellaire. Par exemple, les chèvres sortent après les mises-bas vers mi-mars sur des prairies temporaires (plus précoces). Vers la mi-avril elles pâtureront les parcelles occupées par les vaches pendant l’hiver. Les vaches iront valoriser des prairies plus éloignées et/ou avec une forte pente. Les refus de pâturage seront également consommés par le troupeau allaitant.

 

 

L’affouragement en vert pour la souplesse d’exploitation

Le GAEC Chèvrerie de Chomaise s’est équipé d’une faucheuse auto-chargeuse lors du passage en AOP Picodon pour compenser l’arrêt de l’enrubannage pour les chèvres. « Aujourd’hui il n’y a plus de règles, plus de repères pour les récoltes en vert » indique Jean-Philippe. L’objectif est de récolter un jour sur deux. Suivant les années, une à deux coupes au printemps sont réalisées et les couverts de sorgho et les repousses d’automne sont également récoltés en vert. « En 2022 on a récolté presque plus d’herbe et de bonne qualité à l’automne qu’au printemps ».

De la complémentarité à l’auge également

Les refus de la ration hivernale des chèvres sont valorisés par le troupeau allaitant. « Tous les 2 jours je pousse au tracteur les refus des chèvres et les emmènent aux vaches. On y retrouve encore un peu de feuille de luzerne, une partie des tiges et même un peu de grain. Il n’y a pas de pertes, on ne jette rien » précise Jean-Philippe.

Une transition réussie grâce à l’accompagnement d’Adice

« Ma conseillère Priscillia est présente régulièrement sur l’exploitation, que ce soit pour établir les rations, le choix des chevrettes de renouvellement, le suivi et réalisation des NEC ou encore le calcul du coût de production du litre de lait. J’ai participé à un parcours de 4 journées de formation collective sur l’agronomie organisé par Adice en 2021 et 2022. Cela m’a permis d’aller plus loin et d’oser tester plus de choses sur mon exploitation. Depuis la première journée de formation en mars 2021, nous avons un groupe Whatsapp permettant d’échanger des photos, des réussites, les échecs aussi. C’est toujours intéressant de voir les essais et astuces des collègues. Plus récemment, je réalise mon plan prévisionnel de fumure avec un expert agro Adice. Au-delà du document réglementaire, j’apprécie les échanges et conseils sur la valorisation des effluents, la composition des prairies, les itinéraires techniques. »

Adrien Raballand, ADICE

Tags: